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Ecrivains - Page 3

  • Rabelais

    Les séjours deFrançois Rabelais à Lyon ne se comptent pas. Il est probable que la première fois qu'il y vint, ce fut pour chercher un refuge : en 1524, le supérieur du couvent franciscain de Fontenay-le-Comte, où il était moine, lui créa de gros ennuis parce qu'il étudiait le grec. Son séjour le plus long fut celui qu'il fit à partir de 1531, durant lequel il édita chez Sébastien Gryphe, plusieurs ouvrages d'érudition, notamment les Aphorismes d'Hippocrate, d'après un manuscrit grec dont il avait eu connaissance à Montpellier. En 1532, il est nommé médecin au Grand Hospital du Pont du Rosne, avec des appointements de quarante livres par an. C'est alors qu'il fait paraître Pantagruel, au mois de novembre, chez Claude Nourry qui habitait près de N.D. de Confort. Il est obligé de quitter Lyon au début de 1535 et se réfugie auprès de son protecteur, l'évêque de Maillezais.

    On raconte qu'alors, frappé de fâcheuse impécuniosité au moment de se rendre à Paris, Rabelais imagina l'expédient suivant : il fit écrire par un enfant des étiquettes placées sur des sachets, portant les mots : poison pour le roi, poison pour la reine, poison pour le dauphin. Dénoncé par ses soins, il fut arrêté et conduit à Paris devant le roi au frais de l'Etat. Il se disculpa aisément alors en avalant le contenu parfaitement inoffensif des trois sachets. Véridique ou non, l'histoire a longtemps circulé sous le nom du quart d'heure de Rabelais, pour souligner l'art de se tirer d'affaire sans bourse délier.

    Troisième et dernier séjour en 1538. Il a conquis entre temps ses grades universitaires, il est docteur et fait à Lyon sa célèbre leçon d'anatomie sur le cadavre d'un pendu. Mais il est stupidement inquiété par le cardinal de Tournon qui songe le faire emprisonner et doit fuir une fois de plus précipitamment.

    En 1855, on donna à une rue de la Paix, sise dans le troisième arrondissement,  le nom de François Rabelais. Certains s'émurent que cette rue se trouvât loin de l'Hôtel Dieu, mais la commission de l'époque fit valoir que François Rabelais étant davantage honoré en tant qu'écrivain national que médecin, cette proximité n'avait nulle importance.

    Aux alentours de 1880 on trouvait encore un cabaret au nom pittoresque au 31 de la rue de Maîstre Alcofribas Nasier, "Le Guignol ronflant". En voici une description faite par le journaliste lyonnais Bernard Frangin (Bistrots de Lyon, histoire et légende) : « Assassins et filles s'y réfugient dès potron-minet pour se refaire de leurs méfaits nocturnes. Le tavernier, un certain Roux, leur compte un sou de l'heure pour dormir devant une table. A l'entrée, un judas invisible permet d'ouvrir la porte aux seuls habitués montrant patte blanche. L'arrière-cour abrite un puits bidon, autorisant une fuite discrète et rapide au cas de descente de police inopinée. Cela sous couvert d'une réclame de bon aloi : Café-restaurant - cuisine ménagère à emporter- on vend à la portion ».

    L'enseigne du Guignol endormi n'est donc évidente que pour les seuls initiés.
    Aujourd'hui, rien n'est plus banal que cette rue dont on songe, en la parcourant, que le maître des lieux et sa dive bouteille auraient mérité une artère autrement divagante : ces façades bourgeoises, alignées sans la moindre originalité, et où s'abritent les notables, n'ont en effet que peu de choses à voir avec celui qui écrivit « je ne construis que pierres vives » et nous offrit tant de mots célèbres, bons et truculents. A lui, donc, le mot de la fin :

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    Le grand Dieu fit les planètes et nous faisons les plats nets.

    (François Rabelais / Pantagruel / 1532)

  • Auguste Bleton

    « Je fais simplement partie de ces promeneurs errants que parfois l’on rencontre  - surtout dans nos anciens quartiers – et qui s’en vont, laissant vaguer leurs pas et trotter leur imagination, admirant la vieille cité jusque dans ses verrues et vivant, pour une heure, dans un passé qu’ils évoquent avec plaisir.

    A  ceux qui auraient le goût de ces excursions mais qui hésitent à les accomplir seuls ; à ceux qui, les ayant faites, ne seraient pas fâchés de savoir ce que pense un autre et de relever dans ses dires quelque erreur ou quelque énormité, j’offre de cheminer ensemble à travers Lyon. Nos voyages ne seront ni longs ni dangereux, et d’ailleurs, Monsieur ou Madame, il ne tiendra qu’à vous de m’abandonner en route, pour peu que mes racontars vous soient à charge. »

     

    Ces propos, signés du pseudonyme de Monsieur Josse, auraient pu servir de préambule à ce blogue lui-même, tant son auteur s’y retrouve. C’est à Pierre-Auguste BLETON (1834-1911), lyonnais de bonne mémoire à qui a été attribuée une partie de l'ex-rue Deschazelles, sur le plateau de la Croix-Rousse,  qu’il convient pourtant de les rendre.

    Pierre-Auguste Bletonn joailler de formation, s'illustra dans la belle profession de rédacteur au Courrier de Lyon, à partir de 1884, puis  à Lyon Républicain en 1888. Il fut connu en France comme membre du conseil supérieur de la Mutualité. En 1885, il est devenu membre de l'Académie du Gourguillon, sous le pseudonyme évocateur et par lui choisi de Mami Duplateau. Il a laissé de nombreux ouvrages intéressant l'histoire lyonnaise :


    - Petite histoire populaire lyonnaise, Palud, 1885
    - Le peintre Gaspard Poncet, Storck, 1894
    -Tableau de Lyon avant 1789, Storck, 1894
    - Lyon pittoresque, illustrations de Drevet, Bernoux & Cumin, 1896
    - L'Ancienne Fabrique de soierie, Storck, 1897


    Enfin, sous  le pseudonyme de Monsieur Josse, pseudonyme que l’auteur de ce blog  ainsi que quelques-uns de ses amis, affectionne particulièrement, il a écrit deux ouvrages remarquables,  dans un genre qui faisait flores à la fin du dix-neuvième siècle : la promenade documentaire, archéologique & pittoresque à travers les rues ; monsieur Josse appelait ceci faire ses tournées hebdomadaires, en effet, ces errances digestives et de haute tenue tant morales qu'intellectuelles, étaient essentiellement dominicales. On ne dira jamais assez à quel point Lyon est une ville faite pour la marche. Voici donc le nom de ces deux ouvrages que la maison conseille vivement à tous ses visiteurs, cela va sans dire :


    - A Travers Lyon, illustrations de Drevet, Dizain & Richard, 1889
    - Aux environs de Lyon, Dizain et Richard, 1892

     

     

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    Page de titre gravée par Joannès Drevet (1854-1940) dans Auguste Bleton, Lyon pittoresque, avec une préface de M. Coste-Labaume, Lyon, Bernoux et Cumin, 1896, illustré de 5 eaux-fortes, 20 lithographies et 300 dessins à la plume par Joannès Drevet. (Collection Bibliothèque municipale de Lyon, Rés 156436.)

  • Morellet

    On a donné à cette rue du sixième arrondissement le nom du philologue et littérateur abbé Morellet, né à Lyon le 7 mars 1727, dans une famille de marchand papetier, au sein de laquelle il fut l'ainé de quatorze enfants. Élevé chez les jésuites, il se passionna très tôt pour l'écriture et la rhétorique, auprès de son régent, l'abbé Fabri. A l'âge de quatorze ans, son père l'envoya au séminaire des Trente Trois à Paris pour achever ses études. Au début de sa carrière, dans les années 1750, l'abbé Morellet est séduit par les idées audacieuses des Lumières. Il collabore à l'Encyclopédie (articles Fils de Dieu, Foi, onomatopée, gomariste ...) et fréquente Turgot, M de Malesherbes, Diderot, d'Alembert.

    1654967105.jpgA la mort du pape Benoit XIV, il part à Rome pour assister au conclave qui s'y tient. C'est là qu'il découvre et traduit Le Manuel des Inquisiteurs de Nicolas Eymerich, qui parut en 1762. De retour à Paris, il réintègre la vie mondaine et le cercle des philosophes, où Voltaire le surnomme "l'abbé Mords-les" Après avoir assisté à la première de la fameuse comédie des Philosophes de Palissot (dont Diderot parle dans Le neveu de Rameau), il écrit une violente diatribe contre l'auteur, ce qui lui vaudra deux mois de Bastille en été 1761. Mois qu'il mit à profit en fréquentant assidument la bibliothèque de la Bastille. Outre quatre-vingt dix romans survolés, il lut alors Les Essais philosophiques de Hume, Tacite en entier et deux fois Agricola. Au livre X des Confessions, Jean Jacques Rousseau donne quelques détails de cette aventure. Effrayé par les événements révolutionnaires, Morellet gagne ensuite le parti de la réaction.

    Sa nièce, Madame Chéron, a pu animer grâce à lui et à ses réseaux un véritable cercle littéraire à Lyon. Il a eu de véritables querelles avec certains de ses contemporains, notamment Geoffroy et Grimm. Il fut reçu à l'Académie Française le 28 avril 1783. Lorsque l'Académie ferma, en 1792, c'est lui qui sauva les registres de délibérations, le manuscrit du Dictionnaire et les titres de la Compagnie, qu'il remit, en 1803, à l'Institut : cela vaut bien une plaque de rue !

    « Arrivé à l'âge de soixante-dix ans, et une époque où je ne suis plus très éloigné du terme de ma carrière, que les troubles au milieu desquels nous vivons peuvent d'un moment à l'autre abréger encore, je veux profiter du temps qui me reste pour jeter un coup d'œil en arrière sur le chemin que 'ai fait dans la vie, me rappeler les obstacles que j'y ai rencontrés, les moyens qui m'ont aidés quelquefois à les vaincre, les liaisons que j'ai formées, le caractère des hommes de quelques valeur que j'ai connus, les affaires de quelque importance publique auxquelles j'ai pris une faible part, enfin les événements de ma vie privée, et l'ordre de mes travaux littéraires. »  C'est ainsi que débutent les Mémoires de l'abbé Morellet, littérateur et religieux insolite, qui ne parurent qu'en 1821.

    L'abbé Morellet s’est éteint à Paris, le 12 janvier 1829