Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Bas de Loyasse

Cette rue du neuvième arrondissement tient sa dénomination de sa situation topographique, du fait qu'elle contourne par le bas le cimetière de Loyasse qu'elle enserre d'une courbe longeant son haut mur de soutien. Il semble que dès les premiers siècles chrétiens, il y ait eu un lieu dit Loyasse, où sont situés les deux cimetières actuels (ancien et nouveau). On lit, en effet, dans une lettre de Sidoine Apollinaire que, sortant de l'église des Macchabées, il se rendit vers le cimetière de Saint-Just : « J'aperçus, écrit-il, des malheureux qui profanaient le tombeau de mon aïeul Apollinairis, qui avait été lui aussi préfet des Gaules. Je les fis châtier et j'en donnais avis à l'évêque de Lyon Saint-Patient »
1163772207.jpgC'est un décret de 1807 qui a créé le cimetière de Loyasse, terme autrefois orthographié Loyace. Ce mot vient très probablement de locus. Le cimetière est établi sur un terrain en déclivité, ce qui offre au promeneur, de sections en travées, une magnifique vue sur les monts Cindre et de Thou, sur le site de Gorge de Loup et le quartier de Vaise. C'est un cimetière familial et bourgeois. Tancrède de Visan, qui l'évoque dans son roman Sous le signe du lion, dit qu'un vent d'épopée humaine souffle nuit et jour sur ses tombes et ses chapelles. Non loin de lui, en effet, « s'avançait la fine pointe de la cité romaine éboulée après plusieurs incendies. » « Nos grands-pères, poursuit-il, couchent sur les dominateurs des Gaules. On creuserait profondément, on trouverait un morceau de la Rome de César, d'Auguste, de Claude, de Tibère. Cette colline sacrée sue du sang de deux civilisations, la païenne et la chrétienne. A deux pas se dressaient le forum de Trajan, le théâtre, orgueil latin. Saint Pothin, Sainte Blandine, Saint-Irénée ont embrassé du haut de cette acropole le sublime horizon, depuis la jonction marécageuse de la Saône et du Rhône, bien en deça du confluent actuel, jusqu'au cirque géant des Alpes violées par Annibal ».

Après tout ce lyrisme, Tancrède de Visan livre alors cette formule, qu'on ressent vraiment quand on longe à pieds la rue des Bas de Loyasse : « A Loyasse, les fondateurs de la capitale des Gaules tirent nos parents par les pieds ». La singularité réelle de ce cimetière lyonnais demeure ce qu'on appelle ici le carré des prêtres, une vaste portion de terrain appartenant à l'évêché, dans lequel depuis plus d'un siècle, éparpillés tout autour de la statue d'un Sacré Cœur en pierre moussue, les ministres des paroisses de Lyon dorment sous de simples dalles courbées, alignées les unes aux côtés des autres. Le cimetière de Loyasse est ainsi, comme le Père Lachaise parisien, le cimetière historique de Lyon. De part et d'autre de son entrée principale, les monuments d'Edouard Herriot et d'Antoine Gailleton se font face. Entre autres gloires lyonnaises, y reposent le guérisseur maître Philippe, l'architecte Bossan, qui fit Fourvière, et Antoine Chenavard, qui fit le grand théâtre décoiffé désormais par Jean Nouvel, Antoine Berjon, qui fonda l'école lyonnaise de peinture, le sculpteur Fabisch, à qui on doit la Vierge dorée de Fourvière, et tant d'autres que ce site présente à la perfection. Tant de Lyonnais humbles et inconnus, également. Aussi les canuts avaient-ils familièrement inclus le cimetière de leur ville dans l'un de leurs proverbes. C'est à eux qu'on laissera le dernier mot : « Quand on te mènera à Loyasse, t’auras beau avoir ramassé tant et plus et même davantage, te n’emporteras que ce que t’auras donné. »

(plaisante sagesse lyonnaise)

354568883.jpg

Commentaires

  • C'est ce qu'on appelle la magie d'un billet. Un texte du feu de dieu.

    Le mur d'abord, le mur ocre, l'arrondi et la perspective sur le bleu. Une impression de tangage. Je me suis cru sur une île et quand je regarde l'image du cimetière, je vois un cimetière marin. Revenue plusieurs fois, impression confirmée, n'était le texte ; ce texte fabuleux qui dit que nous sommes à Lyon, dans le cimetière historique de Loyasse.
    Si je viens à Lyon un jour, je viendrai d'abord là, dans ces travées en déclivité ; je regarderai les monts Cindre et de Thou, le site de Gorge de Loup et le quartier de Vaise, accompagnée par la sagesse des canuts : "Quand on te mènera à Loyasse..."

  • J'arrive trop tard pour le mot "magie", et le "texte du feu de Dieu, mais oui ! je rejoins Michèle. Puis je envisager d'attendre sa venue à Lyon, ce serait une voix de plus dans le choeur des dames du bas de Loyasse ? Et quatre yeux en béatitude devant le mont Cindre (Thou serait là...)

    Avec toute mon admiration, pour cette balade inouïe. Je sens que ça sera dur d'attendre (pardonnez moi Michèle je pars en éclaireuse) Je prends sur l'heure mon bâton de pélerin (rien d'autre) pour quelque belle leçon de dénuement.
    Ce texte étonnant m'a donné des fourmis dans les pieds. Merci infiniment.

  • Faisez donc chère Frasby. Arpentez, arpentez ! Nous n'épuiserons jamais le charme du Bas de Loyasse, non plus que celui de Marcel Rivière d'ailleurs :-)

  • @ Michèle :
    Un commentaire du feu de Dieu !
    Vous avez raison, Loyasse c'est un cimetière marin, moins la mer. La mer qu'il faut imaginer par delà les vapeurs souvent caniculaires de l'horizon, et ce mur qui retient tant de terre, tant d'os et tant de mémoire, que s'il s'éboulait soudain, c'est toute la poussière du passé qui ensevelirait le présent.
    Si vous venez à Lyon, c'est là en effet qu'il faut poser son bâton de pèlerin, sur le carré d'un humble prêtre oublié.
    Le passé s'y laisse entendre.

  • @ Frasby : Pour un certain jour, on attend un billet...

Les commentaires sont fermés.