Monseigneur Lavarenne
Joseph Lavarenne naquit en la rue Saint-Jean à l'ombre de la primatiale, non loin de celle qui porte à présent son nom, le 25 septembre 1885. Son père artisan déménagea assez vite au coeur du quartier canut, rue des Capucins. C'est là qu'il composa ses premières poésies et, vers l'âge de douze ans, sa première pièce de théâtre qu'il intitula Pour un sou. Peu après, il intègre le séminaire de Verrières (Ain) puis d'Alix (Rhône); il étudie les lettres et se passionne pour les questions sociales, auprès de Marius Gonin avec le mouvement de la Chronique Sociale. Après son ordination, le 17 octobre 1909, il devient professeur au séminaire Saint-Jean jusqu'à ce que la guerre interrompe cette carrière naissante. On le retrouve alors brancardier. Après la victoire, il rédige de nombreux articles (qu'il signe Joseph des Verrières), s'intéresse au passé de la ville, son patois et au théâtre de Laurent Mourguet pour lequel il rédige plusieurs conférences et quelques pastiches.
Conférencier, versificateur, homme de théâtre, cet abbé pour le moins original devient en 1930 secrétaire, puis président de la Propagation pourla foi. En 1932, sous le nom de Benoit Leregent, il rejoint à l'académie des Pierres Plantées ses amis Justin Godart, Pétrus Sambardier, Marius Audin. La même année qu'Henri Béraud qui, pour siéger, a choisi le pseudonyme de Pothin Ferrandier. Son indépendance d'esprit, son attachement au sol lyonnais, son humour et son érudition se retrouvent dans ses écrits, Gandoises et gognandises, Nous autres les gones, édités après sa mort survenue le 14 novembre 1949 à l'hôpital Saint-Joseph, en 1952 et 1953. Le premier est un recueil de récits truffés du vieux parler lyonnais cher à Puitspelu, le second une anthologie des conférences qu'il prononça à propos de Mourguet, Guignol et de l'esprit lyonnais. Notre langue lyonnaise, peut-on y lire, n'est pas seulement caractérisée par un certain nombre de mots savoureux. C'est un esprit. C'est une certaine façon de s'exprimer, tout à la douce, tranquillement, sans se presser, avec une finesse narquoise et trainante.
Par décision du conseil municipal en date du 24 juillet 1950, l'ancienne rue des Prêtres (ainsi nommée car la plupart des prêtres de la cathédrale y possédaient leur domicile) devint donc la rue d'un seul. En 1953, un comité se mit en place pour élever un monument à la mémoire du prélat-humoriste. Le sculpteur Luc Maize réalisa une tête de bronze creux de celui qui, dans Chantecler Guignol, avait affirmé qu'un vrai lyonnais était un coeur incandescent sous une tête en bois. Le buste fut inaugurée le 13 juin 1954 et placée dans la cour d'honneur du palais Saint-Jean, avant d'être réinstallée face à la rue qui porte son nom en 2007. Lors des travaux d'aménagement du parking Saint-Georges, les archéologues qui eurent loisir de fouiller la rue Monseigneur Lavarenne y découvrirent de nombreux vestiges (barques plates, outils, objets divers) attestant d'une activité portuaire le long de la Saône dès l'antiquité tardive.
La rue avait jadis porté le nom de rue Taverney, puis de la Pierre Percée, en raison d'un trou assez profond laissé par une potence enfoncée dans la cadette (nom donné autrefois aux trottoirs étroits). Durant la Terreur, elle avait également brièvement emprunté le patronyme d'un jacobin éxécuté par Chalier, un certain Riard. L'astrologue Simon de Pharès avait logé dans cette rue au XVème siècle. Une sentence initiée par l'archevêque de Lyon et confirmée par le Parlement de Paris avait alors déclaré son art "mensonger, pernicieux, usurpant l'honneur de Dieu, corrompant les bonnes moeurs et inventé par les démons pour la perte des âmes". Grâce à l'intervention du roi Charles VII, à qui il avait donné quelques leçons de magie, il put finir ses jours en paix.