Jean-Baptiste Say
On se demande bien ce que fout cette rue en plein fief des canuts ! Parallèle en l’une de ses extrémités au tunnel routier (l’ancien tunnel de la ficelle de la rue Terme), juste en face de l’ancienne gare de la Croix-Rousse, elle rejoint à angle droit la montée des Pierres Plantées pour se jeter dans la rue du Général Sève. On se le demande parce que le dénommé Jean Baptiste Say (1767-1832), fut davantage un théoricien politique au service des marchands-fabricants qu’au service des canuts. Disciple et vulgarisateur de la doctrine d’Adam Smith, il naquit le long du Rhône, dans une famille protestante d’origine genevoise, quai Saint-Clair, le 15 janvier 1767. Son père ayant fait faillite en 1783 dut s’expatrier à nouveau et rejoignit Paris. En compagnie de son frère Horace, Jean-Baptiste se rendit à 19 ans en Angleterre ou, pendant deux ans, il put observer « les bienfaits » (ou les méfaits, c’est selon) du libéralisme à l’anglaise, à l’œuvre notamment dans les manufactures. Assez opportuniste durant la Révolution, on le voit s’engager et se retirer à temps des divers clubs, dont les Girondins, pour garder la tête sur les épaules. Proche de Napoléon durant le Directoire, il s’en écarte en 1803, alors que parait son Traité d’économie politique ou simple exposition de la manière dont se forment, se distribuent et se consomment les richesses. Say est considéré comme un théoricien efficace. La loi qui porte son nom postule que toute offre engendrant une demande, le marché s’autorégule lui-même si on le laisse libre d’être sa propre loi et sa propre éthique : « Plus les producteurs sont nombreux, et plus les productions sont multiples, plus les débouchés sont faciles » Il écarte l’idée que des crises de surproduction (ou de sous-consommation) puissent advenir, contrairement à son contemporain Thomas Malthus (1766-1834) qui réfute avec fermeté cette vision optimiste. Say est l’un des pionniers de l’économie de l’offre, contraire de l’économie de la demande, que défendra, à l’opposé, Keynes. On doit à Jean-Baptiste Say la division tripartite qui est restée classique : production, répartition, consommation.
Est-ce un hasard si ce sont les autorités impériales (la mairie centrale ayant été supprimée) qui lui donna un nom de rue durant la période du développement économique des manufactures à Lyon ? De nombreux lycées et écoles de commerces (il participa à la fondation de l'École Spéciale de Commerce et d'Industrie qui devint par la suite l’ESCP Europe) portent son nom. C’est pour lui que fut créée, peu avant sa mort, la première chaire d’économie politique du Collège de France. Say fut par ailleurs un dramaturge médiocre qui laissa quelques pièces à présent oubliées : Le Tabac narcotique et Le Curé amoureux. Ci-dessous, son effigie tel qu’il apparait sur l’un des balcons du deuxième étage de la fresque des Lyonnais célèbres, à l’angle du quai Saint-Vincent et de la rue de la Martinière. Et sur le blogue Certains Jours, une belle divagation poétique autour du nom de Jean-Baptiste Say, sur le mode Jacques a dit.