Kleinclausz
« Le professeur Kleinclausz de ce temps-là m’a laissé le souvenir d’un grand maigre à barbiche, qui avait le nez fort, un peu rouge, l’air solennel et la dialectique déclamatoire. Comme on dit, il s’écoutait parler avec une complaisance visible. Je lui trouvais le ton du pédant, ton qui m’a toujours fait horreur. Cette horreur n’est point partagée par tout le monde, car le professeur Kleinclausz devait amplement réussir au-delà de ses normales capacités professionnelles. Sans cesser d’enseigner à la Faculté, cet historien devint plus tard, on ne sait pourquoi, Directeur des Beaux-Arts de Lyon. Durant une douzaine d’années il s’assura le bénéfice de l’un de ces cumuls que la loi voulut interdire et auxquels il ne fut guère touché. On disait que le professeur assidu aux antichambres, ne répugnait ni aux démarches ni aux intrigues. Je crois qu’il a publié un fort volume sur Charlemagne, mais je n’ai trouvé personne pour m’en parler. Et je n’ai pas eu l’occasion de le lire »
Nous devons ce franc éloge à la plume de Gabriel Chevallier, dans son très émouvant récit de jeunesse, Chemins de Solitude.
Arthur Kleinclausz naquit en Côte d’Or le 9 avril 1869 et décéda à Lyon le 4 décembre 1947. Le fort volume sur Charlemagne est en fait la thèse d’histoire qu’il soutint en 1902 à Dijon, et dont le titre véritable est L’Empire carolingien, ses origines et ses transformations (1032-1162). Il est surtout connu pour une Histoire de Lyon en trois volumes ( 1932 – 1948 -)dont la publication complète fut réalisée chez Pierre Masson en 1952. Pour faire le contrepoint au texte de Chevallier, un extrait de la préface du tome III signé d’André Allix :
« Pas plus qu’une de ces cathédrales de l’époque dont il fut spécialiste un ouvrage de cette sorte ne peut être le travail d’un seul homme. Mais il faut un maître d’œuvre capable de concevoir l’ensemble de partager les tâches et de surveiller la réalisation. Il fut ce maître du début à la fin prenant lui-même sa part de l’ouvrage commun. (…) Presque tous ceux dont on trouve les noms sur le titre de cet ouvrage avaient été formés par lui aux études historiques, les autres furent ses collègues à la Faculté des Lettres et tous sont restés ses amis. Ici se trouve une nouvelle récompense pour l’art et le dévouement d’un professeur inoubliable. »
Le professeur inoubliable se vit donc octroyer une rue de Lyon dans le quartier des Etats Unis (huitième arrondissement) qui, ouverte en 1960 lors de la création de la cité HLM et bordée d’immeubles de quatre étages, n’a pourtant vraiment rien d’historique. Tels sont les curieux mystères de la postérité.