Général Sève
La rue Général de Sève, au coeur du quartier des tisseurs, à la limite entre le premier arrondissement et le quatrième rappelle le souvenir d'un être d'exception qui fut peut-être le plus courageux et le plus indiscipliné de tous soldats de la Grande Armée. Fils d'un tondeur de drap marié à une brodeuse, petit fils d'un paysan du Bugey, il naquit à Lyon un 11 (ou 19 ?) mai 1788. Sa vie laissa à ses biographes le souvenir d'un roman. Il s'engagea très tôt dans la Marine, combattit à Trafalgar, s'engagea ensuite dans un régiment de hussard et participa aux campagnes napoléoniennes : Italie, Allemagne et Russie (1812-1813). Il eut plusieurs fois son cheval tué sous lui, notamment à la Bérézina. Lorsque Napoléon l'appela afin de lui remettre la Légion d'Honneur, Sève lui dit : "Si Votre Majesté n'avait pas autre chose à le mire, ce n'était pas la peine de me déranger." Et, lui tournant le dos, il laissa l'Empereur et son entourage suffoqués.
Après le départ de Napoléon à Sainte Hélène, la Restauration -Louis XVIII- ne lui apporta rien de bon. Il démissionna de l'armée, reprit sa démission, demanda "la jouissance de la demi-solde...", sollicita de ses supérieurs l'autorisation de se marier. Il prit à bail une ferme, se lança dans le commerce de location de chevaux et voitures. Il eut des ennuis avec son propriétaire qui l'expulsa. Il fit des dettes ... Enfin un jour après avoir liquidé ses quelques biens, il partit pour Lyon accompagné d'une jeune modiste, Eulalie Virginie Champy.
Mais la famille ne réserva pas à cette fiancée l'accueil que Joseph espérait. Il trouva alors dans la fuite le remède à sa situation et partit s'installer à Milan comme représentant d'une maison de commerce lyonnaise. On le retrouve un peu plus tard en train de se présenter, sur la recommandation du Comte de Ségur, comme Colonel Sève, à Méhémet Ali, alors vice-roi en Egypte. Celui-ci voulait créer une armée et une flotte. Il plaça l'ancien membre de la Grande Armée, pour cette mission, aux côtés de son fils Ibrahim.
Au début de son séjour en Egypte, les mamelucks projetèrent de l'assassiner. Lors d'un tir, ils tournent leurs armes contre lui, et le manquent. Le Général alors se précipite sur eux, les frappent de sa cravache, leur reprochant de manquer un homme de si près ! Et leur ordonne de recommencer : une telle témérité enthousiasma ses hommes et il les conquit à jamais.
Grâce à une flotte bien équipée, cette armée nouvelle va se retrouver en Grèce (1824-31), pour affronter les Turcs qui se retireront vers les Dardanelles. Elle conquerra le Péloponèse. Puis, après avoir été décimée par le choléra et s'être retirée à son tour, elle s'élancera, en 1832, dans une campagne contre le Pacha d'Acre en Palestine. Elle investira Alep et remportera la victoire de Konia. Enfin en 1839 ce sera la victoire de Nezib sur les troupes turques, victoire capitale qui fut un tournant dans l'histoire de l'Égypte. Au fur et à mesure des années, Joseph Sève se convertit à l'Islam, prit le nom de Soliman. Il épousa Sidi Maria Myriam Hanem appelée "la Grecque" qu'il avait enlevée à un commerçant du Péloponèse. Elle lui donna trois enfants : deux filles, Nazli, l'aînée, grand mère de la reine Nazli mère du roi Farouk, Aasma et un garçon Mahadi. C'est ainsi que le général Sève fut, sous le nom de Soliman Pacha l'arrière grand-père maternel du roi Farouk. Il s'éteignit au Caire le 12 mars 1860, terrassé par une crise de rhumatisme aigu. Il fut inhumé dans un mausolée, qu'on peut voir dans le quartier dit "Vieux Caire", érigé sur ordre de son gendre Mohamed Pacha Cherif, à la demande de son épouse Myriam qui, elle, devait décéder bien plus tard, en 1896. La photo est de Nadar (vers 1850)
Pour suivre : un site consacré à Soliman Pacha.