Servient
Le 11 octobre 1711, on fêtait comme chaque année la fête Saint-Denis de Bron. Cette fête baladoire, qui s'étalait sur quinze jours, était une parfaite imitation des Bacchanales de l'Antiquité. Le nom du saint, qui fut le premier évêque de Paris après avoir contribué à l'évangélisation de la Gaule, provient d'ailleurs de Dionysos (Denys / Dionysos). Durant sa fête, on échangeait des injures, des propos obscènes et orduriers. La tradition voulait même qu'on eût le droit, ce jour-là, de dire leur vérité aux gens en place rencontrés dans la foule, quelque fût leur rang. Or ce jour-là de 1711, les chroniques nous apprennent qu'il y eut « un grand tumulte » sur le pont du Rhône : revenant de la fête, la foule s'engageait sur le pont pour rentrer en ville. Au même moment débouchait en sens inverse le carrosse de Madame Servient qui se rendait en sa maison de la Part-Dieu.
Arrivé au tiers de la longueur du pont, le carrosse ayant été accroché par une voiture venant en sens inverse, la foule le heurta. Pressés par ceux qui les suivaient, ceux qui étaient en tête furent écrasés. On dénombra deux-cent trente huit victimes. Madame Servient, née Catherine Mazenod, fut si frappée de l'événement qu'elle laissa - non sans charges - ses immenses domaines de la Part-Dieu à la direction de l'Hôtel-Dieu de Lyon. Là est l'origine de la fortune immobilière des hospices civils lyonnais. Le nom de madame Servient fut donné à la rue qui parcourt son ancien domaine dans toute sa profondeur, pour perpétuer le souvenir de cette donation.
Napoléon supprima cette fête en 1811, à la suite d'une plainte de son oncle, le cardinal Fesch, archevêque de Lyon, qui avait été copieusement insulté au moment où il passait dans son carrosse, non loin du pont de la Guillotière.
Quant à la rue Servient actuelle, elle abrite, depuis l’initiative du maire Pradel, la tour de la Part-Dieu dite le crayon en raison de sa forme. Au milieu du quartier affairiste de la Part-Dieu, son seul intérêt, outre le fait qu'elle est un dégagement commode pour les automobiles, demeure bel et bien dans ce lointain souvenir des fêtes de l'ancien temps.