Juliette Récamier
En novembre 1812, la partie de la rue Moncey s'étendant du cours Lafayette jusqu’au boulevard des Brotteaux, dans le sixième arrondissement de Lyon, reçut le nom de Madame Récamier, née Jeanne Françoise Julie Adélaïde Bernard. Elle était née à Lyon, le 3 décembre 1777. Son père était un notaire fort considéré, qui l’a plaça en pension au monastère de la Déserte, où elle avait une tante religieuse : Voici comment elle-même rappela sa sortie de cette maison
« Je quitte à regret une époque si calme et si pure, pour rentrer dans celle des agitations. Elle me revient parfois comme un vague et doux rêve, avec ses nuages d'encens, ses cérémonies infinies, ses processions dans les jardins, ses chants et ses fleurs. ».
En 1793, Juliette épousa le banquier Récamier, lui aussi né à Lyon. Elle était alors âgée de seize ans, lui de quarante-deux. On a dit de ce banquier qu'il était peut-être l'amant de sa mère, et qu'elle était peut-être sa fille. De fait ce mariage resta de pure convenance, ce qui permit à Juliette, à partir de 1796, de recevoir en son salon du fastueux hôtel de la rue du Mont-Blanc tout ce que le monde parisien d'alors comptait de plus distingué. Elle contribua à lancer la fameuse mode à l'antique, le mobilier étrusque et les tenues à la grecque, si caractéristiques de l'Empire.
En 1819, la ruine du banquier Récamier précipita sa rupture d'avec le grand monde. Elle se retira alors à l'Abbaye-aux-bois, ne gardant auprès d'elle que le strict nécessaire, et recevant ses plus fidèles amis parmi lesquels Ballanche, qui disait qu'elle était la poésie même, Chateaubriand qui lui écrivit ceci : « Vous êtes mon étoile et je vous attends pour aller dans l'Ile enchantée. » L'Abbaye-au-Bois, une sorte de couvent fondé en 1640, devint grâce à elle un salon intellectuel des plus réputés. Elle vivait, nous apprend la duchesse d’Abrantes, citée par Chateaubriand dans ses propres Mémoires « dans un petit appartement au troisième étage, carrelé, incommode, dont l’escalier était des plus rudes à monter, ce qui ne l’empêchait pas d’être gravi chaque jour par les plus grandes dames du faubourg Saint-germain et par tout ce que Paris comptait d’illustrations. » N’est-il pas extraordinaire de songer que les Mémoires d'Outre-tombe y furent lus par leur auteur dans leur intégralité ? Là se croisèrent, outre Ballanche et Chateaubriand, Benjamin Constant, Jean-Jacques Ampère, Alexis de Jussieu, Victor Cousin, Talma, Balzac, et le peintre Gérard qui l'a immortalisée dans la pose célèbre qu'on connaît d'elle. Un autre tableau de Juliette, peint par David en 1800 et exposé au Louvre, lui valu par toute l'Europe le surnom de dame au sofa. Juliette Récamier ne fut-elle pas l'une des femmes les plus portraiturées de son temps, davantage encore que ne le fut l'impératrice Joséphine elle-même ? Plus rare est l'occasion d'admirer le splendide buste d'elle en marbre blanc ci-dessous, de J.Chinard, exposé au Musée de Lyon. Le maire de Lyon Edouard Herriot fut l'un des ses plus fervents admirateurs post-mortem puisqu'il lui consacra une biographie en deux volumes, "Madame Récamier est ses amis".
Juliette Récamier mourut du choléra, le 11 mars 1849, à soixante-deux ans. « Au milieu des préoccupations si vives qui pèsent en ce moment sur tous les esprits, l'élite de la société parisienne vient d'être douloureusement frappée d'une perte qui laisse après elle un irréparable vide. Madame Récamier a été enlevée en quelques heures à l'affection de ses amis. Le nom que nous venons de tracer dit tout. Il ne rappelle pas seulement l'idéal de la beauté, de la grâce accomplie, de l'amabilité la plus parfaite : il rappelle encore toutes les délicatesses du cœur, de l'intelligence et de la vertu, et, par-dessus tout, la plus active, la plus ingénieuse, la plus angélique beauté. Objet de l'admiration respectueuse et passionnée des plus hautes et des plus poétiques célébrités de ce moment ... »