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nizier du puitspelu

  • Chana (montée)

    A la limite du cinquième arrondissement, frontière jadis entre Lyon et la commune de Vaise, la montée de la Chana est l'une des plus pittoresques de la ville. Elle permet de découvrir peu à peu, au fil des escaliers qui grimpent de manière abrupte la colline de Fourvière entre deux murs de pierres ayant beaucoup vécu, un panorama exceptionnel sur la Saône qui, en serpentant, fait son entrée à Lyon, les toits qui se pressent autour d'elle, la plaine lointaine qui s'étale et se fond à l'horizon.

    C'est un peu le pendant de la rue Joseph Soulary, qui offre le même type de perspective en grimpant sur la colline de la Croix-Rousse (de l'autre coté, vis à vis du Rhône cette fois-ci.)

    En raison du caractère ardu de la promenade, peu de touristes s'y croisent, et c'est donc un plaisir de s'y promener seul ou entre amis pour humer un peu les parfums d’antiquité que recèle cette ville. En son centre, une rigole qui dévale. Il donc est tout à fait probable que cette gargouille fort quelconque et souvent emplie de saletés diverses, ait donné son nom à la montée; en effet, en patois lyonnais, chana signifie canal réservé à l'écoulement des eaux de pluie., et l'on appelle « chanées » les tuyaux de fonte ou de fer blanc destinés à l'écoulement des eaux de toitures.

    Ce mot « chana » là viendrait du latin canalis, signifiant canal, conduit d’eau. Alors que chanée dériverait plutôt de canabula (signifiant le canal de drainage, autrement dit la rigole)

    D'après une autre version, ce nom garderait la mémoire d' un monastère médiéval, Saint-Martin de la Chanaul ou de la Chanal. Ce monastère, qui datait du Xème ou du XIème siècle fut supprimé en 1483 par le cardinal de Bourbon, pour raison de quelque scandale, et donné au chapître et à l'église Saint-Paul. La chapelle et le domaine furent cédés ensuite, en 1566, à l'Aumône Générale (futur hôpital de La Charité).

    Il existait par ailleurs à Lyon, au quatorzième siècle, une famille de Chana, dont un lieutenant du capitaine pennon de Saint-Vincent.

    Enfin, et même si cela n’a pas de rapport avec l’appellation de la rue, il rappeler le sens en vieux lyonnais du mot chana, terme de canuserie rapporté par Puitspelu dans son Littré de la Grande Côte : La chana (de canalem) est une rainure creusée dans le battant du métier, afin d’y recevoir le peigne.

    Rainure, rigole, on le voit, l’idée reste la même… Le mot latin se retrouvant du tout au même dans tous les patois.

  • Palais Grillet

    Une enseigne a donné son nom à cette voie publique. Elle se compose aujourd'hui aujourd'hui de plusieurs anciennes rues (rue du Puits-Pelu pour la section comprise entre la rue Thomassin et la rue Ferrandière), du Palais-Grillet (entre les rues Ferrandière et Tupin), du Charbon Blanc (entre les rues Tupn et Grenette). Ces trois artères étaient prolongées par la rue de l'Hôpital, à travers ce qui est devenu à présent la place de la République.

    La rue du Puits-Pelu était ainsi nommée en raison d'un puitspelu malodorant, creusé à l'angle de la rue Ferrandière, et dont le souvenir fut conservé fort longtemps par une enseigne. Dans cette même rue, au XVIIème siècle, on entrait à l'auberge de la Truie qui Fyle; plus loin se trouvait l'enseigne de l'imprimeur Candy, Au Dauphin-Royal, qui vendait laresizer.jpg Gazette de France de Théophraste Renaudot. C'est cet imprimeur Candy qui créa le premier journal lyonnais en 1641, sous le nom de Nouvelles ordinaires. Il paraissait une fois la semaine. A leur apparition, ces nouvelles furent si recherchées qu'on vit des échevins s'en assurer, moyennant le prix de cent vingt livres par an, le service à domicile, avant distribution au public. On sait que l'écrivain Clair Tisseur choisit pour pseudonyme de rajouter ce Puitspelu au nom de Nizier, devenant ainsi Nizier du Puitspelu (voir photo ci contre).

    Dans la section déjà nommée Palais-Grillet, existait également un puits, dit le puits-Grilhet. Quant au Charbon-Blanc, c'était un cabaret fort fréquenté, dont il est question dans le Cymbalium Mundi de Bonaventure des Périers. Maynard en son dictionnaire prétend même que c'était la « vineuse taverne » de l'auteur du Pantagruel. Nulle preuve.

    526194618.jpgAu début du siècle (1900-1919), la rue était très commerçante. Une sorte de galerie couverte et vitrée, en verrières et fer forgé, permettait la communication, au premier étage entre les deux magasins du Printemps de Paris, et traversait la rue, comme on peut le voir sur cette ancienne carte postale. Du coup les lyonnais appelaient le grand magasin « Les Deux passages ». Depuis, le Printemps a démoli cette galerie suspendue et obstrué la rue qu'il a littéralement annexée en fermant son extrémité vers la place de la République. C'est bien dommage.

    Les Lyonnais férus de partitions en tous genres ont eu longtemps leur magasin au 24 de cette rue, où Max Orgeret transféra la librairie musicale de ses parents en 1935. Parallèlement à l'édition et à la vente de partitions, de sketches, de monologues et de pièces de Guignol, il développa la vente de disques 78 tours, secondé par son épouse Yvonne. Lorsque Max Orgeret disparut en 1978, son épouse tint la librairie avec son fils Jacques, ceci jusqu'en 2004, date à laquelle, faute de successeurs, la boutique a dû fermer ses portes. Spécialisée dans le répertoire de la chanson, la librairie Orgeret a édité près de 30 000 partitions de la fin du XIXe siècle à 1950, avec une prédilection pour la chanson française dite de variétés ou folklorique. On y retrouve en outre des partitions et des textes de monologues, ainsi que des pièces de théâtre en un acte qui constituent la majeure partie de ce fonds. Il s'agit aussi bien d'œuvres éditées par Jean-Marie et Max Orgeret que de partitions d'autres éditeurs de musique vendues en magasin: chansons, saynètes lyonnaises, pièces de théâtre en un acte, partitions d'opéras ou d'opérettes, et méthodes instrumentales (valses-musettes, javas, rumbas, sambas, tangos, etc.).

  • Pareille

    Le nom provient de l'enseigne d'un droguiste ou d'un apothicaire. La pareille est une plante (patiesalsepareille.jpgnce) dont le nom s'est conservé uniquement en salsepareille. Précédemment, cette petite rue portait le nom d'un propriétaire riverain, un certain Ravier qui n'a rien laissé d'autre que ce nom. Plusieurs maisons de cette rue, très ancienne, sont encore desservies par des escaliers à vis et à noyaux.

    Comme ce billet est court, aussi court que la rue qu'il évoque, je l'agrémente de quelques lignes de Puitspelu, tirées des Coupons de l'Atelier Lyonnais « Les bons Lyonnais se reconnaissent facilement dans leur manière de numéroter. Les rues sont divisées en deux catégories. La première comprend les voies qui se dirigent parallèlement à nos rivières, dont la tendance générale est de couler du couler du côté de bise au côté de vent. Il est clair que les premières rues ont dû se bâtir parallèlement aux rivières, et non de guingois, comme notre future rue Grôlée. Le guingois est une conception essentiellement savante. Naturel aussi que ces rues fussent coupées à angle droit, ou environ, par des rues secondaires, nécessairement moins longues, de par la disposition du terrain. Ces rues forment la seconde catégorie. Elles se dirigent généralement du côté de la traverse au côté du matinal. Pour la première catégorie, les numéros vont dans le sens du fleuve, c'est-à-dire qu'ils partent du Nord. Les numéros impairs sont du côté orient, les numéros pairs du côté d'occident. Pour la seconde catégorie, les numéros dans l'intérieur de la ville et au-delà du Rhône partent du couchant. Je ne sais trop pourquoi on a suivi l'ordre inverse pour les quartiers sur la rive droite de la Saône : ça trompe. » 

    On reconnaît là le style incomparable de Nizier du Puitspelu. Et si on ne le connaît pas, comme il l'aurait dit lui-même, ne reste qu'à le découvrir !

     

     

     

     

     

  • Clair Tisseur

    C’est en 1927 que, sur proposition d’un conseiller nommé Rognon (cela ne s’invente pas), la municipalité décida de faire un geste discret en faveur de Clair Tisseur. Discret : c’est le moins qu’on puisse dire ! En lui accordant cette rue du septième arrondissement minuscule et jadis sans nom, une rue d’ailleurs sans rapport non plus avec lui , qui naquit le 27 janvier 1827 au 34 de la rue Grenette, fit ses études au collège des Minimes puis aux Beaux Arts (sous la img1454.jpgdirection d’Antoine Chenavard), résida Quai Monsieur (à présent Quai Gailleton) tint cabinet d’architecte au 10 rue de la Reine (aujourd’hui rue Franklin), mourut dans sa maison de Nyons le 30 septembre 1895 et fut enterré à Sainte-Foy-lès-Lyon… Tandis que Clair Tisseur construisit les églises Sainte Blandine (2ème) et du Bon Pasteur (1er) la mairie deuxième arrondissement, Nizier du Puitspelu fut l’écrivain à la fois moraliste, humoriste, l’érudit considérable que l’on sait. Les Vieilleries Lyonnaises (1879), Les Oisivetés du sieur Puitspelu (1883), Le Littré de la Grande Côte (1894), Les Coupons d’un Atelier Lyonnais (posthume) bien sûr, mais également un roman, André (1868), un recueil de poésies, Pauca Paucis (1889), un recueil de réflexions (Au hasard de la pensée, 1895). Nizier du Puitspelu ! L’étonnant pseudonyme, quand son propre nom, Clair Tisseur évoquait si bien la ville qu’il a tant aimée ! Nizier, en hommage au quartier Saint-Nizier, et Puitspelu, en souvenir d’un vieux puits qui exista en effet dans le prolongement de l’actuelle place de la République.

    Pour ses successeurs, Puitspelu fit office de patriarche, de fondateur, de maître à penser. Il initia L’Alme et Inclyte Académie du Gourguillon « à seule fin de préserver toute vieille bonne tradition lyonnaise ». Alme, précise-t-il, du latin almus, signifie nourricier ; inclyte, de inclutus, célèbre. « L’an de grâce mil huit cent septante-neuf et le vingt-quatrième de juin, jour de la Saint-Jean, à quatre heures de relevée, notre sieur Nizier du Puitspelu, bras-neufs de sa profession, se chauffant le ventre au soleil et parlant à sa propre personne, déclara fondée l’Académie du Gourguillon. Il en fut aussitôt le président, le vice-président, le secrétaire, le trésorier, les membres et le public » : Ce qui n’aurait pu être qu’une plaisanterie devint, au fil du temps, un repaire de bons et truculents Lyonnais soucieux de recueillir tout ce qui disparaissait du paysage et des mœurs. Clair Tisseur inspira véritablement un mouvement artistique qui se prolongea durant toute la première partie du XXème siècle, regroupant en son sein des écrivains (Bleton, Béraud, Lavarenne, Sambardier) des peintres (Combet Descombes), des politiques (Salles, Godard), et propageant véritablement un esprit très Troisième République durant la longue présidence d’Edouard Herriot.

    Je crois pour ma part, de ce que j’ai lu et appris de lui, que Puitspelu fut avant tout un doux. J’en veux pour preuve cette pensée de lui, que je laisse en guise de conclusion et d’hommage tout en même temps :
    « Peut-être que cet amour de la solitude, si marqué en mon humble personne, n’est au fond que le désir d’éviter toute contradiction. La contradiction étant le fond de la société. »

     

     

     

  • Carnot (place)

    D’après l’ingénieur Perrache qui aménagea le quartier qui à présent porte son nom, la place Carnot aurait dû initialement s’appeler la place du Lycée, en hommage à Aristote. Au lieu de ça, on l’appela tout d’abord place des Victoires durant tout le Premier Empire. C’était alors une espèce de terrain vague à pleine remblayé, promis aux marchés aux chevaux alors surnommés «charabarat ». Ce mot signifiait à l'origine caquetage bruyant, verbiage. Il provient du provençal charra, caqueter. L’idée de charabarat est donc celle de réunion bruyante. Dans ses Oisivetés du sieur Puitspelu, Clair Tisseur consacre un chapitre entier à ces anciens marchés. Un des vices rédhibitoires, y apprend-on, c’est le cornage : « Un cheval est dit cornard lorsqu’il souffle bruyamment en respirant et qu’il a l’haleine courte. ». Autrement dit, un cornard ne vaut que dix pistoles là où un cheval sain vaut quarante écus.

    Lorsqu’il n’y avait pas marché, l’autre événement qui s’y tenait était les exécutions capitales. Aménagée véritablement durant la Restauration, elle prit le nom de Louis XVIII. Écoutons Puitspelu : « Au temps que l’on exécutait sur la place Louis XVIII, on n’avait pas les précautions de décences que l’on a maintenant, et les exécutions se faisaient au grand soleil. J’étais tout enfant que l’on guillotina deux individus en même temps. C’était l’été. Comme, sur la place, il n’y avait que les maisons basses du côté Saône, et point sur le cours du Midi, on voyait très bien de Saint-Foy et la place et la guillotine que, dans la matinée, l’on était occupé dresser. Peu à peu, une grande foule s’assembla et, vers une heure, vint le cortège fatal. On avait la maison une grande lunette montée sur un pied à laquelle, dans ma curiosité d’enfant, je tenais l’œil collé. Malgré la distance, je vis assez distinctement et le bourreau saisir le condamné, et tomber la tête. Mes genoux défaillirent, mes yeux se troublèrent, je me mis à trembler de tous mes membres et n’eus nulle envie de chercher à voir la seconde exécution. On appelait au même instant pour se mettre à table. Ce contraste me fit je ne sais quelle impression terrible. Je ne pus manger. Ce souvenir est resté profondément gravé dans ma mémoire d’enfant. »


    L’hiver, la place était inondée et souvent gelée : elle servait donc de patinoire aux gens du petit peuple. Des baraquements de forains s'y tenaient au printemps. Lors de la Révolution de 1848, la place Louis XVIII abrita brièvement une effigie du peuple souverain ; sous le Second Empire, elle devint « place Napoléon », et le monument du peuple souverain fut remplacé par une statue équestre de Napoléon 1er, de 1854 à 1872. Après Sedan et la chute delazare_carnot-1753-1823.jpg Napoléon III, elle devint plus simplement la « place Perrache ». C'est à l’occasion du centenaire de la Révolution, qu'elle reçut en 1889 le nom de place Carnot qu'elle porte encore aujourd'hui: il s’agissait de Lazare Carnot, le grand-père du président Sadi, élu alors depuis tout juste deux ans; ce dernier vint inaugurer, l’année du centenaire, une allégorie de la Révolution, dite aussi de la République, lors de son premier voyage à Lyon. On sait que son second, quelques années plus tard, lui fut fatal. Cette place demeura en état les deux premiers tiers du vingtième siècle en formant avec la place Bellecour et la place des Terreaux un bel ensemble. De l'esplanade de la gare, elle offrait au nouvel arrivant une perspective digne de la troisième ville de France. Survint alors le maire Pradel : Une gare routière, ingénieusement installée entre la gare de Perrache et la place Carnot défigura dès lors de façon abominable cet endroit, qu’une autoroute, pour parachever le sabotage, traverse par ailleurs. Sur cette place depuis peu se tient chaque année un marché de Noël, version touristique et moderne des très populaires marchés aux chevaux, charabarat des temps jadis.