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brotteaux

  • Molière

    La présence de Molière à Lyon est attestée par de nombreux documents, de 1652 à 1655. En décembre 1653, il donna Irène, de l’avocat lyonnais Claude Basset au profit des pauvres. On conserve aux archives des Hospices un spécimen des billets d’entrée de la première représentation de l’Etourdi que Molière et sa troupe créèrent au bénéfice de l’Hôtel-Dieu. L’apothicaire Fleurant, qui exerçait rue Saint-Dominique (voir Emile Zola) inspira par ailleurs le créateur du Malade Imaginaire, qui lui assura en épelant son nom qu’on parlerait encore longtemps de lui.  Un ancien pâtissier,  Cyprien Ragueneau, dit de l’Etang, comédien de sa troupe, mourut à Lyon le 18 août 1654. Un acte notarié précise que Ragueneau avait loué une chambre et galerie dans la maison appartenant au sieur Veau « sise en Bellecour, rue sainte Hélène »

    moliere2.jpgLe tome XX de Le Revue du Lyonnais reproduit une analyse de trois registres de Molière, qui décrivent « les détails sur l’administration théâtrale et la mise en scène à l’époque », « les règlements et les recettes d’alors ». La troupe de Molière ne jouait que trois fois par semaine, les mardi, vendredi et dimanche. Dans le premier registre de la Comédie Française qui renferme le détail de 99 représentations (16 avril 1663 - 6 janvier 1664), on voit 8 fois Molière composer le spectacle entier avec une de ses pièces, avec deux 55 fois. 30 fois ses œuvres, peu nombreuses encore, fournissent une des deux pièces représentées. 6 fois seulement, la scène est laissée à d’autres auteurs. C’est donc pour Molière un total de 63 soirées complètes, et de 30 soirées en partage. Tandis que tous les autres auteurs comptent un total de 6 représentations pleines et 30 demi-représentations. Ces auteurs sont Corneille (Cinna, Sertorius et le Menteur – 17 fois) ; Tristan (Marianne, 9 fois), Rotrou (Venceslas, 5 fois) et Scarron (Don Japhet, L’héritier ridicule, 5 fois).

    Dans le deuxième registre, contenant le détail de 87 représentations du 12 janvier 1664 au 4 janvier 1665, Molière remplit seul 62 soirées sur 87 (8 avec une seule de ses pièces, 54 avec deux). Il partagea 15 fois les honneurs de la représentation avec un autre et laissa sa place seulement 10 fois. Sur ces 25 représentations, Racine en compta 14 pour sa Thébaïde, Corneille et Scarron 3 chacun. L’auteur anonyme de la Bradamante ridicule eut les 5 autres soirées. Du 29 avril 1672 au 26 février 1673, (troisième registre consulté, beaucoup plus tardif), Molière ne fournit rien 4 fois seulement. Et sur les 118 représentations, il occupe la scène à lui tout seul 112 fois. Par rapport aux frais quotidiens, on constate que les recettes étaient plus conséquentes qu’aujourd’hui : Voici le détail des recettes des 32 représentations de L’Ecole des Femmes et de la Critique de l’été 1663, en livres et en sols

     

     

    Vendredi 1er juin

    1357

    Dimanche 8 juillet

    702

    Dimanche 3 juin

    1131

    Mardi 10

    532

    Mardi  5

    1352,10

    Vendredi  13

    570,10

    Vendredi   8

    1426,10

    Dimanche  15

    711

    Dimanche 10

    1600

    Mardi  17

    482

    Mardi   12

    1356,10

    Vendredi  20

    567

    Vendredi  15

    1731

    Dimanche 22

    780

    Dimanche 17

    1265

    Mardi  24

    422

    Mardi 19

    842,10

    Vendredi  27

    790

    Vendredi  22

    1025,10

    Dimanche  29

    723

    Dimanche 24

    937

    Mardi   31

    737

    Mardi 26

    800

    Vendredi  3  août

    631,03

    Vendredi  29

    1300

    Dimanche  5

    462

    Dimanche  1er juillet

    1309

    Mardi    7

    400

    Mardi 3

    930

    Vendredi  10

    682

    Vendredi 6

    830

    Dimanche 12

     392

     

    Les frais ordinaires pour une représentation s’élèvent à 55 livres. Les frais extraordinaires varient davantage, de 4 à 379 livres (pour la première du Malade Imaginaire, et ce en raison du grand nombre de figurants). Se rajoutent à cela certains frais supplémentaires : « Les soldats » (gardes de service) reviennent à 9 livres chaque soir. Certains acteurs, non sociétaires, sont mentionnés dans cette rubrique, comme mademoiselle Marotte Beaupré  (3 livres chaque soir). L’éclairage à la chandelle revient à 6 livres : il fallait payer aussi les allées et venues des moucheurs  La « tare de l’or léger », estimée à peu près 13 livres, est un déchet qui se reproduisait à chaque représentation sur le montant des recettes : la monnaie d’or étant celle utilisée à l’époque, la rognure des pièces donnaient lieu à des dépréciations assez marquées, dont les théâtres étaient les principales victimes. Sur certains registres se trouve faite mention de charité (souvent adressée aux Cordeliers) et parfois même de messe. Les frais d’imprimeurs, sans doute compris dans les frais ordinaires, apparaissent parfois lorsqu’il y a un événement exceptionnel dans les frais supplémentaires : c’est alors deux affiches qui sont mentionnées en plus, pour un frais de 8 livres  (tout laisse à penser qu’on n’affichait habituellement qu’à la porte du théâtre). Les costumes des acteurs étaient renouvelés au fur et à mesure qu’ils s’usaient (ces derniers n’étaient pas liés à leur personnage, les costumes de théâtre, au sens moderne, n’existant pas encore).

    Les frais d’un costume entier varient de 10 à 40 livres; d’autres frais occasionnels, mentionnant des « maîtres de chant » ou des « maîtres à danser », occupés généralement pendant deux mois entiers, s’étendent entre 22 et 46 livres : Les parts de chacun se touchaient chaque soir. Une part s’élève environ à 3,5 livres. Deux en revenaient à l’auteur de la pièce. Molière, comme directeur et sociétaire, en touchait encore trois autres. Le prix des places allait de la somme de 15 sous (parterre) à celle de 5 livres (billet de loge). Les registres portent également trace des dons et des remboursements des frais de visites ou de séjours (sorte de répétitions générales accordées, en privé, à des Grands). Ces dons sont importants et s’élèvent souvent à plusieurs centaines, voire milliers de livres. Le 26 octobre 1663, on trouve : « Nous avons séjourné à Versailles depuis le 16 octobre jusqu’au 26 dudit mois, où nous avons reçu du Roi 3300 livres à partager, chacun 231 livres.» Le 26 février 1673, pour clore le dernier registre, on peut lire : « On n’a point joué dimanche 19 et mardi 21 à cause de la mort de M. de Molière, , le 17ème à dix heures du soir».

    La rue Molière relie la place Lyautey à la rue de Bonnel, face aux grilles de la préfecture. Avant de porter le nom de l’Illustre comédien, la rue s’appela longtemps rue Monsieur (du frère du Roi)

  • Vitton

    Autrefois, tout le quartier de la rive gauche appartenait à la commune de la Guillotière. Celle-ci avait été réunie une première fois à Lyon en 1793. Occupée par les armées de la Convention, elle recouvra son indépendance le 12 août 1793 et fut incorporée au département de l'Isère (district de Vienne-la-Patriote). La Guillotière a été annexée entièrement à Lyon en 1852, tandis qu'étaient rattachées au département du Rhône les communes de Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Bron et Saint-Fons. Cette même année 1852, Lyon fut divisée en arrondissement. La Guillotière formait le 3ème arrondissement. Par la suite, d'autres arrondissements furent créés, ce qui donna naissance au 6ème (1867), au 7ème (1912) et au 8ème (1959). La population de la rive gauche a considérablement augmentée durant le XIXème siècle, passant de 6000 habitants (1802) à 35 000 (1850) et 150 000 vers 1900. C'est à l'ingénieur Morand qu'on doit l'idée d'urbaniser cette rive gauche du Rhône. C'est pourquoi le pont qui permet le franchissement du fleuve face à la place Tolozan porte aujourd'hui encore son nom. Du temps de l'enfance de Puitspelu (cf Les Oisivetés du sieur Puistpelu, ch. "Les Montagnes"), les Lyonnais appelaient ce qui est aujourd'hui le cours Vitton "La Grande Allée". Cette grande Allée est devenue ensuite le cours Morand, puis le cours Vitton.


    Ecoutons Puitspelu lui-même, qui écrivit les lignes que voici en 1889 : "Nous allons prendre la Grande Allée, qu'on nomme aujourd'hui cours Morand. Cette grande Allée était creuse dans le milieu, où l'on avait laissé subsister le sol naturel. A droite et à gauche, des chaussées, auxquelles on accédait par des talus gazonnés. Les arbres étaient placés à l'inverse d'aujourd'hui, c'est-à-dire qu'ils étaient dans le milieu, dans la partie creuse. Beaucoup plus drus que les "ch'tis" platanes d'à présent, pour autant qu'il se trempaient les pieds dans l'humus frais, au lieu que ceux d'aujourd'hui les baignent dans les cailloux du Rhône qui ont servi de remblais. Cette grande Allée était tellement la promenade favorite des Lyonnais que, le dimanche, on disposait de chaque côté un triple rang de chaises qui, à certains jours de fêtes, étaient toutes occupées pour voir le défilé des promeneurs et des équipages. Dans la Grande Allée, bien entendu, aucune maison, mais de nombreux établissements de plaisir. D'abord, à droite, en allant à l'Orient, le petit Tivoli, où depuis un certain nombre d'années, Mourguet avait son théâtre Guignol (...). Après Mourguet, occupant l'espace entre l'avenue de Saxe et la rue Vendôme, se trouvait le café du Grand Orient, nom venu sans doute de la loge maçonnique de Cagliostro. A gauche, un cirque qui fut construit en 1818 par l'écuyer Désorme. Il fut incendié plus tard. Puis le Jardin Chinois , montagnes lilliputiennes basses (...) Après cela, il y avait dans la Grande Allée en se dirigeant vers les Charpennes nombre d'autres établissements, le jardin Montansier, des Vauxhalls, comme c'était alors la mode d'appeler les salles de danse, des tirs au pistolet. Ceux-ci dsparurent les derniers et il me souvient d'un être encore allé souvent tirer en 1850."

    Cette description de la Grande Allée, avant qu'elle ne devînt un cours urbanisé et prît les noms successifs de Morand et de Vitton, fort pittoresque (comme tout ce qu'a écrit le bon Nizier du Puitspelu) nous a occupés un bon moment. Elle évoque un espace bien différent de l'actuel cours, bordé d'immeubles bourgeois et de commerces luxueux. Je dirai simplement, pour le rapport avec le début de ce billet, que Henri Vitton, né en 1793, était maire de la Guillotière et que c'est lui qui, bien après la mort de Morand sous la guillotine (voir le billet sur la place Lyautey) et bien avant l'annexion transforma la "Grande Allée" en un cours qui prit son nom lorsqu'il mourut en duel en 1834. Les Vitton étaient une véritable dynastie, dont on a déjà parlé à propos de la rue Ferdinand Buisson, et que commémore également, dans le troisième arrondissement, le cours Richard-Vitton (Richard étant le nom du gendre et Vitton celui du beau-père)


    Sur le blog « certains jours »une photo des platanes, à l'entrée de la place Lyautey et du cours Vitton. Là se cache une forêt, connu des seuls poètes et de quelques génies. Mais chut ! Là, nous touchons à la légende.

     

  • Duquesne

    L'amiral dieppois (1610-1688) Abraham Duquesne naquit à Dieppe et mourut à Paris. Bien qu'il n'ait jamais mis les pieds à Lyon, l'une des rues les plus huppées du sixième arrondissement, bordée d'immeubles cossus en pierres massives, porte fier son nom. L'ingénieur Morand, qui l'avait prévue dès son premier plan datant de 1764, l’aménagea en plein cœur du nouveau quartier des Brotteaux

    Il n'y aurait rien de plus à dire de cette rue bourgeoise si, en octobre 1925 n'y était morte la mère Fillioux, de son vrai nom Françoise Fayolle, à l'âge de 60 ans. Elle était née à Cunlhat dans le Puy de Dôme, le 2 décembre 1865, au sein d'une famille de paysans nombreuse. Après avoir joué quelque temps la Bécassine chez des bourgeois grenoblois, elle se fit embaucher à Lyon chez Gaston Eymard, directeur d'assurances. C'est là qu'elle apprit durant dix ans les secrets de la fine gastronomie. Elle épousa ensuite  Louis Fillioux, dont le père possèdait un petit immeuble. Les jeunes mariés investissent le rez-de chaussée et y créent un très modeste fonds de marchand de vin, au 73 de la rue Duquesne. On y mangeait le casse croûte pour 1 franc 25, et le menu complet de cochonnailles pour 3,50. Les turfistes du Grand Camp, situé non loin de là à Villeurbanne, furent leurs premiers fidèles. Les habitués de l'Olympia, le music-hall que Paul Bonhomme installa au n° 64 de la rue, de 1906 à 1929, et où Joséphine Baker donna sa Revue nègre, les seconds.

    A la fin du dix-neuvième siècle, le très modeste marchand de fin devint assez vite un bistro de luxe, entre les tables duquel cette forme femme promenait sa robe que les clients avaient surnommée « la balayeuse ». Au-dessus du comptoir, un écriteau précisait : Ceux qui chantent ne doivent pas monter sur les tables...

    Le menu que la mère servit pendant une bonne trentaine d'années rue Duquesne repose dans tous les bons manuels; il ne varia guère : fonds d'artichaut au foie gras, quenelles, poulardes demi-deuil, fromages et desserts.

    452928902.jpgLa poularde de la mère Fillioux acquit très vite une telle notoriété qu'elle dépassa les limites de Lyon. Des poulardes, la légende prétend qu'elle en découpa, durant sa vie entière, plus de 500.000, et qu'elle en faisait cuire une quinzaine à la fois, tout en conservant sans cesse le bouillon de cuisson d'une quinzaine à une autre. Pour achever de construire sa légende, la mère Fillioux aimait répéter au soir de sa vie qu'elle n'avait jamais utilisé que deux couteaux. L'un est visible au musée de la Gastronomie, à Villeneuve-Loubet dans les Alpes-Maritime. Tancrède de Visan écrivit dans son recueil de nouvelles Perrache Brotteaux : « la Gastronomie, voilà l’apanage de quelques hommes, d’où son rang supérieur dans la hiérarchie des sciences philosophiques. » : la mère Fillioux n’aurait pas désapprouvé la citation, mais l’aurait peut-être accordée au féminin.

    Un témoignage du père Fillioux, au passage, aurait été précieux. Il n'en existe pas, hélas. Il eût fallu un Béraud pour écrire le roman de cette ombre de bistrotier. Les habitués le virent toujours, épluchant les champignons à longueur de son temps. Ceux qui l'ont approché sont unanimes pour affirmer qu'ils n'ont jamais serré la pince d'un plus sympathique prince consort. On veut bien le croire. Pour en revenir à la poularde, seule l'apprentie de la mère Fillioud, la célèbre Eugénie Brazier, sut faire, un beau matin, mieux que la patronne. Outre sa brillante carrière, elle y gagna une réputation mondiale....

    Depuis l'après-guerre, le restaurant qu'avait repris son gendre Désiré Fréchin a été démolli. Une plaque cependant demeure...

  • Lyautey

    Le 13 avril 1764, un dessinateur de la Fabrique, Etienne Benoît, note dans son livre de raison l’entretien qu’il a eu la veille avec l’ingénieur Morand. Un certain Perrache parlait alors de relier par des terres fermes les îles du confluent afin d’allonger la presqu’île. Morand juge ce projet ridicule : Ces terrains, toujours fermés par les eaux, ne pourraient en effet s’étendre à l’infini puisqu’ils rencontreraient infailliblement le confluent, quel que soit le point jusqu'où on le repousserait. Morand préfère rêver d’un agrandissement sur l’autre rive du Rhône, là où débute une plaine illimitée : Lyon pourrait alors à son gré s’étendre pendant des siècles, sans limites.

    C’est une ville nouvelle dont il se fait le visionnaire exalté, qui doit naître « dans les vorgines et les broteaux de la rive gauche du Rhône ».

    Par lettres patentes, et après d’âpres négociations, Jean-Antoine Morand (1727-1794) obtient donc le 4 janvier 1771 l’autorisation de construire son pont. Les recteurs de l’Hôtel-Dieu, inconscients de l’opportunité qu’allait représenter pour les Hospices Civils le franchissement du Rhône, imposent leurs conditions : La compagnie devrait payer pendant 63 ans, aux pauvres de l’Hôtel-Dieu, une rente annuelle de 6000 livres. Le prix du passage pour les gens à pied est fixé à 6 deniers, alors que la compagnie en demandait neuf. Le 15 juillet, ils refusent l’exécution, traitant Morand de malfaiteur. En 1775, Morand parvient finalement à construire son pont.

    Dans le tome III de son Dictionnaire des Lyonnaiseries, Louis Maynard précise que ce pont, dont les arches apparaissaient de loin, comme des chevalets de bois était l’un des plus beaux existant en ce genre : « il avait treize mètres de largeur, deux cent neuf de longueur entre ses culées et comptait seize travées ayant de neuf à treize mètres cinquante de diamètres. » Sa résistance au gel, durant l’hiver 1789 étonna tant qu’un poteau supportant une couronne de laurier fut longtemps placé en son centre; On pouvait y lire : Impavidum ferient ruinae.

    Bien vite, il fut surnommé «le pont rouge », car durant toute la période révolutionnaire, son droit de péage fut suspendu. Afin d’indemniser les actionnaires du manque à gagner occasionné, on doubla le droit de passage par la suite. Quant à Morand, il fut guillotiné, le 24 janvier 1794, pour avoir favorisé le droit de passage des insurgés sur son pont.

    Pendant longtemps, la place sur lequel ce pont débouchait porta également le nom de Jean Antoine Morand. Elle avait eu auparavant diverses appellations : Sous la Restauration, elle avait reçu le nom de Louis XVI ; en 1820, on l’avait appelée la place des Broteaux. (avec un seul t). Après 1848, ce fut la place Robespierre, puis la place Béranger. La place Morand porta également le nom de place Maginot (1940) et place du Maréchal Pétain (1941). Depuis 1945, elle porte le nom du Maréchal Lyautey (1854-1934), qui participa à la colonisation du Maroc. Et on ne se souvient plus de Morand que par son pont, un pont nouveau qu'emprunte aussi une ligne de métro, et dont le moins qu'on puisse dire est qu'il est franchement hideux, dépareillant le paysage comme si c'était un plan concerté.

    La fontaine qui se trouve au centre de la place Lyautey, œuvre de Tony Desjardins, est surmontée d’une statue de la ville de Lyon représentée sous les traits d’une femme. Cinq petits génies l’entourent, symbolisant la Navigation, le Commerce, la Force, l’Histoire et la Géographie.  A suivre sur ce lien, sur le blog CertainsJours une photo de cette somptueuse dame

    Ci-dessous, une photo de Lyautey jeune, Lyautey dont il aura été fort peu question dans ce billet puisque, selon la formule consacrée, sa vie n'intéresse que très peu l'histoire locale, beaucoup moins en tous cas que celle de l'ingénieur Morand sans lequel le Lyon moderne n'aurait pas ce visage.

     

    lyautey.jpg

     

  • Tête d'or

    La rue Tête d'Or dans le sixième arrondissement de Lyon doit bien évidemment son nom à la proximité du parc du même nom, auquel, parmi d'autres, elle conduit depuis plus d'un siècle familles, amoureux, solitaires et touristes. Letellier, qui fut archiviste de l'administration des Hospices Civils vers 1960 a répandu une fausse et célèbre légende à propos de ce nom : Une très ancienne tradition aurait voulu qu'un trésor ait été caché sur quelque point de ce territoire assez vaste. Et, parmi les pièces de choix le composant, on citait une tête de Christ en or. La légende est certes séduisante, d'ailleurs quelques Guignols, excusez-moi l'expression, se sont régulièrement mis en quête de ce prétendu trésor, sans jamais bien sûr dénicher la moindre médaille ni la moindre piécette Il est certain que l'appelation provient en réalité, et de façon plus prosaïque, d'une enseigne d'auberge, Le logis de la Tête d'Or, que le propriétaire aurait ouverte parmi les brotsdu Rhône.

    Un peu de romanesque, malgré tout : l'aubergiste en question aurait été expulsé de la Guillotière. On trouve d'ailleurs dans les délibérations consulaires, en date du 26 avril 1590 la décision suivante :

    « Pour ôter toutes occasions de défiance qu'on a de la probité de l'hoste du logis de la Tete d'Or, à la Guillotière, lequel, contre les défenses qui lui ont été faicts, reçoit indifféremment toutes personnes suspectes en son logis ..., on ordonne qu'il sera mis hors du faubourg, avec toute sa famille. »

    Pour comprendre cet avis, il faut se rappeler que Lyon tenait alors pour la Ligue.
    L'ancien territoire de la Tête d'Or comprenait plusieurs îles, séparées par des anciens et multiples bras du Rhône. C'est le préfet Vaïsse qui conçut le projet de créer l'actuel Parc de la Tête d'Or. On commença les travaux en 1856. La municipalité acheta cent cinq hectares de terrain et, de ces brotteaux incultes en terres marécageuses et parsemées de joncs, fit le Parc dans lequel on creusa un lac de seize hectares, renfermant deux iles boisées, et où trouvèrent place dès 1857 une première grande serre (dite hollandaise) - aujourd'hui le parc en possède cinq, dont la Grande Serre construite en 1877 dont le toit est à 27 mètres - puis, un jardin alpin, un parc zoologique et, au vingtième siècle, une roseraie.

    les_grandes_serres_du_parc_de_la_tete_d_or.jpg


    Ci-dessus, une photo de la Grande Serre, un palais de verre et de métal à l'architecture somptueuse et élancée, l'un des joyaux méconnus de Lyon, assurément

     

     

  • Vauban

    Vauban n’a pas seulement donné son nom à une rue du sixième arrondissement de Lyon, il l’a aussi donné à son village de naissance, jadis Saint-Léger de Foucheret, actuellement Saint-Léger-Vauban, dans l’Yonne. Vauban naquit dans une famille de petite noblesse nivernaise. Il doit son entrée dans le monde au prince de Condé dans le régiment duquel il fait il commence son apprentissage militaire à partir de 1651. En 1655, il obtient le brevet d’ingénieur militaire et participe, dès lors, à la plupart des campagnes militaires de Louis XIV, dont le règne personnel vient de commencer.

    Gouverneur de Lille en 1668, brigadier en 1673, maréchal de camp en 1676, commissaire général des fortifications en 1678, lieutenant des armées du roi en 1688, Vauban n'accédera au maréchalat qu'en 1703. Le nom de Vauban, pour toute personne ayant fait un peu de tourisme culturel en France, reste lié aux fortifications édifiées sous ses ordres pour protéger les frontières et les côtes du pays : le fort de Briançon en haute montagne, le phare du Stiff à Ouessant : deux exemples parmi tant d’autres de son travail au service du Royaume et du Roi.

    Il est aussi l’auteur du Traité de l'attaque des places et du Traité de défense des places, publiés l'un et l'autre en 1706, qui sont passés rapidement à la postérité. Ce qu’on sait moins, c’est qu’il fut aussi une sorte d’écrivain moraliste : comme il connaissait 1213021101.jpgadmirablement la France qu'il traversait continuellement, Vauban s’était rendu compte des difficultés auxquelles était confrontée sa population, en particulier les paysans, accablés par les guerres et par les impôts. Il chercha avec lucidité des solutions, qu'il consigna tout au long de sa vie dans de nombreux mémoires ou traités intitulés : Mes Oisivetés, ou Pensées d'un homme qui n'avait pas grand-chose à faire.

     

    Cette rue porte son nom dés l’aménagement du quartier des Brotteaux par Vitton. Ce dernier avait eu l’idée de donner à tout le quartier au fur et mesure de son déploiement en damier morne et régulier les noms des hommes les plus illustres de l’histoire du pays, de manière de faire de ce réseau une illustration en plein air son historie : c’est lui qui baptisa ainsi les rues de Godefroy, Duguesclin, Crillon, Montesquieu, Malesherbes, Saxe, Vendôme, Charlemagne, Bourbon, Louis-le-Grand… Et parmi eux Vauban. Certaines de ces appellations subirent les foudres de ses successeurs républicains, d’autres, comme Vauban, sont demeurées.

  • Montgolfier

    montgolfier_etienne.jpgDepuis 1855, la rue Pichegru, ouverte sur le terrain des Hospices aux Brotteaux honore les inventeurs des "montgolfières", Joseph (1740-1810) et Etienne (1745-1799) de Montgolfier, nés tous deux à Vidalon les Annonay, douzième et quinzième enfants du fratrie de seize. La première expérimentation eut lieu le 4 juin 1783 à Annony. L'année suivante, deux ascensions mémorables d'aérostats furent expérimentées dans la plaine des Brotteaux en 1784 : l'une, le 19 janvier (entre les rues Dugesclin, Créqui, Vauban, Bugeaud) : Le ballon, parti en face de l’Hôtel Dieu a fini aux Charpennes; l'autre, le 4 juin, (entre les rues Duguesclin, Créqui, Sèze et Bossuet) : le ballon alla cette fois-ci jusqu'à la Duchère. Comme on le remarque, les commissions, dans leur grande précision, n'ont su donner le nom de Montgolfier qu'à une rue quelque peu éloignée du périmètre où eurent lieu les essais.

    Au moment de la première ascension, on doutait fort de son succès et de nombreuses épigrammes circulèrent. Le comte de Laurencin, qui devait être du voyage, reçut celui-ci:


    montgolfier_joseph.jpgFiers assiégeants du tonnerre
    Calmez cotre colère
    Eh ! ne voyez-vous pas que Jupiter, tremblant,
    Vous demande la paix par son pavillon blanc ?"


    L'hiver fort rigoureux avait par ailleurs plusieurs fois failli provoquer l'annulation du vol qui se déroula finalement devant 100 000 lyonnais. Cette première ascension faillit tourner mal pour les voyageurs, trop nombreux du Flesselles.. A l'intérieur, rien que du beau monde : auprès de Joseph Montgolfier, Fontaine, Pilastre de Rozier, le prince Charles de Ligne, le comte d’Anglefort , le comte de Laurencin, le marquis de Dampierre.

    Après 12 minutes de vol, une déchirure latérale apparaissant, Pilastre de Rozier lâcha du lest. Un passager affolé noya par erreur le foyer. « Le Flessellles » redescendit très vite et échoua piteusement dans les marécages des Charpennes. La montgolfière à moitié incendiée est irrécupérable : Dans la presse parisienne comme locale, l'événement fut salué (et raillé) par de nombreuses chansons. Cette première expérience lyonnaise valut cependant aux deux frères des lettres de bourgeoisie. Louis XVI anoblit les deux inventeurs et fit frapper une médaille en leur honneur.

    Lors de la seconde ascension (celle d'un aérostat nommé le Gustave, en raison de la présence du roi Gustave III de Suède), il n'y eut que deux voyageurs, M.Fleurant et une lyonnaise, Mme Tible, qui fut la première femme dans les airs.

    montgolfiere.jpg
    démonstration lyonnaise du 19 janvier 1784