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Les Rues de Lyon - Page 14

  • Tramassac

    Sans langue de bois, Guignol  le zézayant l'appelle plaisamment la  « rue des Trois massacres ». Elle est située dans le quartier Saint-Jean, sous l'espèce de tunnel qui permet au funiculaire de s'élancer tout droit à la conquête de la colline de Saint-Just.

    Le nom de cette rue a connu des fortunes diverses. Trans marsaut(au delà du Marsaut, un bras d'eau qui se jetait dans la Saône) disent certains ; Tres-Marsas (du chiffre trois)... Dans des documents anciens, on trouve : Très Marsac et Trans-Marsas. Tout cela est bien incertain. Au Moyen Age, la rue Tramassac formait le cœur de la cité, au pied de la colline et non loin de la primatiale.

    Il faut imaginer son pavé foulé par le pied Philippe le Bel, venu assister au couronnement du pape Clément V au mois de novembre 1305, ou bien ceux de Louis XI, en octobre 1461, venu promettre la richesse aux Lyonnais et séduire quelque belle dame du terroir.

     

    L'éboulement du 13 novembre 1930 a balayé subitement de nombreuses richesses architecturales, en projetant sous les gravas les immeubles des numéros 2 à 12, dont l'Hôtel du Petit Versailles. On dut par la suite évacuer toutes les maisons jusqu'au numéro 26. Emportée par l'amas de terre, toute une partie du mur du vieux rempart du cloitre Saint-Jean, vestige qui datait du XIIème siècle (seul survivant des anciens remparts détruits par le baron des Adret en 1562), ainsi que plusieurs maisons gothiques ou Renaissance avec voûtes à nervure et escaliers avec galeries. Quarante personnes ont perdu la vie durant cette nuit tragique.

     

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  • Juliette Récamier

    En novembre 1812, la partie de la rue Moncey s'étendant du cours Lafayette jusqu’au boulevard des Brotteaux, dans le sixième arrondissement de Lyon, reçut le nom de Madame Récamier, née Jeanne Françoise Julie Adélaïde Bernard. Elle était née à Lyon, le 3 décembre 1777. Son père était un notaire fort considéré, qui l’a plaça en pension au monastère de la Déserte, où elle avait une tante religieuse : Voici comment elle-même rappela sa sortie de cette maison

    « Je quitte à regret une époque si calme et si pure, pour rentrer dans celle des agitations. Elle me revient parfois comme un vague et doux rêve, avec ses nuages d'encens, ses cérémonies infinies, ses processions dans les jardins, ses chants et ses fleurs. ».

    En 1793, Juliette épousa le banquier Récamier, lui aussi né à Lyon. Elle était alors âgée de seize ans, lui de quarante-deux. On a dit de ce banquier qu'il était peut-être l'amant de sa mère, et qu'elle était peut-être sa fille. De fait ce mariage resta de pure convenance, ce qui permit à Juliette, à partir de 1796, de recevoir en son salon du fastueux hôtel de la rue du Mont-Blanc tout ce que le monde parisien d'alors comptait de plus distingué. Elle contribua à lancer la fameuse mode à l'antique, le mobilier étrusque et les tenues à la grecque, si caractéristiques de l'Empire.


    En 1819, la ruine du banquier Récamier précipita sa rupture d'avec le grand monde. Elle se retira alors à l'Abbaye-aux-bois, ne gardant auprès d'elle que le strict nécessaire, et recevant ses plus fidèles amis parmi lesquels Ballanche, qui disait qu'elle était la poésie même, Chateaubriand qui lui écrivit ceci : « Vous êtes mon étoile et je vous attends pour aller dans l'Ile enchantée. » L'Abbaye-au-Bois, une sorte de couvent fondé en 1640, devint grâce à elle un salon intellectuel des plus réputés. Elle vivait, nous apprend la duchesse d’Abrantes, citée par Chateaubriand dans ses propres Mémoires « dans un petit appartement au troisième étage, carrelé, incommode, dont l’escalier était des plus rudes à monter, ce qui ne l’empêchait pas d’être gravi chaque jour par les plus grandes dames du faubourg Saint-germain et par tout ce que Paris comptait d’illustrations. » N’est-il pas extraordinaire de songer que les Mémoires d'Outre-tombe y furent lus par leur auteur dans leur intégralité ? Là se croisèrent, outre Ballanche et Chateaubriand, Benjamin Constant, Jean-Jacques Ampère, Alexis de Jussieu, Victor Cousin, Talma, Balzac, et le peintre Gérard qui l'a immortalisée dans la pose célèbre qu'on connaît d'elle. Un autre tableau de Juliette, peint par David en 1800 et exposé au Louvre, lui valu par toute l'Europe le surnom de dame au sofa. Juliette Récamier ne fut-elle pas l'une des femmes les plus portraiturées de son temps, davantage encore que ne le fut l'impératrice Joséphine elle-même ? Plus rare est l'occasion d'admirer le splendide buste d'elle en marbre blanc ci-dessous, de J.Chinard, exposé au Musée de Lyon. Le maire de Lyon Edouard Herriot fut l'un des ses plus fervents admirateurs post-mortem puisqu'il lui consacra une biographie en deux volumes, "Madame Récamier est ses amis".

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    Juliette Récamier mourut du choléra, le 11 mars 1849, à soixante-deux ans. « Au milieu des préoccupations si vives qui pèsent en ce moment sur tous les esprits, l'élite de la société parisienne vient d'être douloureusement frappée d'une perte qui laisse après elle un irréparable vide. Madame Récamier a été enlevée en quelques heures à l'affection de ses amis. Le nom que nous venons de tracer dit tout. Il ne rappelle pas seulement l'idéal de la beauté, de la grâce accomplie, de l'amabilité la plus parfaite : il rappelle encore toutes les délicatesses du cœur, de l'intelligence et de la vertu, et, par-dessus tout, la plus active, la plus ingénieuse, la plus angélique beauté. Objet de l'admiration respectueuse et passionnée des plus hautes et des plus poétiques célébrités de ce moment ... »

  • Servient

    Le 11 octobre 1711, on fêtait comme chaque année la fête Saint-Denis de Bron. Cette fête baladoire, qui s'étalait sur quinze jours, était une parfaite imitation des Bacchanales de l'Antiquité. Le nom du saint, qui fut le premier évêque de Paris après avoir contribué à l'évangélisation de la Gaule, provient d'ailleurs de Dionysos (Denys / Dionysos). Durant radisson_sas_hotel_lyon_exterior1_lyon_france.jpgsa fête, on échangeait des injures, des propos obscènes et orduriers. La tradition voulait même qu'on eût le droit, ce jour-là, de dire leur vérité aux gens en place rencontrés dans la foule, quelque fût leur rang. Or ce jour-là de 1711, les chroniques nous apprennent qu'il y eut « un grand tumulte » sur le pont du Rhône : revenant de la fête, la foule s'engageait sur le pont pour rentrer en ville. Au même moment débouchait en sens inverse le carrosse de Madame Servient qui se rendait en sa maison de la Part-Dieu.

    Arrivé au tiers de la longueur du pont, le carrosse ayant été accroché par une voiture venant en sens inverse, la foule le heurta. Pressés par ceux qui les suivaient, ceux qui étaient en tête furent écrasés. On dénombra deux-cent trente huit victimes. Madame Servient, née Catherine Mazenod, fut si frappée de l'événement qu'elle laissa - non sans charges - ses immenses domaines de la Part-Dieu à la direction de l'Hôtel-Dieu de Lyon. Là est l'origine de la fortune immobilière des hospices civils lyonnais. Le nom de madame Servient fut donné à la rue qui parcourt son ancien domaine dans toute sa profondeur, pour perpétuer le souvenir de cette donation.

    Napoléon supprima cette fête en 1811, à la suite d'une plainte de son oncle, le cardinal Fesch, archevêque de Lyon, qui avait été copieusement insulté au moment où il passait dans son carrosse, non loin du pont de la Guillotière.

    Quant à la rue Servient actuelle, elle abrite, depuis l’initiative du maire Pradel, la tour de la Part-Dieu dite le crayon en raison de sa forme. Au milieu du quartier affairiste de la Part-Dieu, son seul intérêt, outre le fait qu'elle est un dégagement commode pour les automobiles, demeure bel et bien dans ce lointain souvenir des fêtes de l'ancien temps.

  • Belges

    1718634504.jpgAvec le boulevard des Belges, nous entrons dans les Beaux Quartiers du sixième arrondissement. Je le place dans la catégorie « militaires » puisque les Belges furent en 14-18 nos alliés à la fois militaires et politiques et que c'est à ce titre qu'ils ont chipé au Nord le nom de ce grand boulevard non loin du parc de la Tête d'Or. En réalité, avant que s'y construisent sous le Second Empire les hôtels particuliers qu'on y voit à présent, le boulevard du Nord fut bien misérablement peuplé car il se trouvait ni plus ni moins sur l'emplacement des fossés qui constituaient l'enceinte de Lyon.
    Au numéro 28 de ce boulevard qui, après s'être complu dans l'ancienne zone, devint au vingtième siècle l'un des plus cossu de la ville, se trouva un temps le musée Guimet. Le bâtiment avait été dessiné par l'architecte Chatron, dans le style assez mastoque du néoclassicisme du XIXème siècle.

    La faible fréquentation du musée, délaissé des institutions et des savants, décida Emile Guimet (1836 - 1918) à mettre en vente l'édifice. En 1886, il fit donc transférer toutes ses collections orientales à Paris, dans un nouveau musée qui prit son nom. Pendant quelques années, on installa dans le bâtiment le palais de Glace, où la jeunesse snobe et raffinée de la ville allait découvrir les joies de se fréquenter en faisant du patin à glace. Et puis, un matin 1913, le bâtiment du 28 bd des Belges accueillit un nouveau musée des religions ainsi que le Muséum d'Histoire Naturelle qui cohabitait. C'est là que des générations de petits lyonnais se sont initiés devant des momies et des squelettes de dinosaures aux joies de la paléontologie et de l'égyptologie. Dans le grand hall se tenait le mammouth de Choulans, entièrement reconstitué. Ce musée est à nouveau fermé depuis le 2 juillet 2007, et on parle de transférer ses collections dans le nouveau musée des Confluences qui, aux dernières nouvelles, n'est pas près d'être achevé. Fantaisies lyonnaises obligent .

     

    Sur la photo, Emile Guimet dans son musée - peinture de F. Luigini (1898). Ci-dessous, le Palais de Glace

     

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  • Abbé Pierre

    La place de l'abbé Pierre (Lyon 9ème) n'est pour l'instant qu'un vaste terrain vague, à l'occasion un joli champ de boue. Elle existe pourtant depuis le 24 mai 20007, par une décision du Conseil Municipal de Lyon qui prit la décision d'attribuer à la future place centrale du quartier en construction sur le Plateau de la Duchère, face au lycée La Martinière, le nom d'Henri Groues, (1912-2007), qui venait de mourir. Devraient se trouver sur cette place quelques logements sociaux, un centre commercial, une médiathèque. A son emplacement auparavant se trouvait l'une des barres de la Duchère dont la démolition a été largement médiatisée.

    On connait les étapes les plus marquantes de l'existence de ce fils de négociant en soie de la bonne bourgeoisie lyonnaise : Ordonné prêtre en 38, il a pris le nom d'abbé Pierre durant la Résistance, à laquelle il prend part dans les maquis du Vercors et de la Chartreuse. « Mes amis ! Au secours ! Une femme vient de geler cette nuit, à 3 heures, sur le trottoir du boulevard de Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel on l’avait expulsée, avant-hier. Chaque nuit, ils sont plus de deux mille, recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu... »

    L'hiver 54, la croisade pour les sans-logis, les compagnons d'Emmaus, l'appel radiophonique à Radio-Luxembourg, tout cela constitue la première légende que le Roland Barthes, des Mythologies (1957) immortalise en une célèbre abbe_pierre2.jpgphrase : « Le mythe de l'abbé Pierre dispose d'un atout précieux : la tête de l'abbé. C'est une belle tête, qui présente clairement tous les signes de l'apostolat : le regard bon, la coupe franciscaine, la barbe missionnaire, tout cela complété par la canadienne du prêtre-ouvrier et la canne du pèlerin. Ainsi sont réunis les chiffres de la légende et ceux de la modernité. »

    Grâce à Roland Barthes, l'abbé devient, et bien avant Coluche ou Zidane, entre la DS et Brigitte Bardot, un symbole vivant des temps présents.

    La popularité de l'abbé renait dans les années quatre-vingts, lorsque son combat contre la misère se trouve réactualisé par ceux qu'on appelle dorénavant les sans-domicile-fixe. Le désengagement de l'Etat, aussi bien sous un gouvernement de gauche que de droite, face à l'installation conjointe de la crise, des formes de la nouvelles pauvreté, et du neo libéralisme mondialisant confère à cette figure moderne et solitaire une sorte d'aura, seule capable de terrasser dans des medias fortement idéologisés celle du tennisman ou du footballeur à l'heure de la coupe de monde de 1998. Cette starification irrationnelle, reconnaissons à Henri Groues le mérite d'avoir su l'utiliser pour la bonne cause sans en jouer à des fins personnelles. L'histoire dira si c'est suffisant pour en faire un saint.

    Cela dit, on peut penser, comme Barthes d'ailleurs le disait dès 1957, qu'une telle légende est le symptôme d'une maladie épouvantable de notre monde :

    « Je m'inquiète d'une société qui consomme si avidement l'affiche de la charité, qu'elle en oublie de s'interroger sur ses conséquences, ses emplois et ses limites. J'en viens alors à me demander si la belle et touchante iconographie de l'abbé Pierre n'est pas l'alibi dont une bonne partie de la nation s'autorise, une fois de plus, pour substituer impunément les signes de la charité à la réalité de la justice ».

    L'Abbé Pierre figure sur la fresque des Lyonnais située non loin du quai Sant-Vincent, en compagnie de Paul Bocuse et de Frédéric Dard.

     

     

  • Jean Moulin

    Un simple chemin de terre longea longtemps le Rhône à cet endroit, qu'on appelait fort banalement le chemin des Courtines. Le mot désignait d'abord l'ouvrage de fortifications servant à relier deux tours, puis la muraille, le terre-plein et le chemin. Le 1er septembre 1740, lors de la création du quai, le Consulat lui attribua le nom de celui qui en avait été l'initiateur, le duc de Retz (1695-1765), sans rapport avec le célèbre cardinal, fougueux ennemi de Mazarin. Louis François Anne de Neuville, duc de Retz appartenait à la famille de Villeroy (voir ce nom) et était alors le gouverneur de la ville. Durant la Révolution, il fut brièvement nommé quai des Victoires puis quai Le Pelletier. Une partie constitua durant quelques temps la rue Fusterie (entre la rue Neuve et les Cordeliers). Le prestigieux quai de Retz hébergea longtemps maison de soieries dont on peut retracer la dynastie : Guyot (1750), Guyot et Germain (1769-1774), Germain et Déchazelle (1774-1808), Chuard et Cie (1808-181), Bissardon et Bony (1810-1820), Cordelier et Le Mire (1820-1833), Le Mire père et fils (1842-1865), Lamy et Giraud (1865-1894), Lamy et Bernet (1894-190), Lamy et Gautier (1900-1919), et qui devint depuis la manufacture Prelle et Cie, qui existe encore rue Barodet. Les cafés du quai de Retz (café Gerbert, café de la Perle) étaient des lieux de réunion importants et influents qui connurent leurs heures de gloire, l'un durant la Révolution de 89, l'autre durant celle de Juillet 1830.

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    L'ancien quai de Retz, avant la création des axes autoroutiers qui ont littéralement coupé les Lyonnais de leurs fleuves, constitua après la crue de 1856, avec le quai Bon-Rencontre et le quai de l'Hôpital, une promenade ininterrompue le long du Rhône, du pont Morand jusqu'au pont de la Guillotière, dotée d'un trottoir de 10 mètres de larges côté fleuve, d'une chaussée bordée d'arbres de 12 mètres, et d'un autre trottoir coté maisons de 4 m 50. Le réaménagement du quai de Retz coûta alors 950 000 francs. Voies-express et parkings polluent et défigurent hélas impunément le charme de cette promenade depuis plus de soixante ans. Sur la vue du quai (fin XIXème) placée ci-dessus, on distingue encore le vieux pont Morand, la colline de la Croix-Rousse sans les immeubles modernes et l'opéra sans la disgrâcieuse coiffe que lui attribua Jean Nouvel.

     

     

    352064640.jpgEn 1947, le quai de Retz fut attribué à Jean Moulin (1899-1943), préfet de la République, président fondateur du Comité National de la Résistance, capturé à Caluire-et-Cuire chez le docteur Dugoujon. Plutôt que de rappeler ici une histoire que tout le monde connaît, je préfère entrouvrir les portes du musée des Beaux-Arts de Béziers, sa ville natale, où sont accrochés quelques uns des nombreux dessins et croquis de Jean Moulin, de son vivant artiste, qu'il signa dans les années 30 du nom de Romanin. Dessin : Le Marin aux trois filles, encre de chine et aquarelle sur papier.

  • Bayard

    On devrait écrire Bayart, car ce cours du deuxième arrondissement de Lyon (situé derrière les voutes) a été ainsi dénommé en mémoire du chevalier Bayart et de son oncle, Théodore du Terrail, qui était abbé d'Ainay lorsque le chevalier sans peur et sans reproche fit à Lyon ses premiers pas dans un tournoi, dans la plaine de la Guillotière.

    En 1494, en effet, alors qu'il n'était âgé que de dix-huit ans, Bayard prit part au tournoi qu'avait organisé, en l'honneur du jeune roi de vingt quatre ans, Charles VIII, le sire de Vaudrey, un gentilhomme de Bourgogne. On était au joli mois de mai. Selon la coutume, Claude de Vauldrey avait fait pendre ses écus. Pour s'inscrire au tournoi, il suffisait, à condition d'être gentilhomme, de toucher les écus. Un jour, Bayard, qui n'était plus page que depuis quelques semaines, toucha les écus. "Ce n'est pas possible, lui dit le maître d'armes. Vous n'aurez pas de barbe avant trois ans, et vous voulez combattre messire Claude, qui est un des plus rudes chevaliers qu'on sache ?". Bayard répliqua que ce n'était pas par orgueil, mais pour apprendre les armes auprès de gens de talent. Afin de paraître richement vêtu et armé au tournoi, il soutira une somme importante à son oncle, si bien qu'on dit ici que si Bayard fut sans peur, il ne fut pas sans reproche.

    Il remporta cependant un grand succès. Pas un homme n'ayant fait mieux contre messire de Vauldrey, tant à pied qu'à cheval, les belles dames s'exclamèrent, lorsque selon la coutume, il longea la lice, visière levée, après le tournoi : « Vey-vo cestu malotru, il est mieulx fay que tous aultres » (Regardez ce malotru : il est mieux fait que tous les autres !)

    Mais le soir, au souper royal, Charles VIII eut cette phrase : « Par la foi de mon corps, Bayard a un commencement dont, à mon avis, il fera saillie à bonne fin ».

    Bayard mourut en 1524, d'un coup d'épée, à la retraite de Rebec. Son chroniqueur raconte ainsi sa mor t:

    « Quand il sentit le coup, se prit à crier : Jésus !, et puis dit : Hélas, mon Dieu, je suis mort. Il prit alors son épée par la poignée et baisa la croisée en signe de croix, en disant tout haut : Miserere mei Deus ! Je me rends compte que je suis blessé à mort. Je prends la mort en gré et je n'y aurai aucune déplaisance ! »
    Le 10 avril 1900, si l'on en croit Louis Maynard, l'illustre auteur du Dictionnaire des Lyonnaiseries, mourut à Lyon un pauvre cocher de fiacre. On fut tout étonné d'apprendre par son état-civil, qu'il était un authentique descendant de Bayart, et se nommait Léon Couvat du Terrail. Il était originaire du département de l'Isère...

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