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politique

  • Edouard Herriot

    La rue Edouard Herriot est l’une des principales artères de la presqu’ile, qui permet de relier les deux plus grandes places de Lyon, les Terreaux à Bellecour.  Comme la rue de la République qui lui est parallèle, elle s’étend sur le 1er et le 2ème arrondissement. Comme cette dernière également, son ouverture fut décidée sous le Second Empire et conduite par le préfet-maire Vaisse. Jusqu’en 1871, elle se nomma rue de l’Impératrice.

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    Pour sa percée qui fut saluée comme un triomphe de l’hygiénisme sur l’insalubrité, on emprunta le tracé d’anciennes rues comme la rue Clermont (des Terreaux à la rue Bât-d’Argent), qui avait été créée en 1582 par l’abbesse de Saint-Pierre, la rue Sirène qui la prolongeait et qui porta auparavant le nom de rue des Fripiers, et plus tôt encore  le joli nom de Malconseil. Rares sont les maisons antérieures hélas à sa récente construction, sinon entre les actuelles rue Mulet et rue Neuve.

    Au moment de son ouverture, l’imprimeur Storck, maître-lyonnais connu pour avoir édité entre autres les ouvrages de Nizier du Puitspelu, y habita, de même que le docteur Gailleton qui fut maire de Lyon. A la chute de l’Empire, on la baptisa rue l’Hôtel de Ville, puis elle prit son nom actuel après la mort d’Edouard Herriot, qui occupa un demi-siècle ledit Hôtel de Ville (1905-1957)

    Pour la petite histoire, celui que Béraud surnommait ironiquement « le Péricles du cours d’Herbouville » fut appelé à porter l’écharpe de maire à la suite de la démission d’Augagneur, nommé gouverneur de Madagascar, qui désigna un candidat qu’il jugeait non dangereux pour lui s’il désirait récupérer son siège. Par 28 voix contre 23, l’obscur conseiller municipal qui n’était pas même natif de Lyon entra donc dans l’histoire.

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    Edouard Herriot, par Blanc et Demilly

    Le bilan d’Herriot demeure rudement contrasté. Adepte de modernisme, comme son successeur Pradel, c’est lui qui détruisit l’ancien Hôpital de la Charité pour le remplacer par les actuels Hôtel des Postes,  Hôtel des Impôts et Sofitel, lui aussi qui ne s’opposa pas à la décision de l’Etat de remplacer un pont de pierres de dix arches datant du XVIème siècle par l’ouvrage moderne qui permet à présent de passer le Rhône pour se rendre en Guillotière, comme on disait autrefois, et qui ne brille pas par sa beauté.

    Avec son compère Tony Garnier, ce fumeur de pipe invétéré  « modernisa » donc si bien, dans le sillage de Napoléon III, la vieille cité des échevins, qu’il la fit pratiquement disparaître. On lui doit entre autre l’Hôpital situé à Montchat et qui porte son nom, le tunnel de la Croix-Rousse qui consacra malheureusement à l’automobile le quai Saint-Clair, la cité Gerland-La Mouche, le port Rambaud, le Palais de la Mutualité, la Bourse du Travail… Un projet de prolongement de la rue de la République à travers les pentes de la Croix-Rousse, un autre de rénovation de Saint-Jean, heureusement, avortèrent.

     

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    Vue sur l'Hôpital de la Charité, rasé par Herriot

    Edouard-Marie Herriot se piqua aussi d’être homme de lettres. Outre sa thèse sur madame de Récamier à présent carrément illisible (1905), on lui doit Lyon n’est plus, qui narre le soulèvement des extrémistes derrière Chalier et 1793 et la réponse sanglante de Robespierre, ainsi qu'un triptyque assez austère dans lequel il expose ses vues radicales, Agir, qu’il dédia à Colbert en 1917, et les deux volumes de Créer (1920). Henri Béraud écrivait dans le n° 6 de sa revue l’Ours, à propos de cette carrière littéraire : « La clientèle de M. Herrriot ne se montre point au cœur de la cité ; elle se tient dans les bureaux. On le lit officiellement, d’une manière administrative et presque municipale». Sa création la plus populaire en ce domaine est probablement d’avoir inventé une expression devenue courante, le français moyen.

    Son ami Pétrus Sambardier l’appelait « le Robuste » en soulignant malignement sa réputation de gros mangeur, notamment chez la mère Brasier de la rue Royale. Dans un article de décembre 21, il cite cette phrase de ses familiers, paraphrasant la séparation de l'Eglise et de l'Etat  : « chez lui, il y a séparation de l’estomac et du cerveau ».

    Sur le plan politique, ce personnage qui fut trois fois Président du Conseil (1924, 1926 et 32) est évidemment inséparable du radicalisme, le parti qui est alors, comme le dit Thibaudet, « le parti du français moyen ». En 1932, dans Les idées politiques de la France, Albert Thibaudet présentait Herriot comme un « girondin » qui eût été en 1793 « guillotiné à Paris, ou mangé par les loups à Saint-Emilion, ou mitraillé dans la plaine des Brotteaux, puis en 1847 canonisé magnifiquement par Lamartine ». On pourrait longtemps gloser sur ce personnage aujourd’hui oublié par la jeunesse, mais dont l’existence a croisé l’histoire de Lyon de manière significative. Suffit, pour s’en convaincre, de suivre les nombreux liens avec d’autres Lyonnais que ce billet m’a contraint d’effectuer. Herriot repose aujourd’hui à Loyasse, sous une stèle de marbre  horriblement stalinienne, à l’entrée droite du cimetière.

     

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    Ancien cimetière de Loyasse, tombe d'Herriot à droite de l'entrée principale


  • Professeur Beauvisage

    Il naquit le 29 janvier 1852, dans la capitale. Son père, Ernest Beauvisage, était chef de Cabinet du Directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, et auteur d'importants travaux de statistiques. Mais la mort de ce dernier l’obligea à quitter le lycée Louis-le-Grand bien avant le baccalauréat. Georges, Eugène Beauvisage fut d'abord employé à la Caisse des dépôts et consignations de 1869 à 1875. Il publia un grand nombre d'articles de géographie dans certains périodiques et surtout dans le Bien public. En même temps, il suivait des cours du soir pour mener à terme des études de médecine et de sciences naturelles. C'est ainsi que le 25 février 1881 il soutint, à Paris, sa thèse de doctorat en médecine et, qu'en 1882, il obtint le diplôme de licencié ès-sciences. Il fut nommé à ce moment préparateur de travaux pratiques à la Faculté de médecine de Paris. En 1883, il était reçu à l'agrégation d'histoire naturelle à la Faculté de médecine et de pharmacie de Lyon, et fut chargé du cours de Botanique à cette même Faculté, où il devait être nommé professeur titulaire en 1903. Cet infatigable travailleur avait obtenu entre temps, en 1891, le diplôme de pharmacien.

     

    Collaborant au Bulletin et aux Annales de la Société botanique de Lyon, il fut également l'auteur d'une Méthode d'observation fondée sur l'arithmétique et la géométrie concrètes, parue en 1901, qui avait pour objet de mettre les élèves en communication directe avec les leçons de la nature. Cette même année, Georges Beauvisage créa l'œuvre municipale des « Enfants à la montagne et à la mer» et de 1906 à 1910, il fit, au cours de différents congrès, une série de communications sur l'éducation des enfants anormaux, qui aboutit à la fondation de l'Œuvre de l'enfance anormale et à l'institution de classes spéciales dans les écoles municipales de Lyon.

    beauvisage_georges1129r3.jpgIl était, depuis 1896, conseiller municipal du maire Gailleton, devint  adjoint du maire Augagneur, et le demeura sous Herriot. Il fut élu sénateur du Rhône au renouvellement du 3 janvier 1909. Inscrit au groupe de la gauche démocratique, il fut membre de plusieurs Commissions et prit part à diverses discussions, notamment sur : la création d'écoles autonomes de perfectionnement pour les enfants arriérés (1909) ; le budget de l'Instruction publique (1911) ; l'amnistie (1913) ; les mesures tendant à combattre la dépopulation en relevant la natalité; la loi de finances (1914); le budget de l'exercice 1919, les traitements des professeurs de renseignement technique, les traitements des fonctionnaires, ouvriers et employés de l'Etat (1919) ; il déposa de nombreux rapports, ainsi qu'une proposition de loi sur l'éligibilité des femmes.

    Il ne se représenta pas au renouvellement de 1920 et se tint, dès lors, à l'écart de la vie politique. « Beauvisage fut non seulement un savant, écrit Louis Maynard dans son Dictionnaire de Lyonnaiseries, mais un brave et honnête homme. Il a rempli de nombreuses fonctions publiques et est mort sans laisser aucune fortune, malgré la modeste simplicité de sa vie. La mort l’a surpris (le 8 avril 1925) dans son étroit logis du cours Gambetta, alors qu’il mettait la dernière main à une étude très documentée sur le naturaliste lyonnais Poivre. »

    Il fut inhumé au cimetière du Père Lachaise, à Paris. Le 31 août 1925, l’ancien chemin de Grange Rouge, dans le huitième arrondissement, reçoit son nom.

    On lui doit divers travaux de morphologie et de classification végétales, parmi lesquels on peut citer : Les matières grasses naturelles (1890); Les matières grasses, caractères, falsifications et essai (1891); Recherches sur quelques lois pharaoniques (1896-1897).

  • Jean-Baptiste Say

    On se demande bien ce que fout cette rue en plein fief  des canuts ! Parallèle en l’une de ses extrémités au tunnel routier (l’ancien tunnel de la ficelle de la rue Terme), juste en face de l’ancienne gare de la Croix-Rousse, elle rejoint à angle droit la montée des Pierres Plantées pour se jeter dans la rue du Général Sève. On se le demande parce que le dénommé Jean Baptiste Say (1767-1832), fut davantage un théoricien politique au service des marchands-fabricants qu’au service des canuts. Disciple et vulgarisateur de la doctrine d’Adam Smith, il naquit le long du Rhône,  dans une famille protestante d’origine genevoise, quai Saint-Clair, le 15 janvier 1767. Son père ayant fait faillite en 1783 dut s’expatrier à nouveau et rejoignit Paris. En compagnie de son frère Horace, Jean-Baptiste se rendit à 19 ans en Angleterre ou, pendant deux ans, il put observer « les bienfaits » (ou les méfaits, c’est selon) du libéralisme à l’anglaise, à l’œuvre notamment dans les manufactures. Assez opportuniste durant la Révolution, on le voit s’engager et se retirer à temps des divers clubs, dont les Girondins, pour garder la tête sur les épaules.  Proche de Napoléon durant le Directoire, il s’en écarte en 1803, alors que parait son  Traité d’économie politique ou simple exposition de la manière dont se forment, se distribuent et se consomment les richesses. Say est considéré comme un théoricien efficace. La loi qui porte son nom postule que toute offre engendrant une demande, le marché s’autorégule lui-même si on le laisse libre d’être sa propre loi et sa propre éthique : « Plus les producteurs sont nombreux, et plus les productions sont multiples, plus les débouchés sont faciles » Il écarte l’idée que des crises de surproduction (ou de sous-consommation) puissent advenir, contrairement à son contemporain Thomas Malthus (1766-1834) qui réfute avec fermeté cette vision optimiste. Say est l’un des pionniers de l’économie de l’offre, contraire de l’économie de la demande, que défendra, à l’opposé, Keynes. On doit à Jean-Baptiste Say la division tripartite qui est restée classique : production, répartition, consommation.

    Est-ce un hasard si ce sont les autorités impériales (la mairie centrale ayant été supprimée)  qui lui donna un nom de rue durant la période du développement économique des manufactures à Lyon ? De nombreux lycées et écoles de commerces (il participa à la fondation de l'École Spéciale de Commerce et d'Industrie qui devint par la suite l’ESCP Europe)  portent son nom. C’est pour lui que fut créée, peu avant sa mort, la première chaire d’économie politique du Collège de France. Say fut par ailleurs un dramaturge médiocre qui laissa quelques pièces à présent oubliées : Le Tabac narcotique et Le Curé amoureux. Ci-dessous, son effigie tel qu’il apparait sur l’un des balcons du deuxième étage de la fresque des Lyonnais célèbres, à l’angle du quai Saint-Vincent et de la rue de la Martinière. Et sur le blogue Certains Jours, une belle divagation poétique autour du nom de Jean-Baptiste Say, sur le mode Jacques a dit.

     

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  • Gailleton (quai et place)

    Antoine Gailleton, qui fut le premier maire de Lyon élu sous le nouveau régime municipal, aimait à rappeler qu’il était né entre deux arrondissements de Lyon, sa mère l’ayant mis au monde sur l’ancien pont de Change, le 17 novembre 1829. Son père, Claude, était tisseur et sa mère marchande d'oranges, précisément sur ce pont du Change, à présent détruit. Le jeune Gailleton grandit montée Saint-Barthélémy et se révèle très vite un brillant élève : à tout juste vingt ans, il est classé troisième au concours de l’Internat des Hospices de Lyon. Il exerce en tant qu’interne à l’Antiquaille, la Charité, l’Hôtel-Dieu, et devient chirurgien-major à l’Antiquaille. La chose publique l’intéresse assez tôt : le 15 septembre 1870, il se retrouve élu conseiller du 2ème arrondissement dans la municipalité de Jacques Hénon. Aux élections municipales d’avril 1872, il conserve son siège auprès de son successeur, le maire Désiré Barodet. Alors que la mairie centrale est à nouveau supprimée en 1874 par un pouvoir central qui craint toujours Lyon la Rebelle, il demeure président du Conseil Municipal sous la houlette du préfet. C'est alors qu'il entreprend un bras de fer avec les dix préfets qui se succèdent jusqu’en 1881, date à laquelle la mairie centrale est rétablie, à condition que le maire de Lyon soit nommé par le gouvernement, qui avec prudence le confirme dans ses fonctions.

     

    Le soir de juin 1984 où le président Carnot fut assassiné, Gailleton était assis en face de lui. Le président de la République avait proposé de faire à pied le court trajet qui séparait la Chambre du Commerce du Grand Théâtre. Gailleton l’en avait dissuadé au nom du protocole ; mais ses adversaires ne se privèrent pas d’affirmer que c’était à cause de ses rhumatismes : Sadi Carnot aurait-il échappé à la mort ? D’après Caserio, c’est possible, puisque qu’il déclara avoir prémédité son geste d’après la position protocolaire de sa victime dans la calèche officielle. Après l’attentat, Gailleton se retrouva au première loge pour conduire son hôte officiel blessé à mort à la préfecture où, avec le docteur Poncet, il tente sans anesthésie une opération de la dernière chance. Il veille sur le mourant dans les salons de la préfecture en compagnie du cardinal de Lyon,  jusqu’à minuit quarante deux, heure à laquelle Sadi Carnot rend le dernier soupir.

    On doit à Antoine Gailleton le dégagement des quartiers Saint-Paul et Martinière, la construction des ponts d’Ainay, de la Boucle, Morand et de l’Université, celle des nouvelles facultés, l’installation spectaculaire de la fontaine Bartholdi aux Terreaux, initialement prévue pour Bordeaux, le développement des tramways.

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    Portrait d'Antoine Gailleton, par J. Chambe, 2e moitié XIXe siècle
     

    Mais la grande affaire de son mandat reste la démolition et la reconstruction du quartier Grolée, qui souleva de vives passions. Affaire engagée par lui avec un optimisme excessif, et d’ailleurs fort mal engagée, puis mal conduite, alors qu’on chantait dans la rue :

    « La ville est désolée

      Qu’on abatte la rue Grolée »

    Le « bonhomme Gailleton », surnommé « pipa Gailleton » en raison de sa pipe en terre qu’il allumait entre deux morceaux de réglisse, au bout de dix-neuf ans de règne sur la ville s’était sans doute trop vite assurée de n’être jamais démis de sa fonction. Sa popularité était, il faut le dire, vive. Mais à partir de 1892, l’un de ses adjoints, Victor Augagneur, commença à militer contre lui et finit par lui souffler le fauteuil en 1900. Impassible, Gailleton reprit du service à l’Antiquaille, ainsi que son enseignement fort discret.

    Le docteur Gailleton mourut le 9 octobre 1904. En 1907, un buste fut inauguré sur sa tombe à Loyasse, et la ville de Lyon donna son nom au quai de la Charité et à la place Grollier, dans le deuxième arrondissement. C’est là que son « monument », un imposant édifice de pierres, fut érigé par les architectes Lucas et Marion en 1913, avec un bas-relief d’André Vermare.

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  • Victor Augagneur (quai)

    « Sans distinction, il tient du boucher de barrière avec des allures de toucheur de bœuf ». Le compliment est adressé au maire de Lyon Victor Augagneur, par le journal satirique Guignol, en 1890. Il n’est alors que conseiller municipal.

    Jean-Victor Augagneur (1855-1931) fait partie de cette espèce de bourgeois catholiques, espèce assez répandue à la fin du dix-neuvième siècle, qui va chercher auprès du peuple et du socialisme de quoi faire une jolie carrière. Après un séjour  au séminaire de Sémur-en-Brionnais, il devient donc fort logiquement anticlérical et franc-maçon, ce qui ouvre à son ambition les premières portes, celles qui sont toujours les plus difficiles à forcer. Interne des hôpitaux de Lyon en 1875 puis chef de clinique en 1881 à l’Hôtel-Dieu (il a alors 26 ans), après sa thèse remarquée sur « La syphilis héréditaire tardive »,  il devient chirurgien-major à l’Antiquaille et réussit l’agrégation de médecine en 1886.

    La carrière politique d’Augagneur, à l’image du personnage, fut un modèle de louvoiement. D’abord adjoint puis colistier du maire radical Gailleton, il devient peu à peu son challenger et son rival en virant de plus en plus à gauche et finit au parti socialiste. Patient et déterminé pendant douze ans (trois élections)  il finit par emporter la mairie et s’installer dans le fauteuil tant convoité en 1900, en jouant, comme d’autres le feront par la suite,  la carte du socialisme. Sans doute ferait-il rigoler beaucoup de gens à l’heure actuelle, mais à l’époque, le beau verbe trompait encore son monde. Sous son mandat, Villeurbanne faillit être réunie à Lyon, ce qui n’aurait peut-être pas été plus mal à y regarder de près. Son autoritarisme lui valut des surnoms comme "Victor-le-Glorieux", "Victor Ier", "l'Empereur" ou "César". En 1905, une année après sa réélection, cet homme ambitieux et imprévisible quitta la tête de la mairie de Lyon pour un poste de gouverneur à Madagascar. C’est ainsi qu’un autre agrégé, de lettres cette fois-ci, Edouard Herriot devint maire par procuration. Ce dernier ne lui laissa jamais, à son retour, le loisir de reconquérir son siège, auquel on sait qu’il s’accrocha (l'expérience de son prédécesseur ?) durant un demi-siècle.

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    Le rêve de Victor (Victor imperator)

    Le socialisme mène à tout ! ... même à Madagascar

     

     Ce personnage dont ses contemporains dénoncèrent l'orgueil démesuré, et qui portait dans son nom la victoire et la gagne fut-il victime de l'onomastique ? Premier gouverneur général civil à Madagascar, succédant au général Gallieni, de 1905 à 1910, le gouverneur Augagneur essaya de rémedier à ce qu'il y avait de trop rigide dans la situation consécutive à la conquête: il supprima les derniers cercles militaires qui commettaient des abus regrettables, ainsi que les offices du travail fournissant de la main d'œuvre gratuite... Les faits marquants sous son administration furent le début de la production de vanille dans la région d'Antalaha, la découverte du gisement de charbon de la Sakoa, l'équipement en phares des côtes de Madagascar, la suppression de toute subvention à l'enseignement privé, le début de l'enseignement secondaire public, un décret organique créant la justice indigène à Madagascar, et surtout l'accession des Malgaches aux droits de citoyens français (décret du 3 mars 1909).

    A son retour en France, Augagneur devint député du Rhône (1910), ministre des Travaux Publics (1911), des Postes (1914) puis de la Marine. L’après-guerre l’éclipsa de la vie politique. Il redevint député en 1928 et il mourut le 23 avril 1931dans une maison de santé, la Clinique Saint-Rémy, du docteur Besançon, 46, boulevard Carnot au Vésinet. Le Progrès de Lyon ne lui consacra qu’une modeste colonne à la Une, annonçant sa disparition, et la municipalité donna son nom à un quai du Rhône sur la rive gauche, dans le quartier Lafayette-Préfecture.

     

  • Président Carnot (rue)

    Le 24 juin 1894, le Président de la République Sadi Carnot est à Lyon où il est venu visité l'Exposition Universelle. En compagnie du maire de Lyon, le docteur Gailleton, et des généraux Voisin et Borjus, Sadi Carnot se rend dans un landau découvert au Grand-Théâtre pour assister à une représentation d'Andromaque. De la Bourse au Grand-Théâtre, les trottoirs sont noirs de monde. « La ville, écrit le romancier Henri Béraud dans ses souvenirs, était illuminé au moyen 1071259783.jpgde godets pleins de suifs. » Soudain, un jeune homme vêtu de gris fend la foule et plante un poignard dans la poitrine du président avant de s’enfuir. Comprenant très rapidement la gravité de la blessure, le docteur Gailleton détourne le landau présidentiel vers la préfecture. Atteint à la veine porte et au foie, Sadi Carnot, né à Limoges le 11 août 1837, élu président de la République le 3 décembre 1887 à la suite de la démission de Jules Grévy, décède à 0h 30, le 25 juin 1894, après une opération de la dernière chance pratiquée sans anesthésie à l’intérieur de la Préfecture. L’assassin est un jeune anarchiste italien de vingt quatre ans, Santo Jeronimo Caserio, venu de Sète où il était apprenti boulanger. Il affirme avoir agi seul.

    La mort de Sadi Carnot engendra une immense émotion dans tout le pays et fit la «une» de tous les suppléments illustrés. Cela donna lieu à un commerce important de portraits, reproductions, biographies, statuettes, médailles et biographies du président défunt. La nuit fut terrible pour les compatriotes de Caserio. « Il avait dit sans hésiter son nom, son pays. Cela s’était vite répandu. Les autorités n’eurent ni le temps, ni le moyen de contenir une populace ivre de cris, de colère et d’alcool, qui sans retard saccageait et pillait les cafés italiens, les plus beaux de la ville. Après quoi, cette foule cherchait partout de malheureux ouvriers qui ne demandaient qu’à être espagnols » raconte encore Henri Béraud dans ses souvenirs d'enfance.

    Après une instruction rondement menée en vingt-deux jours, le 3 août 1894, Caserio est condamné à mort. Il accueille sa condamnation en criant : « Vive la Révolution Sociale ». Casimir Perrier, le nouveau président ayant refusé son recours en grâce, Caserio est guillotiné à l’aube du 16 août 1894, à l’angle de la rue Smith et du cours Suchet, devant l’ancienne prison Saint-Paul.

    Pour perpétuer le souvenir de cet événement, Lyon possède donc une rue du Président Carnot, qui traverse le quartier Grolée dans le deuxième arrondissement, à ne pas confondre avec la place Carnot, dédiée elle à son grand père Lazare (1753-1823), dit « le Grand Carnot ».

    Tous deux reposent, par ailleurs, au Panthéon.

    Photo : Médaille populaire représentant l'attentat

  • Ferdinand Buisson

    Ferdinand Buisson (1841-1932), professeur à la Sorbonne et prix Nobel de la Paix (1927) hérita de cette rue précédemment nommé Besson, du nom de la famille qui acheta la seigneurie de Montchat en 1689. En deux mots,  Ferdinand Buisson, « étant né à Paris et n'ayant jamais séjourné à Lyon », comme le disent fort joliment les dictionnaires de rues, « il ne concerne pas l'histoire locale ».

    Membre du parti radical, il fut l'un des fondateurs auprès de Jules Ferry de cette école républicaine qui éveilla tant de passions dans un sens comme dans un autre, et qui aujourd'hui bat de l'aile sur la mer, la mer toujours recommencée des réformes. Ferdinand Buisson fut en effet l'un des chantres de cette école publique, laïque, autoritaire, qui façonna l'esprit de plusieurs générations de petits français.

    En 1927, il fut le sixième français à recevoir un prix Nobel de la paix, pour avoir contribué à la fondation de la Ligue des Droits de l'Homme.

    Pourtant, malgré ce palmarès éloquent, Ferdinand Buisson (voir plus bas sa photo) n'intéresse pas l'histoire locale, ce qui peut aussi se comprendre. L'histoire locale fut tellement méprisée par l'histoire nationale qu'elle peut bien rendre de temps en temps la pareille à son tour : deux mots donc de ce quartier de Montchat, (jadis seigneurie,) quartier que la rue Ferdinan Buisson traverse de part en part.

    Dans le mont Montchat, ou mieux montchal, on retrouve le radical celtique cal, qui a pour signification rocher, forêt, ou marais. Ce vieil étymon se retrouverait aussi dans Caluire et dans Chalamont. Le fief de Montchat dépendit longtemps du mandement et du territoire de la commune de la Guillotière. Les premiers seigneurs connus sur ce terroir furent Pierre Prost et sa descendance, qu vendirent le domaine en 1534 à un concierge des prisons royales du nom de Jean Catherin. C'est ce sieur-là qui fit construire le château. Comme quoi, concierge, sous l'Ancien Régime, ça rapportait plus qu'à présent.

    En suivant les actes notariés, on trouve d'autres propriétaires, dont François Basset, échevin de Lyon, qui y reçut la reine Christine de Suède du 9 au 28 août 1657. Tout de même, la mairie du troisième pourrait honorer la mémoire d'un séjour aussi extraordiaire en baptisant l'une des ses rues : la rue Christine de Suède, c'est joli et ça intrigue. Mais la mairie du troisième arrondissement, comme toutes les mairies du monde, ignore superbement la fantaisie insoupçonnée de l'histoire des terres qu'elle administre. On se contentera de dire que c'est bien dommage en laissant à d'autres le soin de polémiquer.
    Pour reprendre notre affaire au point crucial où nous l'avions laissée, les Basset cédèrent Montchat aux Révérends Pères de la Congrégation des Feuillants le 14 mai 1682, qui le cédèrent ensuite à Jacques Besson, notaire royal, en 1689. Notaire, c'est mieux que concierge, et la boucle était bouclée. La petite fille du notaire, Louise Besson (1708-1781) épousa (1729) Mathieu Bonnand (1692-1711). Leur fils, Luc Bonand (1734-1802) fut le dernier véritable seigneur de Montchat. Ah, c'est vertigineux, l'histoire locale : tous ces gens qui existèrent vraiment, et donc la trace ne demeure que sous cette forme parcheminée sur le mode d'autrefois ! Au final et pour clore cette palpitante histoire, bien plus en tous cas que celle de Ferdinand, leur petite-fille Antoinette Bonand apporta le domaine en dot à son mari l'agent de change et maire de la Guillotière, Henri Vitton. La fille de ces derniers, Louise Françoise Vitton (1812-1831) épousa le maire qui succéda à son père (je n'invente rien), un certain Jean-Louis François Richard, originaire de Saint-Chamond, qui décéda en 1874. C'est de cette époque que date le lotissement du quartier, qui avait été rattaché à Lyon peu avant, en même temps que la commune de la Guillotière. De Besson en Buisson, l'histoire de cette rue est, on le voit, fort loquace.

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