Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Les Rues de Lyon - Page 7

  • Jardin des Pantes

    C’est le 8 juin 1795 que le représentant du Peuple Joseph Clément Poullain Granprey décide la création d’un Jardin des Plantes à Lyon, sur le terrain de l’ancienne abbaye de la déserte située sur les pentes de la Croix-Rousse, devenu bien national depuis peu.  Son premier directeur, Jean Emmanuel Gilibert (1795-1808) obtient gain de cause après une longue lutte. En hommage à Joséphine de Beauharnais, ce dernier devient en 1805 le « Jardin de l’Impératrice » qui offre des plantes exotiques qu’elle acclimate en son jardin de la Malmaison, parmi lesquelles une partie de sa collection de roses. Le lieu devient vite une promenade à la mode, en particulier pour les élèves de la « classe de fleur » de l’Ecole des Beaux-Arts.

    En 1819, sous la direction de Jean-Baptiste Balbis, une Orangerie qui sera remontée pierre par pierre lors du déménagement du jardin au parc de la tête d’or est aménagée. C’est surtout Nicolas Charles Seringe (1776-1858) qui modifie le plus profondément l’organisation du jardin des Plantes en aménageant un herbier de plus de 17 000 plantes, une collection de bois utile à l’ébénisterie, une importante collection de céréales utiles aux agriculteurs. C’est aussi lui qui met en place le premier étiquetage systématique des végétaux, afin que le plus grande partie de la population puisse les identifier. Ravagé par un ouragan en 1853, le Jardin est réaménagé, lors de la création du parc de la Tête d’Or en 1857, dans le nouveau jardin botanique où il peut s’étendre plus à son aise. Ce n’est qu’au milieu du vingtième siècle que, grâce aux travaux d’Aimable Audin (1899-1990) nommé en 1957 directeur des fouilles antiques de la ville de Lyon, débute le dégagement de l’amphithéâtre des Trois Gaules dans ce haut lieu de la chrétienté jusqu’alors souverainement ignoré, sur la colline de Condate.  Jean Paul II, lors de son voyage en 1986, se rendra sur le lieu où probablement  furent suppliciés les martyrs de 177, parmi lesquels la jeune Blandine. Au bas du Jardin des Plantes, qui n’est plus à présent qu’un square paisible en journée, et le long de la rue qui porte encore son nom et rejont en pente douce la rue Terme, se trouvent le monument Burdeau et celui de Moïse Tibulle Lang (1841-1911), directeur de la Martinière de 1879 à 1909. On peut voir la rue sur la photo ci-dessous, ainsi qu el emonument Burdeau et, au loin la colline de Fourvière.

    3_gaules1-a24b5.jpg
  • Salomon Reinach

    Directeur du Musée des Antiquités nationales, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, codirecteur de la Revue archéologique, Salomon Reinach est l'auteur d'une œuvre considérable dont la Bibliographie de 262 pages, reinach.jpgparue en 1936, donne la mesure et dont Cultes, mythes et religions (1905-1923) est la figure de proue. Reinach y aborde l'étude des religions par le biais des grandes notions opératoires en honneur à l'époque : l'animisme, la magie (qui est « la science non encore laïcisée »), le tabou (« interdit non motivé », transmis par héritage de nos ancêtres animaux à nos ancêtres humains), le sacrifice, le totem, dont l'auteur prétend trouver des exemples dans tous les dieux sacrifiés du monde gréco-romain : Orphée, Hippolyte, Actéon, Phaéton... Dans Totem et Tabou (1913), Freud fait souvent référence à cette somme de la mythologie comparée.

    Salomon Reinach est le frère de Joseph Reinach (1856-1921), homme politique et publiciste qui mena campagne contre le boulangisme et en faveur de Dreyfus, et de Théodore (1860-1931), lui-même archéologue et historien. Il est né à Saint-Germain-en-Laye, dans une riche famille de banquiers juifs allemands et a suivi les cours de l'Ecole Normale Supérieure, avant de rejoindre l’Ecole Française d’Athènes en 1879.  Son arrivée en Grèce est marquée en mars 1881 par sa rencontre avec Charles Joseph Tissot, un Dijonnais célèbre, futur ambassadeur de France à Londres, qui est ministre de France à Athènes depuis trois ans et président de l'Institut de correspondance hellénique : « Je me présentai à Tissot, il me revit à notre bibliothèque, et nous étions liés avant de nous connaître. Il m'a dit plus tard qu'il m'avait pris en affection parce qu'il me voyait une curiosité générale et que je paraissais désireux, à la différence des spécialistes, d'apprendre ce que je ne savais pas ». Trente ans séparent Salomon de cet homme qui pourrait être son père. Mais ils sont nés le même jour, un 29 août, ce qui contribue à les rapprocher. Tout comme leur passion pour le dessin, leur goût des langues, leur amour de Lucain et leur propension à la mélancolie.

    Archéologue de terrain, Salomon Reinach a conduit sur tout le pourtour méditerranéen bon nombre de fouilles qui eurent un grand retentissement auprès de la communauté scientifique, notamment à Myrina près de Smyrne, entre 1880 et 1882, à Kymé en 1881, dans les îles de Thasos, Imbros et Lesbos en 1882, à Carthage en 1883 et à Odessa en 1893.

    Il est connu pour avoir fait acheter par le musée du Louvre, en 1896, la tiare de Saïtapharnès découverte en Crimée pour la somme de deux cent mille francs or, tiare qui se révéla en 1903 être un faux réalisé par un certain Rachoumowsky. Jarry, dans le docteur Faustroll, évoque l'aventure.

    Ardent défenseur de la culture et des droits des juifs, il fut par ailleurs vice-président de l’Alliance israélite universelle et membre de la Société des études juives. Il s’engagea dans l’affaire Dreyfus en y jouant un rôle occulte, mais décisif. Soucieux de combattre l’intolérance, il fut également aux côtés de Colette, lors du procès de Robert Desnos, condamné pour La Liberté ou l’amour. Jusqu’à sa mort, il rendit visite ou écrivit à Nathalie Barney et à Liane de Pougy, qui l’avaient introduit dans le milieu des prêtresses de Sapho. Il trouvait auprès d’elles l’occasion de satisfaire la dernière grande passion de sa vie : la vie et l’œuvre de Pauline Tarn, la poétesse Renée Vivien.

    Salomon Reinach est mort à Boulogne, dans les Hauts-de-Seine en 1932, il est inhumé au cimetière de Montmartre.

    Si la capitale des Gaules honora une rue du septième arrondissement de son nom depuis 1934, c’est parce qu’il légua sa très riche bibliothèque à l’Université de Lyon.

    537_image_salomon_reinach.jpeg
  • Paul Santy (avenue)

     

    paul santy,cardiologie,hopital edouard herriot,abbé boullan,jacques vintras,carmel d'elie,montanus,route d'heyrieux

    Le professeur Paul SANTY est né à Die le 18 avril 1887, où son père était receveur de l'enregistrement. Les nominations successives de ce dernier le conduisirent à faire ses études secondaires à Saint-Etienne, dans la Loire, où il fut un moment tenté par l'Ecole des Mines de Saint-Etienne, puis à Lyon où il entreprit ses études de médecine, subissant la salutaire influence de maîtres comme Antonin Poncet, René Leriche, Xavier Delore, et plus tard de Léon Bérard auprès duquel il fut chef de clinique. Paul Santy fut successivement externe puis interne des hôpitaux, chef de clinique du centre Léon Bérard (1909), professeur de chirurgie opératoire (1939-1941) puis, jusqu’à sa retraite, professeur de clinique chirurgicale

    Marcel Dargent, son élève, écrivit de lui qu’il fut l'un des derniers représentants de ces grands patrons qui menèrent de front les tâches de la chirurgie générale et celles de la cancérologie.

    En chirurgie générale même, Paul SANTY aborda successivement en effet plusieurs disciplines différentes : chirurgie de l'appareil digestif, chirurgie thoracique, enfin chirurgie cardiaque. Dès 1937, il obtient des résultats encourageants dans le traitement des péricardites constrictives. Dix ans plus tard, au retour d'un voyage Outre-Atlantique (Baltimore), il osa se lancer dans l'opération des « enfants bleus » (300 opérés en 10 ans), pratiquer la résection de l'aorte (1956), et enfin avec son élève Paul Marion l'opération à cœur ouvert. Et c'est pourquoi, pendant des années, les regards admiratifs des Français se tournèrent plus d'une fois vers le célèbre pavillon O de Grange-Blanche (aujourd’hui Hôpital E. Herriot), celui du professeur SANTY, où fut généralisé le port des tenues bleues.

    Ironie du sort, c’est d’une crise cardiaque qu’il décèda le 20 janvier 1970, et la Ville de Lyon donna alors son nom à une pareugenevintras.jpgtie de la route d’Heyrieux dans le huitième arrondissement.

    Pour la petite histoire, c’est au 55 de cette ancienne route qu’en 1862, Pierre Eugène Vintras (photo ci-contre), qui devint un personnage de La Colline Inspirée de Barrès, avait fondé sa religion et installé le siège mondial de l’œuvre de la miséricorde, le carmel d'Elie, qu'il plaçait sous la fidèle garde de son adjoint François-Ours Soiderquelck dès qu'il s'absentait. C’est aussi là que son successeur, Joseph Antoine Boullan, le célèbre abbé satanique qu'admira Huysmans, débuta sa satanée carrière en 1876, avant de s'installer en 1884 au n° 7 rue de la Martinière. Ce dernier ne se proclama jamais, comme Vintras, la réincarnation d'Elie, mais celle de Saint-Jean Baptiste, reprenant à son compte l'hérésie de Montanus. Boullan enseignait à ses fidèles que « la chute édénale s'étant effectuée par un acte d'amour coupable, c'est par des actes d'amour religieusement accomplis que peut et doit s'opérer la Rédemption de l'Humanité » et préconisait à l'adepte qui souhaitait se racheter lui-même d'avoir des rapports avec des entités célestes, tandis que celui qui, par charité, souhaitait aider des êtres inférieurs à se racheter devait avoir des rapports sexuels avec eux, érigeant ainsi l’art de la fornication en pratique liturgique.

  • Jean-Baptiste Say

    On se demande bien ce que fout cette rue en plein fief  des canuts ! Parallèle en l’une de ses extrémités au tunnel routier (l’ancien tunnel de la ficelle de la rue Terme), juste en face de l’ancienne gare de la Croix-Rousse, elle rejoint à angle droit la montée des Pierres Plantées pour se jeter dans la rue du Général Sève. On se le demande parce que le dénommé Jean Baptiste Say (1767-1832), fut davantage un théoricien politique au service des marchands-fabricants qu’au service des canuts. Disciple et vulgarisateur de la doctrine d’Adam Smith, il naquit le long du Rhône,  dans une famille protestante d’origine genevoise, quai Saint-Clair, le 15 janvier 1767. Son père ayant fait faillite en 1783 dut s’expatrier à nouveau et rejoignit Paris. En compagnie de son frère Horace, Jean-Baptiste se rendit à 19 ans en Angleterre ou, pendant deux ans, il put observer « les bienfaits » (ou les méfaits, c’est selon) du libéralisme à l’anglaise, à l’œuvre notamment dans les manufactures. Assez opportuniste durant la Révolution, on le voit s’engager et se retirer à temps des divers clubs, dont les Girondins, pour garder la tête sur les épaules.  Proche de Napoléon durant le Directoire, il s’en écarte en 1803, alors que parait son  Traité d’économie politique ou simple exposition de la manière dont se forment, se distribuent et se consomment les richesses. Say est considéré comme un théoricien efficace. La loi qui porte son nom postule que toute offre engendrant une demande, le marché s’autorégule lui-même si on le laisse libre d’être sa propre loi et sa propre éthique : « Plus les producteurs sont nombreux, et plus les productions sont multiples, plus les débouchés sont faciles » Il écarte l’idée que des crises de surproduction (ou de sous-consommation) puissent advenir, contrairement à son contemporain Thomas Malthus (1766-1834) qui réfute avec fermeté cette vision optimiste. Say est l’un des pionniers de l’économie de l’offre, contraire de l’économie de la demande, que défendra, à l’opposé, Keynes. On doit à Jean-Baptiste Say la division tripartite qui est restée classique : production, répartition, consommation.

    Est-ce un hasard si ce sont les autorités impériales (la mairie centrale ayant été supprimée)  qui lui donna un nom de rue durant la période du développement économique des manufactures à Lyon ? De nombreux lycées et écoles de commerces (il participa à la fondation de l'École Spéciale de Commerce et d'Industrie qui devint par la suite l’ESCP Europe)  portent son nom. C’est pour lui que fut créée, peu avant sa mort, la première chaire d’économie politique du Collège de France. Say fut par ailleurs un dramaturge médiocre qui laissa quelques pièces à présent oubliées : Le Tabac narcotique et Le Curé amoureux. Ci-dessous, son effigie tel qu’il apparait sur l’un des balcons du deuxième étage de la fresque des Lyonnais célèbres, à l’angle du quai Saint-Vincent et de la rue de la Martinière. Et sur le blogue Certains Jours, une belle divagation poétique autour du nom de Jean-Baptiste Say, sur le mode Jacques a dit.

     

    murs_peints21.jpg
  • Gailleton (quai et place)

    Antoine Gailleton, qui fut le premier maire de Lyon élu sous le nouveau régime municipal, aimait à rappeler qu’il était né entre deux arrondissements de Lyon, sa mère l’ayant mis au monde sur l’ancien pont de Change, le 17 novembre 1829. Son père, Claude, était tisseur et sa mère marchande d'oranges, précisément sur ce pont du Change, à présent détruit. Le jeune Gailleton grandit montée Saint-Barthélémy et se révèle très vite un brillant élève : à tout juste vingt ans, il est classé troisième au concours de l’Internat des Hospices de Lyon. Il exerce en tant qu’interne à l’Antiquaille, la Charité, l’Hôtel-Dieu, et devient chirurgien-major à l’Antiquaille. La chose publique l’intéresse assez tôt : le 15 septembre 1870, il se retrouve élu conseiller du 2ème arrondissement dans la municipalité de Jacques Hénon. Aux élections municipales d’avril 1872, il conserve son siège auprès de son successeur, le maire Désiré Barodet. Alors que la mairie centrale est à nouveau supprimée en 1874 par un pouvoir central qui craint toujours Lyon la Rebelle, il demeure président du Conseil Municipal sous la houlette du préfet. C'est alors qu'il entreprend un bras de fer avec les dix préfets qui se succèdent jusqu’en 1881, date à laquelle la mairie centrale est rétablie, à condition que le maire de Lyon soit nommé par le gouvernement, qui avec prudence le confirme dans ses fonctions.

     

    Le soir de juin 1984 où le président Carnot fut assassiné, Gailleton était assis en face de lui. Le président de la République avait proposé de faire à pied le court trajet qui séparait la Chambre du Commerce du Grand Théâtre. Gailleton l’en avait dissuadé au nom du protocole ; mais ses adversaires ne se privèrent pas d’affirmer que c’était à cause de ses rhumatismes : Sadi Carnot aurait-il échappé à la mort ? D’après Caserio, c’est possible, puisque qu’il déclara avoir prémédité son geste d’après la position protocolaire de sa victime dans la calèche officielle. Après l’attentat, Gailleton se retrouva au première loge pour conduire son hôte officiel blessé à mort à la préfecture où, avec le docteur Poncet, il tente sans anesthésie une opération de la dernière chance. Il veille sur le mourant dans les salons de la préfecture en compagnie du cardinal de Lyon,  jusqu’à minuit quarante deux, heure à laquelle Sadi Carnot rend le dernier soupir.

    On doit à Antoine Gailleton le dégagement des quartiers Saint-Paul et Martinière, la construction des ponts d’Ainay, de la Boucle, Morand et de l’Université, celle des nouvelles facultés, l’installation spectaculaire de la fontaine Bartholdi aux Terreaux, initialement prévue pour Bordeaux, le développement des tramways.

    gailleton_antoine.jpg
    Portrait d'Antoine Gailleton, par J. Chambe, 2e moitié XIXe siècle
     

    Mais la grande affaire de son mandat reste la démolition et la reconstruction du quartier Grolée, qui souleva de vives passions. Affaire engagée par lui avec un optimisme excessif, et d’ailleurs fort mal engagée, puis mal conduite, alors qu’on chantait dans la rue :

    « La ville est désolée

      Qu’on abatte la rue Grolée »

    Le « bonhomme Gailleton », surnommé « pipa Gailleton » en raison de sa pipe en terre qu’il allumait entre deux morceaux de réglisse, au bout de dix-neuf ans de règne sur la ville s’était sans doute trop vite assurée de n’être jamais démis de sa fonction. Sa popularité était, il faut le dire, vive. Mais à partir de 1892, l’un de ses adjoints, Victor Augagneur, commença à militer contre lui et finit par lui souffler le fauteuil en 1900. Impassible, Gailleton reprit du service à l’Antiquaille, ainsi que son enseignement fort discret.

    Le docteur Gailleton mourut le 9 octobre 1904. En 1907, un buste fut inauguré sur sa tombe à Loyasse, et la ville de Lyon donna son nom au quai de la Charité et à la place Grollier, dans le deuxième arrondissement. C’est là que son « monument », un imposant édifice de pierres, fut érigé par les architectes Lucas et Marion en 1913, avec un bas-relief d’André Vermare.

    1_ph_1375-1_monument_gail.jpg
  • Victor Augagneur (quai)

    « Sans distinction, il tient du boucher de barrière avec des allures de toucheur de bœuf ». Le compliment est adressé au maire de Lyon Victor Augagneur, par le journal satirique Guignol, en 1890. Il n’est alors que conseiller municipal.

    Jean-Victor Augagneur (1855-1931) fait partie de cette espèce de bourgeois catholiques, espèce assez répandue à la fin du dix-neuvième siècle, qui va chercher auprès du peuple et du socialisme de quoi faire une jolie carrière. Après un séjour  au séminaire de Sémur-en-Brionnais, il devient donc fort logiquement anticlérical et franc-maçon, ce qui ouvre à son ambition les premières portes, celles qui sont toujours les plus difficiles à forcer. Interne des hôpitaux de Lyon en 1875 puis chef de clinique en 1881 à l’Hôtel-Dieu (il a alors 26 ans), après sa thèse remarquée sur « La syphilis héréditaire tardive »,  il devient chirurgien-major à l’Antiquaille et réussit l’agrégation de médecine en 1886.

    La carrière politique d’Augagneur, à l’image du personnage, fut un modèle de louvoiement. D’abord adjoint puis colistier du maire radical Gailleton, il devient peu à peu son challenger et son rival en virant de plus en plus à gauche et finit au parti socialiste. Patient et déterminé pendant douze ans (trois élections)  il finit par emporter la mairie et s’installer dans le fauteuil tant convoité en 1900, en jouant, comme d’autres le feront par la suite,  la carte du socialisme. Sans doute ferait-il rigoler beaucoup de gens à l’heure actuelle, mais à l’époque, le beau verbe trompait encore son monde. Sous son mandat, Villeurbanne faillit être réunie à Lyon, ce qui n’aurait peut-être pas été plus mal à y regarder de près. Son autoritarisme lui valut des surnoms comme "Victor-le-Glorieux", "Victor Ier", "l'Empereur" ou "César". En 1905, une année après sa réélection, cet homme ambitieux et imprévisible quitta la tête de la mairie de Lyon pour un poste de gouverneur à Madagascar. C’est ainsi qu’un autre agrégé, de lettres cette fois-ci, Edouard Herriot devint maire par procuration. Ce dernier ne lui laissa jamais, à son retour, le loisir de reconquérir son siège, auquel on sait qu’il s’accrocha (l'expérience de son prédécesseur ?) durant un demi-siècle.

    augagneur-imperator.jpg

    Le rêve de Victor (Victor imperator)

    Le socialisme mène à tout ! ... même à Madagascar

     

     Ce personnage dont ses contemporains dénoncèrent l'orgueil démesuré, et qui portait dans son nom la victoire et la gagne fut-il victime de l'onomastique ? Premier gouverneur général civil à Madagascar, succédant au général Gallieni, de 1905 à 1910, le gouverneur Augagneur essaya de rémedier à ce qu'il y avait de trop rigide dans la situation consécutive à la conquête: il supprima les derniers cercles militaires qui commettaient des abus regrettables, ainsi que les offices du travail fournissant de la main d'œuvre gratuite... Les faits marquants sous son administration furent le début de la production de vanille dans la région d'Antalaha, la découverte du gisement de charbon de la Sakoa, l'équipement en phares des côtes de Madagascar, la suppression de toute subvention à l'enseignement privé, le début de l'enseignement secondaire public, un décret organique créant la justice indigène à Madagascar, et surtout l'accession des Malgaches aux droits de citoyens français (décret du 3 mars 1909).

    A son retour en France, Augagneur devint député du Rhône (1910), ministre des Travaux Publics (1911), des Postes (1914) puis de la Marine. L’après-guerre l’éclipsa de la vie politique. Il redevint député en 1928 et il mourut le 23 avril 1931dans une maison de santé, la Clinique Saint-Rémy, du docteur Besançon, 46, boulevard Carnot au Vésinet. Le Progrès de Lyon ne lui consacra qu’une modeste colonne à la Une, annonçant sa disparition, et la municipalité donna son nom à un quai du Rhône sur la rive gauche, dans le quartier Lafayette-Préfecture.

     

  • Des médecins et des rues

    Dans un numéro spécial de la Revue Lyonnaise de Médecine daté de 1958, je découvre un long article passionnant de Ch. Pétouraud et J Rousset, consacré aux médecins et aux rues de Lyon. Les auteurs remarquent dans un premier temps que les rues portant des noms de médecins auront rarement été débaptisées. Ils citent deux cas : la rue de Pavie (dédiée à Simon de Pavie, qui acheva la construction de l'église Saint-Bonaventure) et la rue Lazare Meyssonier (un protestant converti au catholicisme au XVIIIème siècle). Mais ces deux rues ayant en réalité été démolies lors de l'aménagement du quartier Grolée en 1890-1898, ils concluent en affirmant que « l'éponymat médical semble avoir été le plus durable de tous ». Sur environ quinze cents rues, places, cours, quais, boulevards, montées, impasses... portant des noms, ils en dénombrent quatre vingt baptisés de noms de médecins. Pour arriver à un tel chiffre, ils donnent parfois, c'est vrai, dans l'arbitraire : Clémenceau, par exemple, exerça, je l'apprends en les lisant, la médecine rurale en Vendée de 1869 à 1871; il empocha pour cela 1900 francs d'honoraires. Augagneur et Gailleton ont beau avoir été docteurs, ils ont passé plus de temps à faire de la politique qu'à soigner des malades, et c'est à leurs mandats de maires qu'ils doivent leur plaque respective. On conviendra que Saint-Alexandre et François Rabelais doivent leur passage à la postérité davantage au statut de martyre que gagna le premier au milieu des lions de l'Amphithéâtre et aux prodigieux géants que le second créa qu'à leur pratique purement médicale. Et de même Jakob Spon, est célébré davantage en tant que numismate, archéologue et érudit, que disciple d'Hippocrate. Enfin, pour ne citer que ces quelques exemples, le cours du docteur Long, qui traverse tout le quartier de Montchat, commémore davantage, hélas, l'assassinat par la Milice, le 23 octobre 1943, d'un actif résistant, que la carrière d'un humble et obscur praticien de l'ancien cours Henri. Nos deux enquêteurs ne sont pas dupes : « Il est bien certain que souvent on a fait à des médecins l'honneur de leur donner une rue pour des raisons très extra-médicales. » On sent cependant poindre une certaine vanité de corps, non dénuée d'humour : car n'en est-il pas de même, poursuivent-ils, pour toutes les professions : « A qui fera-t-on admettre que ce soit pour célébrer l'auteur de Nana que l'on a inscrit le nom d'Emile Zola sur les murailles étonnées de la rue Saint-Dominique ? » Certes ! Sur le catalogue de quatre-vingts noms, ils ne se reconnaissent donc seulement qu'une trentaine de collègues authentiques.
    Parmi ces quelques obscurs et ces sans-grades, je n'en citerai qu'un, dont je trouve la notice qu'ils ont rédigée à sa mémoire fort jolie :

    Bonhomme (rue du docteur ... IIIème) : « Georges Bonhomme, né le 9 juillet 1883 à Lyon. Interne suppléant des Hopitaux de Lyon. Médecin praticien de valeur, très dévoué à ses malades. Installé chemin des Platanes, 35, il fut extrêmement populaire dans ce quartier où il était aimé de tout le monde. Pour lui, la plaque bleue est un équivalent du ruban rouge. Mort à Lyon le 23 avril 1952. »

    image_57511045.jpg
    La visite chez le médecin du village, David II TÉNIERS 1660, Huile sur bois, 29 x 38 cm Serge Wytz