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Les Rues de Lyon - Page 11

  • Belfort

    Cette rue située au cœur du plateau de la Croix-Rousse a successivement porté les noms de rue du Chapeau Rouge (en mémoire d'une enseigne) et de rue Saint-Vincent de Paul, de 1855 à 1871. Elle reçut en 1871 son nom actuel en raison de l'héroïque défense de Belfort durant la guerre de 1870-1871. La garnison comptait un grand nombre de Lyonnais : le capitaine Thiers, qui fut député du Rhône, Tibulle Lang, qui fut longtemps directeur de la société de l'enseignement professionnel et de l'école de la Martinière. Au numéro 24 de cette rue s'ouvre l'impasse Gigodot, du nom de l'entrepreneur qui possédait le terrain où elle fut ouverte.

    Il y eut longtemps également une place de Belfort, qui auparavant avait été la place Saint-Vincent de Paul et, avant 1855, la place de la Visitation, en raison des religieuses qui y demeuraient. En 1884, au numéro 2 de cette place fut créée grâce à l'initiative de deux chefs d'ateliers la toute première école de tissage qui fut extrêmement célèbre au début du vingtième siècle dans ce quartier de canuts, dont elle fut un peu le cœur battant. Au commencement, les cours étaient destinés à des élèves nés de parents lyonnais ou français résidant à Lyon, de 14 ans au moins et 16 ans au plus, étai titulaires du certificat d'études primaires. Ils furent doublés par des cours du soir pour les ouvriers et chefs d'ateliers. Véritable et précieux organisme de vulgarisation, cet enseignement accessible à tous était gratuit, avec possibilité de bourses qui « accordées aux élèves les plus méritants et peu fortunés. » A titre d'indication, en 1914, les cours duraient de 8 à 12 heures et de 14 à 18 heures. Ils comprenaient la théorie du tissage (15 heures hebdomadaires), la pratique du tissage, sur métiers à bras et sur métiers mécaniques (24 heures hebdomadaires), le dessin de fabrique et de mise en cartes (3 heures hebdomadaires).

    L'Ecole municipale de tissage et de broderie de Lyon regroupait alors 27 élèves en cours du jour et 432 élèves en cours du soir et du dimanche. Ce dernier chiffre grimpant à 1 067 pour la meilleure année scolaire de l'école : 1926-1927. L'école a fermé ses portes en 1984. C'est dorénavant le lycée Diderot, non loin de là, qui a pris en charge l'équivalent de cette formation spécifique

    Par ailleurs, la place Belfort rend à présent hommage à Marcel Bertone (1820-1942), officier F.T.P. fusillé le 17 avril 1942. L'historien Robert Luc a récemment cité cette lettre de lui, à sa fille, qui vaut bien celle de Guy Moquet à ses parents :

    « Ma petite Hélène. Lorsque tu liras cette lettre ton petit cerveau commencera sans doute à comprendre la vie. Tu regretteras de ne pas avoir à tes côtés ton papa et ta maman. Mon Hélène, tu dois savoir un jour pourquoi ton papa est mort à vingt et un ans, pourquoi il s’est sacrifié, pourquoi il a fait semblant de t’abandonner… Ma petite Hélène, il est deux heures, il faut être prêt. Il faut me dépêcher… Apprends à connaître les raisons pour lesquelles je suis tombé. Apprends à connaître ceux qui t’entourent et juge les gens non d’après ce qu’ils te diront, mais d’après ce que tu les verras faire…Aie l’esprit de sacrifice pour les choses nobles et généreuses. Ne te laisse pas arrêter par les choses qui paraîtront te convaincre que ton sacrifice est vain, inutile… Si dans la vie tu ne connais pas la richesse, console-toi en pensant que là ne se trouvent pas les sources du vrai bonheur. Choisi un honnête travailleur pour mari. Choisis-le généreux, aimant travailler, capable de t’aimer. Ma fille, en pensée, je t’embrasse. On ne nous a pas accordé l’autorisation de nous voir. Peut-être cela vaut-il mieux ? Adieu Hélène, ton papa est mort en criant : «Vive la France»
    Fait à la prison de la Santé, le 17 avril 1942, date de mon exécution. Marcel Bertone.
    Ne baisse pas la tête parce que ton papa est fusillé. »

  • Marc Bloch

    La rue Marc Bloch prolonge la rue de l’Université, en s’enfonçant dans le septième arrondissement jusqu’à la rue Garibaldi, face au début de la route de Vienne. Professeur, historien, écrivain résistant, Marc Bloch naquit sous le signe de l’agrégation puisque son père, Gustave Bloch, y fut reçut premier en 1872. Nommé d’abord au lycée de Besançon, ce dernier occupa ensuite à la faculté de lettres de Lyon une chaire d’histoire et d’antiquités gréco-romaines. Né dans l’ancienne capitale des Gaules le 6 juillet 1886, Marc Bloch fit ses études secondaires à Louis le Grand et réussit à son tour le prestigieux concours en 1908.

    Mobilisé en 1914, il n’oubliera jamais l’expérience de la Grande Guerre, matrice générationnelle, véritable « communauté d’empreinte », notera-t-il dans Apologie pour l’histoire. Et dans le plus célèbre de ses ouvrages, L’Etrange défaite, il commente :

    « J’appartiens à une génération qui a mauvaise conscience. De la dernière guerre, c’est vrai, nous étions revenus bien fatigués. Nous avions aussi, après ces quatre ans d’oisiveté combattante, grande hâte de reprendre sur l’établi, où nous les avions laissé envahir par la rouille, les outils de nos divers métiers. »

    Marc_Bloch_d_cor_CG.jpg

    C’est à l’Université de Strasbourg (qui porte aujourd’hui son nom) qu’il reste attaché de 1921 à 1936, après avoir en 1920 soutenu sa thèse d’Etat en Sorbonne, Rois et serfs, un chapitre de l’histoire capétienne. C’est là que, rencontrant Lucien Febvre, il devient le cofondateur en 1929 des Annales d’Histoire économique et sociale.

    En 1936, il est nommé maître de conférences puis professeur à la Sorbonne et, trois ans plus tôt, sera mobilisé le 24 août sur sa demande. Au dernier jour de la bataille de Flandres, il rejoint Dunkerque puis l’Angleterre et après l’armistice de juin 40 regagne la zone libre. Affecté à l’université de Clermont puis de Montpellier, il adhère au réseau Combat et entre dans le mouvement Franc-Tireur. Sous les pseudonymes de Chevreuse, puis celui d’Arpajon et de Narbonne, c’est lui qui organise les comités de libération de la région. Le 8 mars 1944 arrêté par la Gestapo, il est torturé et conduit à Montluc. Il est fusillé le 16 juin 1944 dans un champ à Saint-Didier de Formans, dans l’Ain, en compagnie de trente autres prisonniers.

    Pour clore ce billet écoutons sa voix dans l’un des plus célèbres paragraphe de L’Etrange Défaite (« présentation du témoin»), écrit en juin 40

    t-bloch_etrange_defaite_L25.gif« Je suis juif, sinon par la religion, que je ne pratique point, non plus que nulle autre, du moins par la naissance. Je n’en tire ni orgueil ni honte, étant, je l’espère, assez bon historien pour n’ignorer point que les prédispositions raciales sont un mythe et la notion même de race pure une absurdité particulièrement flagrante, lorsqu’elle prétend s’appliquer, comme ici, à ce qui fut, en réalité, un groupe de croyants, recrutés, jadis, dans tout le monde méditerranéen, turco-khazar et slave. Je ne revendique jamais mon origine que dans un cas : en face d’un antisémite. Mais peut-être les personnes qui s’opposeront à mon témoignage chercheront-elles à le ruiner en me traitant de « métèque ». Je leur répondrai, sans plus, que mon arrière-grand-père fut soldat en 93 ; que mon père, en 1870, servit dans Strasbourg assiégé ; que mes deux oncles et lui quittèrent volontairement leur Alsace natale, après son annexion au IIe Reich ; que j’ai été élevé dans le culte de ces traditions patriotiques, dont les Israélites de l’exode alsacien furent toujours les plus fervents mainteneurs ; que la France, enfin, dont certains conspireraient volontiers à m’expulser aujourd’hui et peut-être (qui sait ?) y réussiront, demeurera, quoi qu’il arrive, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur. J’y suis né, j’ai bu aux sources de sa culture, j’ai fait mien son passé, je ne respire bien que sous son ciel, et je me suis efforcé, à mon tour, de la défendre de mon mieux. »

  • Charles Mérieux

    Le 12 décembre 1975 au soir, on apprenait que Christophe, âgé de neuf ans, fils d’Alain Mérieux (PDG de l’institut Mérieux) avait été enlevé trois jours plus tôt sur le chemin de l’école de la Rédemption dans le sixième arrondissement de Lyon. Si la nouvelle était éventée, c’est parce que le rapt venait de se  solder par un happy end, comme on disait alors dans les colonnes de la presse à sensation. L’enfant avait été échangé contre une rançon de 20 millions de francs (deux milliards d’anciens pouvait-on lire un peu partout, ce qui a plus de gueule, avouez-le). 16 millions ne furent jamais récupérés.

    On apprenait en même temps que les deux grands pères du garçonnet, le docteur Charles Mérieux et le constructeur de camions Paul Berliet – les deux plus gros contribuables de la bonne ville de Lyon -, avaient conduit les transactions secrètes et réuni le flouze. Durant ces trois jours, la presse était demeurée muette et la police paralysée. Venu de Versailles, le  commissaire Claude Bardon avait été chargé dès le premier jour de cette affaire qui giflait de plein fouet l’establishment en la personne de l’héritier Mérieux. Le vieux truand lyonnais Louis Guillaud (surnommé La Carpe), qui fut arrêté le 26 février 1976 en train d'échanger des billets provenant de la rançon contre des lingots d'or, ne fut jamais probablement qu’un simple exécutant. En 1981, ce dernier est condamné à vingt ans. Il en fera quatorze. Aujourd'hui, il vit dans le Nord de la France, sa région d'origine. L'éxécution de Jean Pierre Marin, canardé par la police dans sa DS transformée en écumoire le 9 mars 1976 permit de classer l'affaire sans qu'on sût réellement quels en avaient été, en coulisses, les commanditaires.

    m_merieux.jpgHistoire d’une dynastie composée de quatre générations :

    -Marcel (1870-1937), fils de soyeux et  collaborateur de Louis Pasteur. Héroïque et légendaire moustachu pour avoir réussi le  « prodige ambigu » de faire fortune en faisant le bien » (1), internationalement connu depuis qu’il ouvrit à Vaise son premier Institut auquel il donna en 1897 son nom, c’est à lui qu’on dédia l’ancienne rue des Culates, qui traverse de part en part le quartier de Gerland dans le septième arrondissement. Les trois chevaux en bronze dans le parc de Marcy l’Etoile rappellent aujourd’hui l’élevage de chevaux utilisés dans la fabrication des sérums.

    -Jean et Charles ( 1907-2001). Charles succéda à son père à trente ans et devint peu le leader mondial des vaccins. C’est lui qui comprit dès 1945, en découvrant aux Etats Unis  les usines de guerre qui préparaient la lyophilisation du plasma humain qu’on pouvait concilier recherche scientifique et industrie. Il créa peu après une équipe de chercheurs pour la mise au point et la commercialisation des virus-vaccins : l’Institut Mérieux scellait sa vocation. Charles fut par ailleurs un passionné de cinéma et posséda personnellement quatre salles à Lyon.

    Son frère ainé, Jean, était mort des suites d’une méningite tuberculeuse, contractée dans le laboratoire paternel.

    -Alain, né en 1938, qui épousa le 10 juillet 1965 Chantal, la petite fille de Marius Berliet. C’est lui-même qui livra la rançon dans la cour d’une ferme de Saint-André-le-Corcy dans l’Ain, à 20 km de Lyon. Son frère, Jean, décède en 1994 dans un accident de la route.

    -Christophe et Rodolphe Mérieux : Rodolphe mourut  le 17 juillet 1996 dans le crash du vol TWA 8000 survenu au large de New York.  Christophe en 2006 décéda d’un malaise cardiaque. Le malheur des grands nourrissant les fantasmes des petits, on se mit à parler de malédiction Mérieux comme on parla ailleurs, mais à une autre échelle, de malédiction Kennedy ; le troisième héritier, Alexandre, né en 1974, est l’administrateur actuel du groupe.

     

     

    (1)  Pierre Mérindol : LYON, le sang et l’argent, Alain Moreau, 1987

  • Bas de Loyasse

    Cette rue du neuvième arrondissement tient sa dénomination de sa situation topographique, du fait qu'elle contourne par le bas le cimetière de Loyasse qu'elle enserre d'une courbe longeant son haut mur de soutien. Il semble que dès les premiers siècles chrétiens, il y ait eu un lieu dit Loyasse, où sont situés les deux cimetières actuels (ancien et nouveau). On lit, en effet, dans une lettre de Sidoine Apollinaire que, sortant de l'église des Macchabées, il se rendit vers le cimetière de Saint-Just : « J'aperçus, écrit-il, des malheureux qui profanaient le tombeau de mon aïeul Apollinairis, qui avait été lui aussi préfet des Gaules. Je les fis châtier et j'en donnais avis à l'évêque de Lyon Saint-Patient »
    1163772207.jpgC'est un décret de 1807 qui a créé le cimetière de Loyasse, terme autrefois orthographié Loyace. Ce mot vient très probablement de locus. Le cimetière est établi sur un terrain en déclivité, ce qui offre au promeneur, de sections en travées, une magnifique vue sur les monts Cindre et de Thou, sur le site de Gorge de Loup et le quartier de Vaise. C'est un cimetière familial et bourgeois. Tancrède de Visan, qui l'évoque dans son roman Sous le signe du lion, dit qu'un vent d'épopée humaine souffle nuit et jour sur ses tombes et ses chapelles. Non loin de lui, en effet, « s'avançait la fine pointe de la cité romaine éboulée après plusieurs incendies. » « Nos grands-pères, poursuit-il, couchent sur les dominateurs des Gaules. On creuserait profondément, on trouverait un morceau de la Rome de César, d'Auguste, de Claude, de Tibère. Cette colline sacrée sue du sang de deux civilisations, la païenne et la chrétienne. A deux pas se dressaient le forum de Trajan, le théâtre, orgueil latin. Saint Pothin, Sainte Blandine, Saint-Irénée ont embrassé du haut de cette acropole le sublime horizon, depuis la jonction marécageuse de la Saône et du Rhône, bien en deça du confluent actuel, jusqu'au cirque géant des Alpes violées par Annibal ».

    Après tout ce lyrisme, Tancrède de Visan livre alors cette formule, qu'on ressent vraiment quand on longe à pieds la rue des Bas de Loyasse : « A Loyasse, les fondateurs de la capitale des Gaules tirent nos parents par les pieds ». La singularité réelle de ce cimetière lyonnais demeure ce qu'on appelle ici le carré des prêtres, une vaste portion de terrain appartenant à l'évêché, dans lequel depuis plus d'un siècle, éparpillés tout autour de la statue d'un Sacré Cœur en pierre moussue, les ministres des paroisses de Lyon dorment sous de simples dalles courbées, alignées les unes aux côtés des autres. Le cimetière de Loyasse est ainsi, comme le Père Lachaise parisien, le cimetière historique de Lyon. De part et d'autre de son entrée principale, les monuments d'Edouard Herriot et d'Antoine Gailleton se font face. Entre autres gloires lyonnaises, y reposent le guérisseur maître Philippe, l'architecte Bossan, qui fit Fourvière, et Antoine Chenavard, qui fit le grand théâtre décoiffé désormais par Jean Nouvel, Antoine Berjon, qui fonda l'école lyonnaise de peinture, le sculpteur Fabisch, à qui on doit la Vierge dorée de Fourvière, et tant d'autres que ce site présente à la perfection. Tant de Lyonnais humbles et inconnus, également. Aussi les canuts avaient-ils familièrement inclus le cimetière de leur ville dans l'un de leurs proverbes. C'est à eux qu'on laissera le dernier mot : « Quand on te mènera à Loyasse, t’auras beau avoir ramassé tant et plus et même davantage, te n’emporteras que ce que t’auras donné. »

    (plaisante sagesse lyonnaise)

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  • Claude Farrère

    Fils d’un colonel d’infanterie coloniale, Frédéric Charles Bargone nacquit à Lyon, le 27 avril 1876. En 1894, il entra à l’École navale. Enseigne de vaisseau en 1899, il obtint en 1906 le grade de lieutenant. Affecté à l’artillerie d’assaut pendant la Première Guerre mondiale, il était capitaine quand fut signée la paix ; il démissionna en 1919 pour se consacrer à sa seconde passion : les lettres. N’étant pas démuni de bravoure, il s’illustra le 6 mai 1932 en s’interposant entre le président Doumer et son assassin, ce qui lui valut deux balles dans le bras. Après deux échecs — au fauteuil Richepin enlevé par Émile Mâle en 1927, et au fauteuil Jonnart qui échut à Maurice Paléologue en 1928 — Claude Farrère fut finalement élu à l’Académie française le 28 mars 1935, par 15 voix au second tour, au fauteuil de Louis Barthou. Il arrachait son fauteuil à un concurrent de choix, puisqu’il s’agissait de Paul Claudel, qui n’obtint que 10 voix. C’est le même Pierre Benoit qui recevait Claude Farrère sous la Coupole, le 23 avril 1936. Claude Farrere mourut le 21 juin 1957 et Troyat récupéra son fauteuil d'immortel

    417824697.jpgLors de son discours de réception à l'Académie, ce dernier raconte la façon dont Bargone devint un beau jour Farrere : Bargone avait envoyé son roman, Les Enervés, à Pierre Louys. Ce dernier, après l'avoir lu, l'invita à revoir quelques passages, à changer le titre (Les Enervés devinrent les Civilisés), et finalement à se choisir une nom d'auteur : "Le nom qu'on trouve sur un acte de l'état-civil est une calamité pour cent personnes contre une, dit-il. En tout cas, il ne convient jamais à l'oeuvre. Spinoza est un nom de danseur, et Ingres un nom horrible à prononcer". Bargone avança timidement, poursuit Troyat, "qu'il eût aimé signer Claude Ferrare. D'autorité, Pierre Louys inversa deux lettres. Ce fut ainsi que, pour la première fois, notre jeune écrivain entendit résonner à ses oreilles un nom qui allait le rendre illustre : Claude Farrère" En 1905 en effet, le roman sauvé des eaux par Pierre Louys obtenait le prix Goncourt. D'autres suivraient, Fumée d’opium, L’Homme qui assassina, Mlle Dax, jeune fille, La Bataille, Les Petites Alliées, Thomas l’Agnelet).

    Durant l’entre-deux-guerres, Claude Farrère devait poursuivre cette œuvre plus qu’abondante, puisant à la double source du réalisme et de ses souvenirs d’officier de marine en Extrême-Orient. On pourra citer encore : La Maison des hommes vivants, Dix-sept histoires de marins, Quinze histoires de soldats, Bêtes et gens qui s’aimèrent, Les Condamnés à mort, La Dernière déesse, Les Hommes nouveaux, Mes voyages, La Marche funèbre, Le Chef Loti, Les Quatre dames d’Angora, L’Inde perdue, Forces spirituelles de l’Orient, L’Europe en Asie, etc,etc. De quoi remplir une étagère dans une bibliothèque de notable, n'est-ce pas ? Je ne sais pas qui, à présent, lit une ligne de Farrère.

    La rue du troisième arrondissement qui porte son nom pourrait tout autant s'appeler la rue des Oubliés, car elle s'appelait auparavant Gensoul.  Gensoul, du nom d'un chirurgien de l'Hôtel-Dieu(1797-1858), sorte de Homais local dont quelques brillantes opérations assurèrent la renommée : l'extirpation de la glande parotide, l'extirpation de l'os de la machoire supérieure - opérations considérées comme impossible avant lui, et pour lequel il reçut le prix Montyon.

     


    Photo : Couverture d'une réédition de Mademoiselle Dax, jeune fille, dont l'action se passe dans une famille de soyeux lyonnais, depot légal 1908

  • Passants

    Le nom de l'hôpital des Passants fut rappelé longtemps par une rue du septième arrondissement, autrefois chemin de Vaulx. On retrouvait sa façade au 41 rue de la Guillotière. Jusqu'à la seconde moitié du dix-septième siècle, les passants (voyageurs, indigents, pèlerins...) étaient logés dans un des bâtiments de l'Hôtel-Dieu. En 1652, la ville de Lyon étant une fois encore menacée de la peste, les échevins, le prévôt des marchands et les recteurs de l'Hôtel-Dieu établirent un règlement prescrivant que tout étranger arrivant dans la ville serait arrêté à ses portes et examiné par un chirurgien. S'il présentait des symptômes suspects, il serait aussitôt gardé dans une maison louée à cet effet dans le faubourg de la Guillotière. Les passants reclus à l'Hôtel-Dieu devaient également y être transférés L'emplacement de cette maison primitive était approximativement aux alentours du 25 rue Béchevelin, derrière l'église Saint-André. Lorsque la menace d'épidémie cessa, on décida de continuer de recevoir les pauvres passants et un hospice leur fut consacré à l'angle du chemin de Vaulx et de la rue de la Guillotière. On leur donnait du pain, du vin, mais ils devaient faire eux-mêmes leur soupe avec les légumes du jardin. Après trois jours de séjour, ils partaient lestés d'un pain et, bien souvent, de quelque peu de monnaie. L'asile comprenait un dortoir, un chauffoir, une chapelle, un logis pour le jardinier et une écurie. En 1670, il y avait là treize lits d'hommes, trois de femmes, quatre pour les prêtres. L'hôpital des Passants disparut au début de la Révolution et ses bâtiments furent mis en vente en 1792. N'ayant pas trouvé acquéreur, il redevint propriété des hospices civils qui vendirent tout le terrain en 1900. L'ancienne rue des passants a cédé la place à des constructions modernes. Ne reste qu'une impasse permettant l'accès à une résidence récente, et une plaque rappelant la mémoire du vieil hôpital confiant les passants "à la garde de Dieu".

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  • Puvis de Chavannes (place)

    Au milieu du XIX ème siècle la place des Hospices hébergeait la salle de l’Alcazar, démolie en 1872. Appelée successivement des Graviers, de la Rotonde, de l’Hôpital, des Hospices, cette place prit, le 13 décembre 1898 (deux mois après sa mort) le nom du grand peintre lyonnais (1824-1898) qui naquit rue des Deux-Angles (à présent Alsace Lorraine, dans le quartier Saint-Clair), et qui fut inhumé à Neuilly.

    La place avait failli prendre le nom de Montgolfier en 1884, sur proposition de la Commission municipale. L’historien Steyert, qui faisait partie de ceux qui s’opposèrent à ce projet, défendit le maintien de l’appellation « des Hospices », en rappelant leur rôle important dans la création du quartier des Brotteaux, que l'ingénieur Morand avait établi en grande partie sur leurs propriétés, et donc avec leur aval.

    Le développement rapide de la population des Brotteaux durant le XIXème siècle entraîna la construction successive de plusieurs paroisses, dont celle que le cardinal de Bonald plaça sous le vocable de la Rédemption.

    On raconte que le premier curé (l’abbé Tamain) avait organisé un lieu de culte provisoire dans un vaste entrepôt que lui louaient deux frères négociants en liquide du nom de Jenoudet. Le cardinal de Bonald consacra l'entrepôt comme lieu de culte provisoire en 1857. C’est aujourd’hui le presbytère et les locaux paroissiaux et occupent la place de cet ancien hangar.

    L’église elle-même fut construite sur un terrain offert par les Hospices Civils, de 5000 mètres carrés. C’est l’architecte Claude Anthelme Benoit qui fut chargé des travaux. La première pierre de l’édifice fut posée le 1er avril 1868 (non, ce n’est pas une plaisanterie…). Le bâtiment actuel fut inauguré le 4 novembre 1877. Comme certains murs de la basilique de Fourvière, la façade demeure encore inachevée ; le tympan et les pierres à peine dégrossies  attendent la main du sculpteur. L’architecte Benoit avait prévu une flèche de 90 mètres accompagnée de deux clochetons. Appréciez également la petite rosace en haut à gauche... L’intérieur de l’église (62 mètres par 28 mètres avec une hauteur sous voute de 32 mètres) est par contre saisissant. Lucien Bégule réalisa les vitraux.

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    Photo empruntée au site de D.Valot (voir en lien)

    Devant l’église se trouve un petit square, « où tout est correct » aurait dit Rimbaud.. En son centre une statue de Jeanne d’Arc, bras levés et regard tourné vers le ciel. L’œuvre est de Jean Chorel (1875-1946), un sculpteur lyonnais qui fut proche du peintre Godien e et dont le nom a été donné à une place de Villeurbanne. Il sculpta de nombreuses sculptures (celle de Pierre Dupont, la Pieta de Fourvière, L’éducation d’Achille de l’école vétérinaire, le Pasteur de la Condition des Soies …) et maints monuments aux morts dans toute la région.

    Ci-dessous, portrait de Puvis de Chavannes (1824-1898)

     

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