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histoire

  • Guillotière

    Naturellement, le faubourg de la Guillotière se développa en raison de sa proximité avec l'unique pont du Rhône, sur la voie qui allait du Dauphiné à Lyon. Le long de la Grande rue se pressaient ainsi de nombreuses boutiques et auberges pour voyageurs. A l'endroit même où aboutissait l'ancien pont de pierre se dressait le "Logis de la Couronne". On raconte que Marie de Médicis s'y serait arrêtée. Lors des soulèvements populaires d'avril 1834, des barricades furent élevées juste devant la façade de cette auberge ; les soldats de l'armée royale tirèrent à coups de canon ; le feu se déclara, brûla plusieurs immeubles, dont cette auberge au caractère historique prononcé.

    Il semble que dans ces parages, aux alentours du quatorzième siècle, un aubergiste du nom de Guillot ou Grillot ait acquis une grande popularité. Il était également propriétaire d'une maisonnette gardant l'accès au pont. Et c'est probablement de ce patronyme que découla celui du quartier, et de la grande Rue qui traverse tout l'arrondissement. C'est en tous cas une explication plus rationnelle que celles que cite Maynard dans son dictionnaire de Lyonnaiseries :

    - On a dit que ce mot venait du gui que les druides allaient cueillir dans les forêts du Dauphiné, et que l'hostière était l'endroit où l'on cinservait ce gui.

    - Paradin assurait que ce faubourg avait été ainsi nommé  à cause des grelots et sonnettes de voitures, dont il n'est jamais dégarni.

    - Guillot, dans le vieux patois lyonnais, désigne les gros vers habitant les vieux fromages. D'où guillotière, où l'on mange de mauvais fromages grouillant d'asticots.

    - Guilhou, c'est aussi le nom du démon en langage celtique. Des légendes couraient sur des rendez-vous nocturnes que se donnaient des sorcières issues des brots (broteaux), sorte de joncs poussant dans les marais qui bordent le Rhône. Leurs rondes diaboliques étaient ponctuées d'invocation au démon, au guilhou. Cette étymologie me parait vraiment fantaisiste, mais elle a le mérite de se rattacher à des contes populaires assez vivaces jusqu'au milieu du XVIIème siècle.

    - Enfin le nom pourrait venir de celui d'un moine d'Ainay, l'Agrilottier, qui possédait là une partie du terrain qu'il céda à son couvent avant d'y rentrer.

    Au numéro 14 de la Grande Rue de la Guillotière se trouvait l'auberge des Trois Rois, à l'angle de la rue du même nom. Cette hôtellerie eut une grande renommée, au 17ème et 18ème siècles. L’écrivain Nizier du Puitspelu affirme que l'enseigne de cette auberge provenait des Rois Mages eux-mêmes. Non loin de là se trouvait une crèche, sorte de théâtre où se jouaient avec des marionnettes les mystères religieux. Le roi Louix XI en personne, lors de l'accident d'une arche du pont en bois sur le Rhône dut y loger une nuit durant, avec sa cour entière. En 1823, Napoléon en partance pour l'île d'Elbe passa une nuit au relais de la Guillotière, où il fut salué par des gens dupeuple. 

    Bordée d'immeubles bas en pisé, ou de petites maisons racornies, presque des fermes, la rue de la Guillotière m'a longtemps offert de longues et belles promenades durant lesquelles je me sentais entre deux temps, entre deux mondes : la ville et la zone, le vingtième siècle et l'histoire plus simple des temps anciens. On allait à l'écart en suivant les pavés de cette voie. C'est aujourd'hui plus difficile d'y ressentir ce charme. On a beaucoup abattu, construit, rénové : il faut, pour rêver encore, s'appuyer sur les mots.

     

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  • Jean de Tournes

    Jusqu'en 1863, c'était la rue Raisin, en raison de l'enseigne d'une vieille imprimerie. Le fameux Jean de Tournes (1504, 1564), originaire de Noyon, et d'abord élève de Sébastien Gryphe, fonda au n°7 de cette rue une dynastie d'imprimeurs de renommée. Son atelier se trouvait alors « à l'enseigne des deux Vipères ». Sa devise était : « Quod tibi fieri non vis, alteri ne feceris » Jean de Tournes avait également une autre marque : un ange debout, avec cet anagramme de son nom : Son art en Dieu. Il y publia notamment les poésies de Louise Labé ainsi que les œuvres de son amie Pernette du Guillet. Il laissa en mourant une partie de sa fortune aux pauvres de Lyon. En 1585, son fils Jean II fuit la ville et alla s'installer à Genève, où Jean III prit sa succession. Ce n'est qu'en 1727 que les petits-fils de ce Jean III (Jean et Jean-Jacques) rouvrirent une imprimerie à Lyon. Le peintre Trimollet, plus tard habita rue Raisin.

     

     
    Il serait indécent de quitter la rue Jean de Tournes sans évoquer l'ombre de Marius Guillot dont le bistrot Au Mal Assis fut lui à seul une légende. Dans son Histoire des bistrots de Lyon, le journaliste disparu Bernard Frangin explique qu'une évidence s'impose : « Le premier bistrotier, ni dans le temps ni dans l'espace, mais dans le prestige, fut Marius Guillot, le débonnaire dictateur du Mal Assis de la rue Jean-de-Tournes, l'étoile polaire vineuse de ce milieu de siècle » (il parle du vingtième, bien entendu). Portant de grosses lunettes d'écailles, les manches toujours retroussées quand il n'était pas en polo, Marius régnait tel un Jupiter sur un Olympe de marbre : Frangin raconte qu'un jour, Yves Montand poussa la porte et demanda s'il pouvait manger. Il s'entendit répondre : « On ne sert que les amis ».

     L'endroit était le temple de la charcuterie chaude. Au mur figuraient des cadres de tous genres. Le plus original était sans doute une tranche de jambon millimétrique sous verre, que Me Floriot avait envoyé de Genève, tranche sous laquelle était écrit : « Tu es battu. J'en ai trouvé un qui coupe encore plus fin que toi! ». Tous les artistes aux Célestins en tournée passaient par le Mal Assis. Francis Blanche et Pierre Dac y répétèrent leur numéro de transmission burlesque, avant de l'enregistrer au Palais d'Hiver. En 1934, Marcel Grancher, l'écrivain lyonnais, écrivit un roman sur ce bistrot aussi surréaliste que fou où se retrouvèrent, de Jean Louis Barrault à Fernand Raynaud - adepte du Morgon de Marius, tous les artistes de passage. La rue Jean de Tournes y devient la rue de la Teinturerie, Marius, Pétrus. Etonnant roman. C'est dans ce roman que Grancher laisse tomber cette phrase prémonitoire : « D'ici cinquante ans, Lyon sera une ville dans le genre de Bruges... »

    La vitrine du Mal Assis était une immense volière où trônaient ce que le patron appelait « ses perchoirs à musique ». On vous servait à boire, assis sur des tonneaux posés sur la tranche (d'où le nom du lieu). Les notes de Marius étaient non détaillées et ne comportaient que deux lignes : une pour le liquide, une seconde pour le solide; tradition de la maison. Lorsqu'il vendit son local, sa serveuse devint cuisinière à Saint-Georges-de-Reneins. Marius s'y rendait souvent.

    « Un samedi soir, écrit Bernard Frangin,  rangea sa voiture sur le parking et en traversant la route, fut renversé par un chauffard qui tua ce jour-là une partie de l'âme du bistrot lyonnais. »

     

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    devise de Jean de Tournes, le fondateur.

    (trad : "Ce que tu ne veux pas qu'on te fasse, ne le fais pas à autrui")

  • Commandant Arnaud

    Autour de la figure de ce commandant, il y a eu à la Croix-Rousse une sorte de légende durant la première partie du vingtième siècle. Cela nous ramène à l'année 1870 et à la bataille de Nuits (voir ce billet) Le 19 décembre 1870, au lendemain de la défaite militaire, la rumeur s'était répandue que les légions de volontaires du Rhône avaient été décimées sous le regard de la troupe qui n'avait bougé pour les défendre. Devant une foule en ébullition où les femmes, mères, veuves et sœurs des morts à Nuits ne sont pas les moins excitées, on crie à la trahison et des meneurs affiliés à l'Internationale tentent de récupérer la colère pour créer un mouvement insurrectionnel visant à chasser le préfet Challemel Lacour (voir ce billet), le conseil municipal, et installer la Commune à l'Hôtel-de-Ville. C'est dans la salle Valentino, au n° 8 de la place de la Croix-Rousse que, dans une atmosphère d'orage, s'enchainaient les discours.

    On somma le commandant du 12ème bataillon de la Garde nationale, un chef d'atelier du nom d'Antoine Arnaud, connu par la police impériale pour son républicanisme, libre penseur et franc-maçon, de se placer à la tête des émeutiers et de les diriger vers l'Hôtel-de-Ville. Arnaud refusa, tenta de s'enfuir par la rue du Mail où il fut saisi par les émeutiers, traîné dans la salle Valentino et condamné à mort par une assemblée surchauffée après un simulacre de jugement. On le conduisit au Clos-Jouve, escorté de femmes qui portaient des drapeaux rouges et noirs et on le fusilla. Jetant son képi en l'air, il commanda lui-même le feu, rapportèrent des témoins, en criant Vive la République.
    Grâce à sa Résistance, les bataillons du entre Ville purent réprimer les projets des émeutiers. Le Conseil Municipal de Lyon, "considérant que le commandant Arnaud, du 12ème bataillon, avait été lâchement assassiné en cherchant à maintenir l'ordre public menacé" décida d'adopter ses trois enfants au nom de la ville, et d'attribuer une pension viagère à sa veuve.

    «Les funérailles seraient faites au frais de la commune et un emplacement de terrain cédé gratuitement et à perpétuité. Le 22 décembre, raconte Kleinclausz dans son Histoire de Lyon, le cercueil du commandant Arnaud, recouvert des insignes compagnonniques et maçonniques, fut conduit au cimetière de la Croix-Rousse par une foule énorme en tête de laquelle marchaient le maire Hénon, le préfet Challemel Lacour et Gambetta, de passage Lyon. Le Conseil de guerre prononça quatre condamnations à mort parmi les tribuns de la salle Valentino : seul le dénommé Deloche fut passé par les armes, les autres étant en fuite. On admit qu'Arnaud avait été victime d'une vengeance des internationalistes. D'autres contemporains évoquèrent une confusion possible avec un homonyme. »

    La place fut réaménagée sous la forme qu'on lui connait, avec la longue école primaire, au début du vingtième siècle. Lorsque le tramway électrique relia Perrache à la Croix-Rousse par les pentes abruptes du cours des Chartreux, on créa une ligne 13 qui, reliant Perrache à la place du commandant Arnaud, devint vite célèbre pour ses torpilleurs, surnom donné à ses motrices. Sur la photo, une voiture de la ligne 13 Perrache-Commandant Arnaud.

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  • Nuits

    1870 : L’année que Victor Hugo immortalise sous le vocable de terrible. Le 19 juillet, la France déclare la guerre à la Prusse. Le 12, Strasbourg est assiégé ; le 2 septembre, Napoléon III capitule à Sedan ; le 4, un gouvernement républicain voit le jour avec le général Trochu, Jules Favre et Gambetta ; le 19, Bismarck est à Paris ; Strasbourg capitule le 28 ; le 27 octobre, Bazaine rend les armes et en décembre, sous la conduite de Gambetta et de Garibaldi, la république poursuit les combats à Dijon. Le 18 décembre 1870, au pied de la ville de Nuits-Saint-Georges, les Allemands accrochent une armée de volontaires qui leur barrent la route vers le sud. Cette armée était composée de gardes nationaux mobiles originaires des Alpes-Maritimes, du Lyonnais et de Savoie, de corps-francs (Est et Sud-est de la France), de volontaires étrangers (polonais, hongrois, espagnols, américains et, surtout, italiens) : initialement moins de 4.000 hommes.

    Après une journée de combat, les corps-francs battirent en retraite : environ 1 200 prisonniers français, 97 officiers allemands abattus, un prince de Bade blessé, les pertes globales s'élevant à quelque centaines d’hommes. Les Prussiens achevaient les fuyards sur les routes du bourg, sauf les survivants mis à l’abri par la population, qui les revêtait de vêtements civils. Les vainqueurs pillèrent l'hôpital, les boutiques, les auberges, incendièrent, passèrent au crible la ville maison par maison. La nouvelle de la défaite parvint à Lyon, et une rumeur circula par la ville, affirmant que les troupes régulières avaient laissé massacrer les troupes volontaires (parmi lesquels de nombreux croix-roussiens) sans bouger. Les esprits s'échauffèrent; il y eut une grande agitation, un début d'émeute, durant lequel le Commandant Arnaud (voir ce billet) trouva la mort. En 1878, l'ancienne rue de la Visitation, dans le quatrième arrondissement, reçut le nom de cette bataille, en souvenir de ces nombreux morts.

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  • Challemel-Lacour

    Paul Armand Challemel-Lacour est né à Avranches, en Normandie, le 19 mai 1827. Ancien élève de l'Ecole normale supérieure, il fut reçu premier à l'agrégation de philosophie, et se fit connaître comme un ardent républicain durant tout le Second Empire.

    Exilé en Suisse jusqu'à l'amnistie de 1859, il y a exercé la fonction de professeur de littérature française au Polytechnicum de Zurich. Revenu en France, il fut auprès de  Gambetta le co-fondateur de la Revue politique en 1868. Nommé préfet du Rhône après le 4 septembre 1870, il a vu son autorité combattue à la fois par la municipalité lyonnaise (qui revendiquaient l'autonomie confisquée par son prédécesseur Vaisse) et par les conservateurs qui l'accusaient de manquer d'énergie face au comité de salut public.

    Contesté par la Commune de Lyon qu'il réprima violemment, il est démissionnaire le 5 février 1871. L'année suivante, on le retrouve élu représentant des Bouches du Rhône à l'Assemblée Nationale, avant de siéger de 1876 jusqu'à sa mort comme sénateur de ce département, parmi les républicains de gauche. Il réalise ensuite une brève carrière d'ambassadeur (Berne en 1879, Londres en 1880), puis devient un éphémère ministre des Affaires-Etrangères dans le cabinet de Jules Ferry.

    Challemel -Lecour a été président du Sénat et académicien (il prit la place d'Ernest Renan le 23 mars 1893) durant les trois dernières années de sa vie. Considérant que l'esprit radical avait engendré en France une forme d'anticléricalisme détestable, il prôna à la fin de sa vie des pratiques plus modérées, des opinions plus consensuelles. Il mourut le 26 octobre 1896.

    Challemel Lecour est l'auteur d'une Histoire de la philosophie en cinq volumes, publiée chez Ritter en 1861 et d'un travail sur Schopenhauer (Etudes et réflexions d'un pessimiste, Paris ; 1901).

    De la rue Marcel Mérieux à la route de Vienne, la rue Challemel-Lecour traverse le septième arrondissement de Lyon. Ci-dessous, une caricature d'époque.

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  • Chauveau (quai)

    Lorsque le 4 août 1761, un Arrêt du Conseil d'Etat du Roi, portant les signatures de Lamoignon et de Bertin, instituait l'Ecole vétérinaire de Lyon, personne ne se doutait que de cet arrêt naitraient les découvertes les plus importantes concernant la cardiologie moderne. C'est en janvier 1762 qu'en bordure de Saône, entre Bourgneuf et Vaise, s'ouvrit effectivement la plus ancienne école vétérinaire du monde. C'est entre ses murs qu'allait se dérouler, à partir de 1848, la plus grande partie de la carrière scientifique de Jean-Baptiste Nicolas Chauveau, né à Villeneuve le Guyard en 1827, mort à Paris en 1917. Professeur, puis Directeur de cette Ecole, titulaire de la Chaire de Médecine expérimentale et de Pathologie comparée à la Faculté de Médecine de Lyon, Inspecteur général des écoles vétérinaires, Professeur au Museum d'Histoire naturelle de Paris, il présida tour à tour l'Académie de Médecine et celle de Science.

    Son titre de gloire fut, à partir de l'observation du coeur du cheval - aux battements lents malgré sa puissance - de créer la cardiologie intracardiaque, autrement dit de mettre à jour la description exacte de la circulation du sang à l'intérieur du cœur et de révéler sa physiologie telle que nous la connaissons encore aujourd'hui dans ses points essentiels. Après la réussite de ses recherches dans le domaine cardiaque, Chauveau s'intéressa au système nerveux et à l'énergétique biologique. Il parvient à établir le fait que la combustion du glucose s'opère dans les muscles. Les chevaux, les poules, les cochons de l'école vétérinaire du quai qui porte à présent son nom furent d'année en année le terrain de l'observation minutieuse des mécanismes les plus complexes : "comme il n'y a qu'une seule vérité, proclamait-il, il n'y a qu'une seule médecine pour les hommes et pour les animaux".

    RTEmagicC_chauveau_04_gif.gifDès 1866, Chauveau affirme que : « les maladies virulentes n’ont pas d’autres causes que la contagion ; celle-ci procède toujours d’un agent spécial, le virus, organisme ou organite, que la spontanéité vitale est impuissante à créer de toutes pièces ; l’étude d’un tel agent peut être faite par les méthodes applicables à l’histoire naturelle des êtres vivants ; la méthode expérimentale le déterminera bientôt et cette découverte sera le point de départ de recherches qui permettront peut-être d’opposer à chaque virus pernicieux un agent atténué de même famille jouant le rôle, jusqu’à présent unique, du virus vaccinal. » Avant Louis Pasteur, Chauveau découvre que le mode d’inoculation influe sur la gravité de la pathologie déclenchée et qu'un virus ingéré pourra ainsi avoir des conséquences mortelles alors que, introduit dans les veines, il n’aura que des effets bénins sur l’organisme. A partir de là, il fit ainsi des recherches approfondies en bactériologie, détermina même contre celui-ci le principe de l'addition en immunologie, qui fut à la base de ses illustres découvertes.

    Le promeneur qui longe sur la rive droite les quais de Saône s'arrête souvent devant les grilles du Conservatoire de Musique, l'un des plus beaux bâtiments de Lyon, pour admirer la grille et la galerie somptueusement édifiée par Chabrol, qui réunit les deux ailes du cloitre. Jadis, se tenait là un hôpital, dit des Deux-Amants. On le détruisit et, le 25 mars 1493, en présence de Charles VIII et d'Anne de Bretagne, fut posée la première pierre du couvent des petits Cordeliers (les grands étaient à Saint-Bonaventure), lequel couvent des Cordeliers de l'Observance devint l'Ecole Vétérinaire de Chauveau. Sur l'aile de gauche se trouve le buste léonin de Chauveau. Depuis 1978, l'école vétérinaire siège à Marcy l'Etoile et dans ces lieux vénérables du quai Chauveau, on étudie, de tout cœur, la musique.

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  • Ferdinand Buisson

    Ferdinand Buisson (1841-1932), professeur à la Sorbonne et prix Nobel de la Paix (1927) hérita de cette rue précédemment nommé Besson, du nom de la famille qui acheta la seigneurie de Montchat en 1689. En deux mots,  Ferdinand Buisson, « étant né à Paris et n'ayant jamais séjourné à Lyon », comme le disent fort joliment les dictionnaires de rues, « il ne concerne pas l'histoire locale ».

    Membre du parti radical, il fut l'un des fondateurs auprès de Jules Ferry de cette école républicaine qui éveilla tant de passions dans un sens comme dans un autre, et qui aujourd'hui bat de l'aile sur la mer, la mer toujours recommencée des réformes. Ferdinand Buisson fut en effet l'un des chantres de cette école publique, laïque, autoritaire, qui façonna l'esprit de plusieurs générations de petits français.

    En 1927, il fut le sixième français à recevoir un prix Nobel de la paix, pour avoir contribué à la fondation de la Ligue des Droits de l'Homme.

    Pourtant, malgré ce palmarès éloquent, Ferdinand Buisson (voir plus bas sa photo) n'intéresse pas l'histoire locale, ce qui peut aussi se comprendre. L'histoire locale fut tellement méprisée par l'histoire nationale qu'elle peut bien rendre de temps en temps la pareille à son tour : deux mots donc de ce quartier de Montchat, (jadis seigneurie,) quartier que la rue Ferdinan Buisson traverse de part en part.

    Dans le mont Montchat, ou mieux montchal, on retrouve le radical celtique cal, qui a pour signification rocher, forêt, ou marais. Ce vieil étymon se retrouverait aussi dans Caluire et dans Chalamont. Le fief de Montchat dépendit longtemps du mandement et du territoire de la commune de la Guillotière. Les premiers seigneurs connus sur ce terroir furent Pierre Prost et sa descendance, qu vendirent le domaine en 1534 à un concierge des prisons royales du nom de Jean Catherin. C'est ce sieur-là qui fit construire le château. Comme quoi, concierge, sous l'Ancien Régime, ça rapportait plus qu'à présent.

    En suivant les actes notariés, on trouve d'autres propriétaires, dont François Basset, échevin de Lyon, qui y reçut la reine Christine de Suède du 9 au 28 août 1657. Tout de même, la mairie du troisième pourrait honorer la mémoire d'un séjour aussi extraordiaire en baptisant l'une des ses rues : la rue Christine de Suède, c'est joli et ça intrigue. Mais la mairie du troisième arrondissement, comme toutes les mairies du monde, ignore superbement la fantaisie insoupçonnée de l'histoire des terres qu'elle administre. On se contentera de dire que c'est bien dommage en laissant à d'autres le soin de polémiquer.
    Pour reprendre notre affaire au point crucial où nous l'avions laissée, les Basset cédèrent Montchat aux Révérends Pères de la Congrégation des Feuillants le 14 mai 1682, qui le cédèrent ensuite à Jacques Besson, notaire royal, en 1689. Notaire, c'est mieux que concierge, et la boucle était bouclée. La petite fille du notaire, Louise Besson (1708-1781) épousa (1729) Mathieu Bonnand (1692-1711). Leur fils, Luc Bonand (1734-1802) fut le dernier véritable seigneur de Montchat. Ah, c'est vertigineux, l'histoire locale : tous ces gens qui existèrent vraiment, et donc la trace ne demeure que sous cette forme parcheminée sur le mode d'autrefois ! Au final et pour clore cette palpitante histoire, bien plus en tous cas que celle de Ferdinand, leur petite-fille Antoinette Bonand apporta le domaine en dot à son mari l'agent de change et maire de la Guillotière, Henri Vitton. La fille de ces derniers, Louise Françoise Vitton (1812-1831) épousa le maire qui succéda à son père (je n'invente rien), un certain Jean-Louis François Richard, originaire de Saint-Chamond, qui décéda en 1874. C'est de cette époque que date le lotissement du quartier, qui avait été rattaché à Lyon peu avant, en même temps que la commune de la Guillotière. De Besson en Buisson, l'histoire de cette rue est, on le voit, fort loquace.

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