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Imprimeurs

  • Jean de Tournes

    Jusqu'en 1863, c'était la rue Raisin, en raison de l'enseigne d'une vieille imprimerie. Le fameux Jean de Tournes (1504, 1564), originaire de Noyon, et d'abord élève de Sébastien Gryphe, fonda au n°7 de cette rue une dynastie d'imprimeurs de renommée. Son atelier se trouvait alors « à l'enseigne des deux Vipères ». Sa devise était : « Quod tibi fieri non vis, alteri ne feceris » Jean de Tournes avait également une autre marque : un ange debout, avec cet anagramme de son nom : Son art en Dieu. Il y publia notamment les poésies de Louise Labé ainsi que les œuvres de son amie Pernette du Guillet. Il laissa en mourant une partie de sa fortune aux pauvres de Lyon. En 1585, son fils Jean II fuit la ville et alla s'installer à Genève, où Jean III prit sa succession. Ce n'est qu'en 1727 que les petits-fils de ce Jean III (Jean et Jean-Jacques) rouvrirent une imprimerie à Lyon. Le peintre Trimollet, plus tard habita rue Raisin.

     

     
    Il serait indécent de quitter la rue Jean de Tournes sans évoquer l'ombre de Marius Guillot dont le bistrot Au Mal Assis fut lui à seul une légende. Dans son Histoire des bistrots de Lyon, le journaliste disparu Bernard Frangin explique qu'une évidence s'impose : « Le premier bistrotier, ni dans le temps ni dans l'espace, mais dans le prestige, fut Marius Guillot, le débonnaire dictateur du Mal Assis de la rue Jean-de-Tournes, l'étoile polaire vineuse de ce milieu de siècle » (il parle du vingtième, bien entendu). Portant de grosses lunettes d'écailles, les manches toujours retroussées quand il n'était pas en polo, Marius régnait tel un Jupiter sur un Olympe de marbre : Frangin raconte qu'un jour, Yves Montand poussa la porte et demanda s'il pouvait manger. Il s'entendit répondre : « On ne sert que les amis ».

     L'endroit était le temple de la charcuterie chaude. Au mur figuraient des cadres de tous genres. Le plus original était sans doute une tranche de jambon millimétrique sous verre, que Me Floriot avait envoyé de Genève, tranche sous laquelle était écrit : « Tu es battu. J'en ai trouvé un qui coupe encore plus fin que toi! ». Tous les artistes aux Célestins en tournée passaient par le Mal Assis. Francis Blanche et Pierre Dac y répétèrent leur numéro de transmission burlesque, avant de l'enregistrer au Palais d'Hiver. En 1934, Marcel Grancher, l'écrivain lyonnais, écrivit un roman sur ce bistrot aussi surréaliste que fou où se retrouvèrent, de Jean Louis Barrault à Fernand Raynaud - adepte du Morgon de Marius, tous les artistes de passage. La rue Jean de Tournes y devient la rue de la Teinturerie, Marius, Pétrus. Etonnant roman. C'est dans ce roman que Grancher laisse tomber cette phrase prémonitoire : « D'ici cinquante ans, Lyon sera une ville dans le genre de Bruges... »

    La vitrine du Mal Assis était une immense volière où trônaient ce que le patron appelait « ses perchoirs à musique ». On vous servait à boire, assis sur des tonneaux posés sur la tranche (d'où le nom du lieu). Les notes de Marius étaient non détaillées et ne comportaient que deux lignes : une pour le liquide, une seconde pour le solide; tradition de la maison. Lorsqu'il vendit son local, sa serveuse devint cuisinière à Saint-Georges-de-Reneins. Marius s'y rendait souvent.

    « Un samedi soir, écrit Bernard Frangin,  rangea sa voiture sur le parking et en traversant la route, fut renversé par un chauffard qui tua ce jour-là une partie de l'âme du bistrot lyonnais. »

     

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    devise de Jean de Tournes, le fondateur.

    (trad : "Ce que tu ne veux pas qu'on te fasse, ne le fais pas à autrui")

  • Eugène Pons

    770988719_L.jpgEugène Pons est une grande figure de la Résistance catholique lyonnaise. Il naquit à Saint-Etienne le 15 mai 1886 et mourut en Allemagne, au camp de Neuengamme, le 24 février 1945, à l’âge de 58 ans. La montée qui porte son nom relie les quais du Rhône au plateau de la Croix-Rousse, dans le quatrième arrondissement.

    En 1903, Pons avait adhéré au Sillon, un mouvement catholique créé par Marc Sangnier. Aventure hardie, menant un combat sur deux fronts contre les défenseurs de l’Église dans l’ensemble conservateurs et nationalistes, et les réformateurs sociaux anticléricaux. Après avoir servi à Salonique durant la première guerre mondiale, Pons devint comptable dans une fabrique de parapluies, puis dans une entreprise de fruits et légumes. Après sa rencontre avec Victor Carlhian, il prit la gérance d’une imprimerie de vingt salariés nommée La Source et  installée au 21 de la rue Vieille Monnaie (actuelle rue René Leynaud). A partir de 1941, Pons y fabriquera des tracts pour la Résistance ainsi que des faux papiers ; les premiers numéros des Cahiers du Témoignage chrétien sortirent peu après de ses presses, ainsi que Franc-Tireur, Combat, La Marseillaise

    Il est arrêté le 22 mai 1944 par la Gestapo avec un de ses employés, Charles Lang. Après Montluc, les deux hommes sont transférés au camp de Neuengamme où il meurt d’épuisement.

    L’un de ses fils, Marcel Pons, qui fut l’aumônier du collège Mourguet à Ecully, a consacré un ouvrage à la mémoire de son père.

  • Rouville

    Le nom donné à cette place est un hommage rendu à la mémoire de l'Imprimeur Guillaume Roville (ou Rouille - en tous cas Rouville est une erreur), bienfaiteur des hospices de Lyon. Il naquit à Tours vers 1518 et s'établit à Lyon en 1546, pour épouser la fille de Sébastien Gryphe, dont il sera question dans un prochain billet. Des gravures sur bois donnèrent à ses éditions un intérêt tout particulier : Parmi les ouvrages sortis de ses presses, on peut citer :

    - Les oeuvres de Clément Marot (1546)
    - Le Décaméron (1565)
    - Une Bible en latin (1569)

    Roville a écu au temps où les hommes n'avaient pas de codes, mais des devises. La sienne, c'était : « In virtute et fortuna ». Sobre et précis, on le voit. Le biographe de Roville rajoute que c'est lui qui créa à Lyon le premier Institut de botanique, avec jardins, dessinateurs, graveurs... Rue Mercière, Roville possédait quatre maisons. Celle qu'il habitait et où se trouvait son imprimerie portait comme enseigne "L'écu de Venise". Les trois autres étaient ainsi désignées : L'Ange, le Phénix, la Toison d'Or. Il mourut en 1589 et fut inhumé au monastère des Célestins. Dans son testament, il exigea que ses revenus soient accumulés par périodes de cinq ans, puis distribués, parmi ses descendants, aux cinq qui seraient les plus pauvres.

    La place qui porte le nom écorné de Rouville, fut ouverte sur un terrain vendu à la ville en 1838 par le riche teinturier Gonin. On venait d'y bâtir un immeuble célébrissime à Lyon, car il domine la place et on voit fort bien du centre-ville sa façade aux 365 fenêtres, une par jour de l'année. Cet immeuble connu sou sle vocable de "maison Brunet", est emblématique des constructions faites pour les canuts au début du XIXème siècle. Il a été construit sur le modèle du calendrier, avec 7 étages comme sept jours par semaine, 52 appartements comme le nombre de semaines dans l'année, 4 entrées comme 4 les saisons. Le 22 novembre 1831, les insurgés s'y retranchèrent et livrèrent une vive bataille contre les troupes montant par la rue de l'Annonciade. Devant la maison Brunet, un triangle végétal ou le nom ROUVILLE est inscrit en lettres de fleurs s’étale sur la surface de la place. Les fleurs changent selon les saisons.

    La photo de l'immeuble, ci-dessous, est de D Valot. Pour finir je dirai que de ce point de vue on dispose d'une des plus belles vues de Lyon, avec une vue plongeante sur la Saône encaissée et la colline de Fourvière, ainsi que les toits de la vieille ville jusqu'à Saint-Nizier.

    MaisonBrunet_IMG_1016.jpg

  • Sébastien Gryphe

    Le nom du comte de Chabrol, préfet du Rhône en 1815, avait d'abord été attribué à cette rue du septième arrondissement de Lyon. En juillet 1879, elle reçut celui de l'imprimeur wurtembergois Sébastien Gryphe. Né en Souabe, à Reutlingen, vers 1492 (date approximative), le maître-imprimeur est attiré vers Lyon par les membres de la grande Compagnie des Libraires et s'y établit en 1524 en épousant la fille d'un imprimeur, Françoise Miraillet, pour y mourir en 1556. A présent, ses éditions, tant françaises que latines, sont des pièces de musées. Ayant d'abord travaillé à Venise, où il latinisa son nom de Sébastian Greiff en Griphius, il avait amassé un pécule suffisant pour acquérir des caractères italiques et romains de qualité. Il publia Erasme, Politien, More, les éditions complètes de Marot...

     En tout, 1500 éditions en 32 ans. C'est lui qui révéla les Aphorismes selon Hipocrate d'un certain François Rabelais. Il fut par ailleurs l'éditeur attitré des juristes et des avocats. Son officine devient du même coup un lieu de rencontre et parfois le foyer d'un monde lettré.

    Il est curieux qu'on ait relégué Sébastien Gryphe dans le septième arrondissement, loin de sa rue Mercière, où le maître imprimeur forma des éditeurs célèbres comme Etienne Dolet ou Jean de Tournes. Sa marque consistait en un griffon sur un demi-cube, lié par une chaîne à un globe ailé, avec cette devise : Virtute duce comite fortuna (empruntée à une lettre de Cicéron à Munatius Plancus). Son fils Antoine lui succéda mais se ruina assez rapidement. Son épitaphe fut composée par Charles Fontaine, un poète parisien :


    La grand'Griffe qui tout griffe
    Ha griffé le corps de Gryphe
    Le corps de Gryphe, mais
    Non le loz, non, non, jamais !


    Je place en lien ici un remarquable mémoire de recherche réalisé par quatre étudiantes sur la production de Gryphe, en 1538 et 155. CI dessous, la "griffe" de Gryphe (son enseigne se nommait L'écu du Griffon) :

     

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