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Ecrivains

  • Voltaire (place)

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    L’endroit portait jadis le nom de Pré de Plantechoux. Lorsqu’on y dessina une place en forme de triangle bordé de platanes, elle prit le nom de Voltaire après celui de Reichstadt, sous le second Empire. Le philosophe de Ferney avait certes été membre de l’Académie de Lyon depuis 1745 et effectué un séjour entre Rhône et Saône en 1754.  «Quelque part que la curiosité le menât, il était aussitôt environné d’une foule d’admirateurs », note l’abbé Duvernet qui en retraça les grandes lignes. On sait qu'il rendit visite au cardinal de Tencin dans sa primatiale et rapporta à celui qui l’attendait dans son carrosse que l’archevêque de Lyon aurait refusé de le recevoir à diner, « parce qu’il était alors mal en cour » « Mon ami, ce pays n’est pas fait pour moi », aurait rajouté Voltaire.  

    A l’occasion de cette visite, il dirigea lui-même une répétition de  sa tragédie Brutus au Grand Théâtre que venait de construire Soufflot.

    Sa nièce, Madame Denis, impressionnée par l’accueil, chaleureux, affirme dans sa correspondance que son oncle fut reçu «comme un dieu ». Elle ajoute que chaque fois que Voltaire se rendait au théâtre, « les spectateurs lui réservaient une ovation pendant un quart d’heure avec transport et lorsqu’il sortait, le public le reconduisait en battant des mains jusqu’à son carrosse »

    Pierre Grosclaude, historien spécialiste des Lumières, affirme de son côté que Voltaire devait aimer Lyon parce qu’elle lui offrait « le type d’une cité active, commerçante, vouée à l’industrie et aux arts appliqués, créatrice de richesse et de bien-être. » Aussi, explique-t-il, le commerce de Voltaire avec cette ville fut prioritairement économique et commercial : « Lyon, ville réputée dans l’Europe des Lumières pour ses fabriques de soie, fut pour Voltaire non seulement une place financière, mais aussi un marché où il s’approvisionnait en biens et produits divers : blé, chocolat, sucre, étoffes, vêtements, papier, etc. » Les transactions financières occupent une place de choix dans cette correspondance « d’affaires ». En effet, Voltaire, philosophe fortuné, menait à Ferney une vie de château. « Si vous savez quelque chose touchant les paiements dus des arrérages de l’emprunt de 160 millions, je vous serai très obligé de vouloir bien m’instruire », demande ainsi Voltaire au banquier lyonnais Schérer.

    L’Académie de Lyon conserve un exemplaire des Éléments de la philosophie de Newton, ouvrage reçu en 1744 (cote 200 015). Enfin, Voltaire avait offert l’hospitalité dans son château de Ferney à ses amis lyonnais. Ainsi, Borde, directeur de l’Académie, Rosset, imprimeur, et Poncet, sculpteur, pour ne citer que ceux-là, étaient ses hôtes, des interlocuteurs privilégiés du philosophe.

    (1)  (1) Cité par L  Maynard, l’anecdote provient de Mon séjour auprès de Voltaire, par Collini, 1807 

  • Paul Lintier

    Il est dans le deuxième arrondissement de la bonne ville de Lyon une petite rue assez courte et peu connue, dans le quartier de Bellecour. C'est la rue Paul Lintier, écrivain et critique d'art à présent injustement oublié par les éditeurs.

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    Pour acquérir  ses ouvrages tous épuisés, une seule solution : être à l'affût sur ebay, ou les commander.  Paul Lintier, critique d'art dans le civil puis artilleur sur le front, est l’auteur de deux journaux de guerre importants : Le tube 1233(1917) et Ma pièce (1918). L'Académie couronna le premier, l'Humanité publia le second en feuilleton. Dans le premier, Lintier a cette expression pour désigner la guerre moderne dont il découvre l'horreur sur le front : « la guerre n'est rien d'autre que l'absurde victoire du fer sur l'esprit » Sensation insupportable de compter pour du beurre, dans l'héroïsme autant que dans la lâcheté : « Pourquoi, au lieu de nous leurrer de victoires imaginaires, ne pas nous avoir dit : Nous avons affaire à un ennemi supérieur en nombre. Nous sommes obligés de reculer en attendant que notre concentration s’achève et que les renforts anglais arrivent ? Avait-on peur de nous effrayer par le mot retraite, alors que nous en connaissions la réalité ? Pourquoi ? Pourquoi nous avoir trompés, nous avoir démoralisés ? » 

     Ecrit à froid, au jour le jour, sans complaisance, sans emphase, sans plainte, Lintier, un jeune homme cultivé, tolérant, énonce cet effroi, ce cafard qui s'est saisi de lui devant l’énigme moderne de la machine mise au service de la destruction.  Jean Norton Cru (1), on le sait, ne fut pas tendre avec les romanciers de la guerre, du type de Roland Dorgelès ou d'Henri Barbusse  : « Ceux qui souhaitent que la vérité de la guerre se fasse jour regretteront qu’on ait écrit des romans de guerre, genre faux, littérature à prétention de témoignage, où la liberté d’invention, légitime et nécessaire dans le roman strictement littéraire, joue un rôle néfaste dans ce qui prétend apporter une déposition. Tous les auteurs de romans de guerre se targuent de parler en témoins qui servent la vérité, qui révèlent au public la guerre telle qu’elle fut. ils s’indignent si on élève un doute sur le moindre détail de leurs récits. Comment concilier cette prétention avec la liberté d’expression et l’indépendance de l’artiste ? En fait les romans ont semé plus d’erreurs, confirmé plus de légendes traditionnelles, qu’ils n’ont proclamé de vérités, ce qui était à prévoir. » Or les seuls écrits qu'il sauve, dans son petit opuscule Du Témoignage, sont précisément ceux de Paul Lintier.

    De même Henri Béraud, qui écrit dans la préface du journal de 1917 : « Et le dernier fut Paul Lintier, l’auteur de Ma Pièce et, de loin, le plus grand écrivain de la guerre, l’espoir assassiné de notre génération (…) Il fut tué le 15 mars 1916 sur l’Hartmanswillerkopf, en laissant deux livres pétris de la terre des morts et du sang des soldats. Sur la manche gauche de sa vareuse, il avait fait tailler une poche et, dans cette poche, il y avait un carnet de notes où ses compagnons de pièce lurent à travers leurs larmes : Je vais mourir. Sur les perspectives de l’avenir qui toujours sont remplies de soleil, un grand rideau tombe. C'est fini. Cela n'aura pas été long. J’ai vingt ans. »

    Béraud et Lintier s'étaient bien connus à Lyon. Ils étaient amis des mêmes peintres. Lintier avait réalisé une étude sur Adrien Bas (2), dont Béraud avait déjà signé la préface. 

    « Je fus probablement le seul confident littéraire de Paul Lintier, le seul écrivain qui l’eût connu, fréquenté, encouragé durant son éphémère et charmant passage (…) Nous nous aimions comme s’aiment deux poètes dans les romans de 1830», écrit-il.

    Et, plus loin :

    « Très tôt, il avait compris que la plus haute tâche du romancier a pour fins la notation des grands rythmes humains et de l’âme complexe, convulsive et décevante des foules. Il accumulait les observations sans rien noter, riche d’une extraordinaire mémoire. Surtout, il regardait. Et il savait voir. C’est le don le plus rare chez l’écrivain autant que chez le peintre. Il mourut quand il atteignait à peine vingt trois ans – un âge où la plupart n’ont guère dépassé les projets, les doutes et les intentions. Et, déjà, il projetait des grands livres. Si l’on en publie un jour les plans, les ébauches, les fragments, nous connaîtrons que Lintier eût porté l’un des plus beaux noms des lettres françaises modernes. »(3)

    Tout cela n’a pas empêché Lintier d’être foudroyé par un obus, alors qu’il était en train d’écrire, précisément.

    Écrire :

     « Ceux qui viendront ici, et qui verront le grand geste uniforme que tracent sur la terre les croix, lorsque le soleil roulant dans le ciel fait bouger les ombres, s’arrêtent et comprennent la grandeur du sacrifice. C’est cela que veulent nos morts. C’est cela que nous voulons, nous qui demain, serons peut-être des morts. »  (Paul Lintier, Ma Pièce )

     

    Ci-dessous, un passage, censuré à l'époque, dans lequel il évoque le trouble intime, le grand effort consenti, le probable avortement de l'entreprise... (4)

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    1. Jean Norton Cru, Du Témoignage, Ed. Allia, Paris, 1990. Notons également que Dorgelès, lui-même, évoque  allusivement dans la dernière phrase de son de son roman  le remords « d’avoir ri de vos peines » et « le pipeau » qu’il aurait « taillé dans le bois de vos croix ».

    2Un peintre, Adrien bas, Paul Lintier, L’œuvre nouvelle, 1913

    3. "Souvenirs sur Paul Lintier", préface de Le Tube 1233, Paul Lintier, Paris, Plon, 1917

    4. Ce document, ainsi que la photo où l'on voit Paul Lintier peu avant sa mort en train d'être rasé, nous ont été communiquées par Dominique Rhéty.

     

  • Monseigneur Lavarenne

    Joseph Lavarenne naquit en la rue Saint-Jean à l'ombre de la primatiale, non loin de celle qui porte à présent son nom, le 25 septembre 1885. Son père artisan déménagea assez vite au coeur du quartier canut, rue des Capucins. C'est là qu'il composa ses premières poésies et, vers l'âge de douze ans, sa première pièce de théâtre qu'il intitula Pour un sou. Peu après, il intègre le séminaire de Verrières (Ain) puis d'Alix (Rhône); il étudie les lettres et se passionne pour les questions sociales, auprès de Marius Gonin avec le mouvement de la Chronique Sociale. Après son ordination, le 17 octobre 1909, il devient professeur au séminaire Saint-Jean jusqu'à ce que la guerre interrompe cette carrière naissante. On le retrouve alors brancardier. Après la victoire, il rédige de nombreux articles (qu'il signe Joseph des Verrières), s'intéresse au passé de la ville, son patois et au théâtre de Laurent Mourguet pour lequel il rédige plusieurs conférences et quelques pastiches.

    Conférencier, versificateur, homme de théâtre, cet abbé pour le moins original devient en 1930 secrétaire, puis président de la Propagation pourla foi. En 1932, sous le nom de Benoit Leregent, il rejoint à l'académie des Pierres Plantées ses amis Justin Godart, Pétrus Sambardier, Marius Audin. La même année qu'Henri Béraud qui, pour siéger, a choisi le pseudonyme de Pothin Ferrandier. Son indépendance d'esprit, son attachement au sol lyonnais, son humour et son érudition se retrouvent dans ses écrits, Gandoises et gognandises, Nous autres les gones, édités après sa mort survenue le 14 novembre 1949 à l'hôpital Saint-Joseph, en 1952 et 1953. Le premier est un recueil de récits truffés du vieux parler lyonnais cher à Puitspelu, le second une anthologie des conférences qu'il prononça à propos de Mourguet, Guignol et de l'esprit lyonnais. Notre langue lyonnaise, peut-on y lire, n'est pas seulement caractérisée par un certain nombre de mots savoureux. C'est un esprit. C'est une certaine façon de s'exprimer, tout à la douce, tranquillement, sans se presser, avec une finesse narquoise et trainante.

    Par décision du conseil municipal en date du 24 juillet 1950, l'ancienne rue des Prêtres (ainsi nommée car la plupart des prêtres de la cathédrale y possédaient leur domicile) devint donc la rue d'un seul. En 1953, un comité se mit en place pour élever un monument à la mémoire du prélat-humoriste. Le sculpteur Luc Maize réalisa une tête de bronze creux de celui qui, dans Chantecler Guignol, avait affirmé qu'un vrai lyonnais était un coeur incandescent sous une tête en bois. Le buste fut inaugurée le 13 juin 1954 et placée dans la cour d'honneur du palais Saint-Jean, avant d'être réinstallée face à la rue qui porte son nom en 2007.  Lors des travaux d'aménagement du parking Saint-Georges, les archéologues qui eurent loisir de fouiller la rue Monseigneur Lavarenne y découvrirent de nombreux vestiges (barques plates, outils, objets divers) attestant d'une activité portuaire le long de la Saône dès l'antiquité tardive.

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    La rue avait jadis porté le nom de rue Taverney, puis de la Pierre Percée, en raison d'un trou assez profond laissé par une potence enfoncée dans la cadette (nom donné autrefois aux trottoirs étroits). Durant la Terreur, elle avait également brièvement emprunté le patronyme d'un jacobin éxécuté par Chalier, un certain Riard.  L'astrologue Simon de Pharès avait logé dans cette rue au XVème siècle. Une sentence initiée par l'archevêque de Lyon et confirmée par le Parlement de Paris avait alors déclaré son art "mensonger, pernicieux, usurpant l'honneur de Dieu, corrompant les bonnes moeurs et inventé par les démons pour la perte des âmes".  Grâce à l'intervention du roi Charles VII, à qui il avait donné quelques leçons de magie, il put finir ses jours en paix.

  • Emile Zola

    C’est depuis sa mort en 1902  que le pesant auteur des Rougon Macquart a vu son nom attribué à l’ancienne rue Saint-Dominique. . Il faut dire qu’après avoir donné le nom de Victor Hugo en 1885, à l’ancienne rue Bourbon, la municipalité lyonnaise ne brillait pas par son audace littéraire en s’alignant de façon on ne peut plus conventionnelle à des gloires nationales, alors qu’on eût aimé qu’elle eût la reconnaissance locale plus leste.

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    La rue  portait depuis  1562 le nom de Saint-Dominique pour avoir été ouverte (par le baron des Adrets) sur le territoire des Jacobins, ou frère prêcheurs de l’ordre de saint-Dominique.

    En 1714, pour entreprendre la reconstruction de leur couvent, les Jacobins avaient vendu en bordure de la rue Saint-Dominique des terrains propres à bâtir : le prix était alors de 16 francs cinquante le m2 ; et les numéros 3 à 13 de la rue virent ainsi le jour.

    Pour la petite histoire, cette artère  porta le nom de Joseph Marie Chalier pendant peu de temps, juste après le siège de 1793. Le prévôt général de la maréchaussée, Bonnot de Mably, qui eut pour précepteur Jean Jacques Rousseau, y habita. Voilà pourquoi Rousseau, qui y séjourna, la cite  dans le livre 4 de ses Confessions, au cours de l’épisode communément appelé « le taffetatier indélicat » :

    « J'étais un soir assis en Bellecour après un très mince souper, rêvant aux moyens de me tirer d'affaire, quand un homme en bonnet vint s'asseoir à côté de moi. Cet homme avait l'air d'un de ces ouvriers en soie qu'on appelle, à Lyon, des taffetatiers. Il m'adresse la parole; je lui réponds. A peine avions-nous causé un quart d'heure, que, toujours avec le même sang-froid et sans changer de ton, il me propose de nous amuser de compagnie. J'attendais qu'il m'expliquât quel était cet amusement, mais sans rien ajouter, il se mit en devoir de m'en donner l'exemple. Nous nous touchions presque, et la nuit n'était pas assez obscure pour m'empêcher de voir à quel exercice il se préparait. Il n'en voulait point à ma personne; du moins rien n'annonçait cette intention, et le lieu ne l'eût pas favorisée: il ne voulait exactement, comme il me l'avait dit, que s'amuser et que je m'amusasse, chacun pour son compte; et cela lui paraissait si simple, qu'il n'avait pas même supposé qu'il ne me le parût pas comme à lui. Je fus si effrayé de cette impudence, que, sans lui répondre, je me levai précipitamment et me mis à fuir à toutes jambes, croyant avoir ce misérable à mes trousses. J'étais si troublé, qu'au lieu de gagner mon logis par la rue Saint-Dominique, je courus du côté du quai, et ne m'arrêtai qu'au delà du pont de bois, aussi tremblant que si je venais de commettre un crime. J'étais sujet au même vice: ce souvenir m'en guérit pour longtemps. »

     

    La rue Saint-Dominique  fut, avec la rue Mercière, l’une des premières où s’expérimenta en 1835 l’éclairage au gaz. Brun de la Valette rappelle qu’elle fut longtemps la rue des d’où partaient les diligences pour Grenoble : on voyait donc de nombreux hôtels. Un apothicaire du nom de Fleurant s’y trouva, dont Molière emprunta le nom pour son Malade Imaginaire. La tradition, dit-il, assure  que les boiseries de cette pharmacie venaient de Saint-Jean.

    Au 17 de la rue Emile Zola se trouve le magasin Pignol, dont la saga débuta en 1954 avec l’idée de proposer des pizzas aux clients, à une époque où les pâtisseries ne proposaient que du sucré.

  • Salomon Reinach

    Directeur du Musée des Antiquités nationales, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, codirecteur de la Revue archéologique, Salomon Reinach est l'auteur d'une œuvre considérable dont la Bibliographie de 262 pages, reinach.jpgparue en 1936, donne la mesure et dont Cultes, mythes et religions (1905-1923) est la figure de proue. Reinach y aborde l'étude des religions par le biais des grandes notions opératoires en honneur à l'époque : l'animisme, la magie (qui est « la science non encore laïcisée »), le tabou (« interdit non motivé », transmis par héritage de nos ancêtres animaux à nos ancêtres humains), le sacrifice, le totem, dont l'auteur prétend trouver des exemples dans tous les dieux sacrifiés du monde gréco-romain : Orphée, Hippolyte, Actéon, Phaéton... Dans Totem et Tabou (1913), Freud fait souvent référence à cette somme de la mythologie comparée.

    Salomon Reinach est le frère de Joseph Reinach (1856-1921), homme politique et publiciste qui mena campagne contre le boulangisme et en faveur de Dreyfus, et de Théodore (1860-1931), lui-même archéologue et historien. Il est né à Saint-Germain-en-Laye, dans une riche famille de banquiers juifs allemands et a suivi les cours de l'Ecole Normale Supérieure, avant de rejoindre l’Ecole Française d’Athènes en 1879.  Son arrivée en Grèce est marquée en mars 1881 par sa rencontre avec Charles Joseph Tissot, un Dijonnais célèbre, futur ambassadeur de France à Londres, qui est ministre de France à Athènes depuis trois ans et président de l'Institut de correspondance hellénique : « Je me présentai à Tissot, il me revit à notre bibliothèque, et nous étions liés avant de nous connaître. Il m'a dit plus tard qu'il m'avait pris en affection parce qu'il me voyait une curiosité générale et que je paraissais désireux, à la différence des spécialistes, d'apprendre ce que je ne savais pas ». Trente ans séparent Salomon de cet homme qui pourrait être son père. Mais ils sont nés le même jour, un 29 août, ce qui contribue à les rapprocher. Tout comme leur passion pour le dessin, leur goût des langues, leur amour de Lucain et leur propension à la mélancolie.

    Archéologue de terrain, Salomon Reinach a conduit sur tout le pourtour méditerranéen bon nombre de fouilles qui eurent un grand retentissement auprès de la communauté scientifique, notamment à Myrina près de Smyrne, entre 1880 et 1882, à Kymé en 1881, dans les îles de Thasos, Imbros et Lesbos en 1882, à Carthage en 1883 et à Odessa en 1893.

    Il est connu pour avoir fait acheter par le musée du Louvre, en 1896, la tiare de Saïtapharnès découverte en Crimée pour la somme de deux cent mille francs or, tiare qui se révéla en 1903 être un faux réalisé par un certain Rachoumowsky. Jarry, dans le docteur Faustroll, évoque l'aventure.

    Ardent défenseur de la culture et des droits des juifs, il fut par ailleurs vice-président de l’Alliance israélite universelle et membre de la Société des études juives. Il s’engagea dans l’affaire Dreyfus en y jouant un rôle occulte, mais décisif. Soucieux de combattre l’intolérance, il fut également aux côtés de Colette, lors du procès de Robert Desnos, condamné pour La Liberté ou l’amour. Jusqu’à sa mort, il rendit visite ou écrivit à Nathalie Barney et à Liane de Pougy, qui l’avaient introduit dans le milieu des prêtresses de Sapho. Il trouvait auprès d’elles l’occasion de satisfaire la dernière grande passion de sa vie : la vie et l’œuvre de Pauline Tarn, la poétesse Renée Vivien.

    Salomon Reinach est mort à Boulogne, dans les Hauts-de-Seine en 1932, il est inhumé au cimetière de Montmartre.

    Si la capitale des Gaules honora une rue du septième arrondissement de son nom depuis 1934, c’est parce qu’il légua sa très riche bibliothèque à l’Université de Lyon.

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  • Louis Pize

    Le 23 mai 1983 était inaugurée la rue Louis Pize à la Croix-Rousse, non loin des cimetières (ancien et nouveau). Elle honorait un poète ardéchois né le 18 mai 1892 à Bourg-Saint-Andéol, petite ville située en bordure du Rhône. Son père exerçait la profession d’inspecteur de l’enregistrement. Il mourut en 1903, alors que le jeune Louis n’avait que onze ans. Brillant élève au lycée Gabriel Faure de Tournon sur Rhône en Ardèche, il s’installe en 1909 avec sa mère et sa sœur à Lyon. Inscrit à la faculté de droit, il obtient une licence mais demeure plus attiré par les Lettes. Il publie en 1913 son premier recueil de poèmes, pour lequel il reçoit les félicitations de Francis Jammes. Blessé à Saint-Dié (dans less Vosges)  durant la guerre de Quatorze, il est décoré de la Croix-de Guerre.

    En 1922, il se marie avec G. Ricard et abandonne le droit pour se tourner vers l'enseignement. Il devient alors professeur de Lettres classiques à l'Externat St-Joseph de la rue Sainte-Hélène à Lyon en 1924. Louis Pize est auteur d’une pièce de théâtre d’ouvrages historiques et touristiques, mais surtout de recueils de poèmes Élu membre de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon, il en devient président en 1964. Avec Charles Forot, il participe à la création des Editions du Pigeonnier à Saint-Félicien. A sa retraite, celui que ses amis appelaient le « Virgile du Vivarais » se retire dans sa maison de Saint-André-en-Vivarais. Il s'éteint le 4 septembre 1976. Il aura collaboré à de nombreuses revues dont La Revue du Vivarais, La Revue des Deux-Mondes, Le Mercure de France.

    La poésie de Louis Pize est de facture classique. Parmi les recueils importants qu’il a écrits, on peut signaler :

    • La Couronne de Myrte. Les Essaims nouveaux et chez Emile Paul (1919).
    • Les Pins et les Cyprès. Garnier, Paris (1921). Prix Villard, du Conseil Général de l'Ardèche.
    • Les Feux de Septembre. Garnier, Paris (1931). Prix Emile Blémont de la Maison de Poésie.
    • Le Bois des Adieux (1949). Editions I.A.C. Lyon-Paris. Prix Alfred Droin, de la société des Gens de Lettres.
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  • Kleinclausz

    « Le professeur Kleinclausz de ce temps-là m’a laissé le souvenir d’un grand maigre à barbiche, qui avait le nez fort, un peu rouge, l’air solennel et la dialectique déclamatoire. Comme on dit, il s’écoutait parler avec une complaisance visible. Je lui trouvais le ton du pédant, ton qui m’a toujours fait horreur. Cette horreur n’est point partagée par tout le monde, car le professeur Kleinclausz devait amplement réussir au-delà de ses normales capacités professionnelles. Sans cesser d’enseigner à la Faculté, cet historien devint plus tard, on ne sait pourquoi, Directeur des Beaux-Arts de Lyon. Durant une douzaine d’années il s’assura le bénéfice de l’un de ces cumuls que la loi voulut interdire et auxquels il ne fut guère touché. On disait que le professeur assidu aux antichambres, ne répugnait ni aux démarches ni aux intrigues. Je crois qu’il a publié un fort volume sur Charlemagne, mais je n’ai trouvé personne pour m’en parler. Et je n’ai pas eu l’occasion de le lire »

    Nous devons ce franc éloge à la plume de Gabriel Chevallier, dans son très émouvant récit de jeunesse, Chemins de Solitude.

     

    Arthur Kleinclausz naquit en Côte d’Or le 9 avril 1869 et décéda à Lyon le 4 décembre 1947. Le fort volume sur Charlemagne est en fait la thèse d’histoire qu’il soutint en 1902 à Dijon, et dont le titre véritable est L’Empire carolingien, ses origines et ses transformations (1032-1162). Il est surtout connu pour une Histoire de Lyon en trois volumes ( 1932 – 1948 -)dont la publication complète fut réalisée chez Pierre Masson en 1952. Pour faire le contrepoint au texte de Chevallier, un extrait de la préface du tome III signé d’André Allix :

    « Pas plus qu’une de ces cathédrales de l’époque dont il fut spécialiste un ouvrage de cette sorte ne peut être le travail d’un seul homme. Mais il faut un maître d’œuvre capable de concevoir l’ensemble de partager les tâches et de surveiller la réalisation. Il fut ce maître du début à la fin prenant lui-même sa part de l’ouvrage commun. (…) Presque tous ceux dont on trouve les noms sur le titre de cet ouvrage avaient été formés par lui aux études historiques, les autres furent ses collègues à la Faculté des Lettres et tous sont restés ses amis. Ici se trouve une nouvelle récompense pour l’art et le dévouement d’un professeur inoubliable. »

    Le professeur inoubliable se vit donc octroyer une rue de Lyon dans le quartier des Etats Unis (huitième arrondissement) qui, ouverte en 1960 lors de la création de la cité HLM et  bordée d’immeubles de quatre étages, n’a pourtant vraiment rien d’historique. Tels sont les curieux mystères de la postérité.