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culture

  • Adamoli

    N’y a bien qu’ici qu’on a l'idée d'appeller cela une rue : s’agit en fait, comme beaucoup d’artères des pentes de cette colline d’une montée d’escaliers. Ou d’une descente c’est selon. Qui n’a pas même dix numéros d’immeubles de part et d’autres des marches. Pierre Adamoli fut baptisé à Saint Paul le 5 août 1707 à l’âge de deux jours. Il était issu d’une famille de marchands de soie et de banquiers italiens et fut de son vivant garde des ports des ponts et des passages de Lyon. Il s’occupa beaucoup de ce qu’on appelait alors « les antiquités lyonnaises », recherchant notamment le palais impérial des Césars qui, selon lui devait occuper tout le plateau de Fourvière.

    Bibliophile et numismate averti, il rassembla quantité d’ouvrages allant des premiers incunables jusqu’à ceux de son époque. Il tint toute sa vie un livre de raison à propos de sa bibliothèque, où il consignant descriptions, notes prix payé et prix estimé. A sa mort, le 5 juin 1769, ce célibataire légua (par acte signé en 1762) ses collections à l’Académie des sciences, Belles Lettres et arts de Lyon : six mille deux cent trente volumes ainsi que des manuscrits, un médaillier de 1016 pièces de monnaies (lesquelles disparurent pendant la période révolutionnaire) et une collection de tableaux. L’Académie s’étant gardée d’ouvrir le legs au public comme le testament l’avait stipulé, un procès s’en suivit avec les héritiers. La bibliothèque passa entre les mains de la ville en 1793 qui  entassa les volumes, tous marqués du même ex-libris, dans les caves du palais Saint-Pierre, puis regagna l’Académie en 1825. Depuis 1960 constitue « le fonds Adamoli » de la bibliothèque de la Part-Dieu (4227 volumes, très exactement, sur les 6230 initalement légués).

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    En raison d’une querelle à laquelle il prit part, le nom de Pierre Adamoli reste associé à une jambe de cheval en bronze qui fut retirée de la Saône par des nautoniers le 5 février 1766, alors que la rivière était basse et gelée près du confluent situé à l’époque à Ainay. On ne retrouva jamais le reste de la statue.

    Le 23 février 1963 un effondrement partiel des immeubles situés le long de la rue avait alerté les riverains en pleine nuit à l’endroit du chantier. Le maire Pradel prit alors la décision de consolider le sous-sol et de construire un mur de béton de soutènement, qui barre désormais totalement la rue et de raser un immeuble mitoyen pour le remplacer par ce qui est devenu depuis le square de la rue Magneval.  Serge Graveau situa l’action de son roman De l’or sous la Croix-Rousse (1) dans les arêtes en réseaux qui refont depuis peu parler d’elles à l’occasion du percement du tunnel de la Croix-Rousse dont l’entrée se situe selon lui « au centre du rectangle Adamoli ». Voici comme il décrit le paysage à l’époque : « Après le restaurant des Fantasques je constatai finalement que, dans le rectangle Adamoli, les travaux de démolition étaient fort avancés. Quelques pans de murs se dressaient encore sur le ciel révélant une mosaïque étrange et émouvante de papiers peints encore accrochés alors que planchers et plafonds avaient disparu. Ce mur multicolore, gardant suspendus à lui par endroits placards éviers cheminées une vieille gravure même, était comme un être surpris dans son inimité. »

     

     

    Serge Graveau De l’or sous la croix-rousse, Les presses universelles, 1975

  • Monseigneur Lavarenne

    Joseph Lavarenne naquit en la rue Saint-Jean à l'ombre de la primatiale, non loin de celle qui porte à présent son nom, le 25 septembre 1885. Son père artisan déménagea assez vite au coeur du quartier canut, rue des Capucins. C'est là qu'il composa ses premières poésies et, vers l'âge de douze ans, sa première pièce de théâtre qu'il intitula Pour un sou. Peu après, il intègre le séminaire de Verrières (Ain) puis d'Alix (Rhône); il étudie les lettres et se passionne pour les questions sociales, auprès de Marius Gonin avec le mouvement de la Chronique Sociale. Après son ordination, le 17 octobre 1909, il devient professeur au séminaire Saint-Jean jusqu'à ce que la guerre interrompe cette carrière naissante. On le retrouve alors brancardier. Après la victoire, il rédige de nombreux articles (qu'il signe Joseph des Verrières), s'intéresse au passé de la ville, son patois et au théâtre de Laurent Mourguet pour lequel il rédige plusieurs conférences et quelques pastiches.

    Conférencier, versificateur, homme de théâtre, cet abbé pour le moins original devient en 1930 secrétaire, puis président de la Propagation pourla foi. En 1932, sous le nom de Benoit Leregent, il rejoint à l'académie des Pierres Plantées ses amis Justin Godart, Pétrus Sambardier, Marius Audin. La même année qu'Henri Béraud qui, pour siéger, a choisi le pseudonyme de Pothin Ferrandier. Son indépendance d'esprit, son attachement au sol lyonnais, son humour et son érudition se retrouvent dans ses écrits, Gandoises et gognandises, Nous autres les gones, édités après sa mort survenue le 14 novembre 1949 à l'hôpital Saint-Joseph, en 1952 et 1953. Le premier est un recueil de récits truffés du vieux parler lyonnais cher à Puitspelu, le second une anthologie des conférences qu'il prononça à propos de Mourguet, Guignol et de l'esprit lyonnais. Notre langue lyonnaise, peut-on y lire, n'est pas seulement caractérisée par un certain nombre de mots savoureux. C'est un esprit. C'est une certaine façon de s'exprimer, tout à la douce, tranquillement, sans se presser, avec une finesse narquoise et trainante.

    Par décision du conseil municipal en date du 24 juillet 1950, l'ancienne rue des Prêtres (ainsi nommée car la plupart des prêtres de la cathédrale y possédaient leur domicile) devint donc la rue d'un seul. En 1953, un comité se mit en place pour élever un monument à la mémoire du prélat-humoriste. Le sculpteur Luc Maize réalisa une tête de bronze creux de celui qui, dans Chantecler Guignol, avait affirmé qu'un vrai lyonnais était un coeur incandescent sous une tête en bois. Le buste fut inaugurée le 13 juin 1954 et placée dans la cour d'honneur du palais Saint-Jean, avant d'être réinstallée face à la rue qui porte son nom en 2007.  Lors des travaux d'aménagement du parking Saint-Georges, les archéologues qui eurent loisir de fouiller la rue Monseigneur Lavarenne y découvrirent de nombreux vestiges (barques plates, outils, objets divers) attestant d'une activité portuaire le long de la Saône dès l'antiquité tardive.

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    La rue avait jadis porté le nom de rue Taverney, puis de la Pierre Percée, en raison d'un trou assez profond laissé par une potence enfoncée dans la cadette (nom donné autrefois aux trottoirs étroits). Durant la Terreur, elle avait également brièvement emprunté le patronyme d'un jacobin éxécuté par Chalier, un certain Riard.  L'astrologue Simon de Pharès avait logé dans cette rue au XVème siècle. Une sentence initiée par l'archevêque de Lyon et confirmée par le Parlement de Paris avait alors déclaré son art "mensonger, pernicieux, usurpant l'honneur de Dieu, corrompant les bonnes moeurs et inventé par les démons pour la perte des âmes".  Grâce à l'intervention du roi Charles VII, à qui il avait donné quelques leçons de magie, il put finir ses jours en paix.

  • Boucle (montée de la)

    C'est là que passait la grande route de Bresse, devant une hôtellerie très renommée sous le Premier Empire, qui portait le nom d'Auberge de la Boucle, en raison de la grande courbe que décrit le Rhône contre les balmes de Caluire. Le 10 avril 1805, en arrivant à Lyon, Joséphine et Napoléon furent accueillis place de la Boucle par l'un des maires (Parent) qui leur présenta les clés de la ville : un arc de triomphe avait été édifié, selon les plans de Chinard, Blanchard et Perlet.

    Au pied de la montée, qui est limitrophe entre Lyon et Caluire, il y avait un port sur le Rhône, le port du Noyer. A cet endroit, il y eut de nombreux ouvrages éphémères, ponts de bateaux, passerelles, en bois ou en acier, bacs métalliques, jusqu'à ce qu'on décidât, en 1898, de construire un pont véritable. De type métallique, il eut une silhouette inhabituelle, constituée de trois grandes arches aériennes reposant sur deux piles intermédiaires, il était bien dans le goût de la Belle Epoque et aurait mérité d'être classé, afin d'échapper à la pioche des démolisseurs municipaux qui, à Lyon, fut particulièrement destructrice au cours du vingtième siècle. Véritable dentelle de croisillons d'acier (voir ci-dessous), il était hélas aussi étroit (10m80, pour une chaussée de 5,40) qu'élégant et cette étroitesse causa sa perte.

    On le démolit en 1981 pour le remplacer par un ouvrage en béton aussi adéquat à la circulation automobile que grossier et laid, qu'on baptisa Winston Churchill , et nul ne sait si le célèbre anglais au cigare en fut honoré. Ce pont de la Boucle, qui avait traversé presque un siècle de vie lyonnaise, vécut donc moins longtemps que certains hommes : En 1878, un certain Gaspard Danguin, par exemple, qui exerçait le noble métier de dessinateur pour la fabrique et qui habitait la montée de la Boucle, y mourut centenaire. Sa montée de la Boucle, aujourd'hui, le pauvre ne la reconnaitrait sans doute en aucune manière; elle aussi a souffert du privilège accordé pendant des années à la circulation routière : Vers 1980, la charmante vieille rue est devenue une quatre voies de type autoroutier qui récupère par le cours d'Herbouville tous les véhicules en direction de Caluire, et a même changé de tracé.

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