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poèmes

  • Pierre Dupont

     « Quand j’entendis cet admirable cri de douleur et de  mélancolie (Le chant des ouvriers, 1846), je fus ébloui et attendri. Il y avait tant d’années que nous attendions un peu de poésie forte et vraie (…) Il est impossible, à quelque parti qu’on appartienne, de quelques préjugés qu’on ait été nourri, de ne pas être touché du spectacle de cette multitude maladive respirant la poussière des ateliers, avalant du coton, s’imprégnant de céruse, de mercure et de tous les poisons nécessaires à la création des chefs-d’œuvre, dormant dans la vermine, au fond des quartiers  où les vertus les plus humbles et les plus grandes nichent à côté des vices les plus endurcis …» C’est Baudelaire qui écrivit ceci, dans l’un des deux articles qu’il consacre au lyonnais Pierre Dupont sans sa Critique Littéraire. 

     

    La rue Pierre Dupont, dans le 1er arrondissement de Lyon,  est parallèle au boulevard de la Croix-Rousse, du cours du général Giraud à la rue des Chartreux. Avant d’être dédiée au poète chansonnier du dix-neuvième siècle, l’un de ses tronçons portait le nom du Cardinal Fesch, oncle de Napoléon Ier qui fut archevêque de Lyon, l’autre le nom de « clos des Chartreux », en raison du domaine qui jouxtait la rue.

    Pierre Dupont vécut cinquante ans, de 1821 à 1871. Il avait perdu sa mère à quatre ans. Son père, forgeron, fut tué pendant l’insurrection lyonnaise de 1831. Son parrain,  qui était prêtre, prêtre fit parachever son éducation au séminaire de Largentière. Au sortir de la maison religieuse, Dupont entra dans la canuserie, où il fut apprenti. Puis il devint employé de banque et, grâce au soutien d’un académicien, obtint un poste à la rédaction du Dictionnaire. Il commença à écrire très jeune, une œuvre qui se décompose en trois : des chants rustiques, des chants ouvriers, et quelques poèmes philosophiques ; l’écriture de Dupont, pour paraphraser Baudelaire, est hantée par deux secrets, qui sont les clés de sa fortune d'alors, et celles aussi de l'oubli dans lequel il est tombé à présent : « la joie et le goût infini de la République ».

    On raconte qu’encore jeune, Pierre Dupont se rendit place Royale pour rencontrer Victor Hugo. Comme ce dernier était absent, il lui laissa sa carte sur laquelle il crayonna les vers suivants :

    « Si tu voyais une anémone

    Languissante et près de périr,

    Te demander, comme une aumône,

    Une goutte d’eau pour fleurir ;

     

    Si tu voyais une hirondelle

    Un jour d’hiver te supplier,

    A ta vitre battre de l’aile,

    Demander place à ton foyer,

     

    L’hirondelle aurait sa retraite,

     L’anémone sa goutte d’eau !

     Pour toi, que ne suis-je, ô Poète,

    Ou l’humble fleur ou l’humble oiseau. « 

    Gounod lui trouvait une voix remarquable et s’étonna qu’il ne connût rien à la musique. A quoi Dupont répondit qu’il était heureux de n’y rien connaître, et qu’il ne tenait pas à l’apprendre. Une date, dans sa vie, a été un moment charnière : celle de février 1848, dont son Chant des Ouvriers devint l’hymne. Il mourut l’année même de la consécration définitive de cette dernière, après avoir, de 1848 à 1870 traversé le règne de Napoléon III en ardent républicain. A cause de ses aspirations socialistes, il avait été condamné pour sept années à la déportation après le coup d’Etat de 1851 et avait dû sa grâce à quelques puissants admirateurs, ainsi qu’à l’allégeance qu’on le força de prononcer envers le nouveau régime. Pour toute sa génération, Pierre Dupont, fut, digne successeur de Bérenger, le talentueux chansonnier du petit peuple, le chantre militant de la République. Jusqu’à la guerre de 14, et au gigantesque fossé d’oubli qu’elle creusa entre un avant et un après, une romance à la Dupont, c’est ce qui accompagnait les hommes, des fêtes données pour leur baptême, à celles données lors de leur enterrement, en passant par les banquets de mariage.  Dupont laissa  la réputation d’un solide bon vivant, qui  buvait comme un héros antique. « Les vieux de Vaise, relate Louis Maynard dans son Dictionnaire des Lyonnaiseries, ont longtemps conservé le souvenir de beuveries qui duraient plusieurs jours et plusieurs nuits. » Béraud, dans sa Gerbe d’Or, rappelle avec verve la façon dont son père boulanger, républicain passionné, ténorisait du Dupont au pétrin, dans une page de son récit d'enfance que traverse, de part en part, la gaieté.

     

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    On a, depuis, oublié Pierre Dupont et sa philosophie simple. En voici quelques couplets :

    Rêve, paysan, rêve :

    Entends la semence qui lève,

    Regarde tes bourgeons rougir,

    Et comme tes enfants grandir :

    C’est l’avenir !

    (Le Rêve du paysan)

     

    Aimons-nous, et quand nous pouvons

    Nous unir pour boire à la ronde,

    Que le canon se taise ou gronde,

    Buvons, buvons, buvons,

    A l’indépendance du monde !

    (Le chant des ouvriers)

     

    Alerte, imprimeurs !

    Inondez  de lueurs

    Le monde qui tâtonne ;

    Faut-il que le flambeau

    Reste sous le boisseau ?

    Non, il faut qu’il rayonne !

    ( L’imprimerie)

     

    Gouttes d’eau, filles du nuage,

    Filtrez à travers le feuillage

    Sur l’étang attiédi,

    Car ma mie au gentil corsage,

    Aux pieds blancs, au rose visage,

    Y vient sur le midi.

    ( Midi )

     

    Des deux pieds battant mon métier,
    Je tisse, et ma navette passe,
    Elle siffle, passe et repasse,
    Et je crois entendre crier
    Une hirondelle dans l’espace.

    ( Le Tisserand)

     

    Aux armes, courons aux frontières,

    Qu'on mette au bout de nos fusils

    Les oppresseurs de tous pays

    Les poitrines des Radetskis !

    Les peuples sont pour nous des frères,

    Et les tyrans, des ennemis.

    ( Le chant des Soldats)

    

    Le 20 octobre 2010 à 20h 30, au cinéma Saint-Denis (grande rue de la Croix-Rousse), Jean Butin et Gérard Truchet donneront une conférence en chansons sur la vie trop oublié de ce chansonnier.

     

  • Louis Pize

    Le 23 mai 1983 était inaugurée la rue Louis Pize à la Croix-Rousse, non loin des cimetières (ancien et nouveau). Elle honorait un poète ardéchois né le 18 mai 1892 à Bourg-Saint-Andéol, petite ville située en bordure du Rhône. Son père exerçait la profession d’inspecteur de l’enregistrement. Il mourut en 1903, alors que le jeune Louis n’avait que onze ans. Brillant élève au lycée Gabriel Faure de Tournon sur Rhône en Ardèche, il s’installe en 1909 avec sa mère et sa sœur à Lyon. Inscrit à la faculté de droit, il obtient une licence mais demeure plus attiré par les Lettes. Il publie en 1913 son premier recueil de poèmes, pour lequel il reçoit les félicitations de Francis Jammes. Blessé à Saint-Dié (dans less Vosges)  durant la guerre de Quatorze, il est décoré de la Croix-de Guerre.

    En 1922, il se marie avec G. Ricard et abandonne le droit pour se tourner vers l'enseignement. Il devient alors professeur de Lettres classiques à l'Externat St-Joseph de la rue Sainte-Hélène à Lyon en 1924. Louis Pize est auteur d’une pièce de théâtre d’ouvrages historiques et touristiques, mais surtout de recueils de poèmes Élu membre de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon, il en devient président en 1964. Avec Charles Forot, il participe à la création des Editions du Pigeonnier à Saint-Félicien. A sa retraite, celui que ses amis appelaient le « Virgile du Vivarais » se retire dans sa maison de Saint-André-en-Vivarais. Il s'éteint le 4 septembre 1976. Il aura collaboré à de nombreuses revues dont La Revue du Vivarais, La Revue des Deux-Mondes, Le Mercure de France.

    La poésie de Louis Pize est de facture classique. Parmi les recueils importants qu’il a écrits, on peut signaler :

    • La Couronne de Myrte. Les Essaims nouveaux et chez Emile Paul (1919).
    • Les Pins et les Cyprès. Garnier, Paris (1921). Prix Villard, du Conseil Général de l'Ardèche.
    • Les Feux de Septembre. Garnier, Paris (1931). Prix Emile Blémont de la Maison de Poésie.
    • Le Bois des Adieux (1949). Editions I.A.C. Lyon-Paris. Prix Alfred Droin, de la société des Gens de Lettres.
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