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Les Rues de Lyon - Page 10

  • Marronniers

    Afin de lui donner une forme régulière, la place Bellecour (Lyon 2ème) avait été bordée, à l'Est, de quatre rangées de marronniers. On cachait ainsi les masures dites de Basses-Brayes -on y posait culotte !

    La rue des Marronniers, appelée d'abord rue de Jérusalem, puis rue Neuve de Basses-brayes, a réellement pris figure vers 1715, lors de la construction des façades orientales de la place Bellecour (n° 2 à 10). L’architecte Melchior Munet, associé à Soufflot pour la construction du dôme de l’hôtel-Dieu et du quai Saint-Clair, fit bâtir à son usage, en 1740, la maison du n° 7.

    La proximité du siège du journal Le Progrès, ouvrant sur la rue Bellecordière juste en face, anima le lieu pendant la plus grande partie du vingtième siècle.

    Impossible de ne pas citer tout d'abord le petit restaurant de la mère Jean ( de son vrai nom Françoise Donnet), veillant sur ses volumineuses marmites où cuisaient en permanence petit salé et saucissons, à côté du fait-tout aux tripes et de la poële aux andouillettes. Impossible, non plus, de ne pas évoquer l'ombre de Planchon, et de son minuscule théâtre où devait débuter l'aventure qui le conduirait, pour le pire comme pour le meilleur, entre les murs villeurbannais du TNP. « Il y eut dans cette rue, écrit Bernard Frangin, aux alentours des années cinquante, une singulière dictature intellectuelle. L'aura du maître chapeautait inexorablement les disciples qui jouissaient d'ailleurs tous d'un prestige incroyable auprès des papillons de nuit venant tourner autour des tables chargées de bière et à qui on laissait généralement l'honneur de régler l'addition. Le moindre planteur de clou du théâtre, face à l'homme de la rue, s'auréolait de l'irrémédiable privilège d'avoir badigeonné un pan du décor du saint des saints. »

    (Bernard Frangin, Bistrots de Lyon, histoires et légendes).

    Lorsque Planchon quitte les lieux pour le TNP de Villeurbanne en1958 c'est Marcel Maréchal et sa compagnie du Cothurne qui prend sa suite, avant de s'en aller à son tour.

     Depuis la fin du siècle dernier, la rue des Marronniers mise sur le côté rétro pour attirer le chaland. On ne peut même plus compter le nombre de petit restaurants récents vendant de l'andouillette authentique aux touristes qui s'y pressent de chaque coté de la rue, à même le pavé ou sur des terrasses en bois. Le petit théâtre de Planchon est devenu un cinéma et "un lieu" portant le nom de Marronniers s'est ouvert pour donner le change.

    Quant aux marronniers de la place Bellecour, ils seront bientôt une légende : on en a déjà abattu un grand nombre, vieux, parait-il de cent cinquante ans, et arrivés à bout de souffle. C'est pour retrouver les ambiances du dix-septième siècle qu'on les a remplacés par les arbres qui trônaient par là à cette époque : des tilleuls.

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     Jeunesse de Roger Planchon au théâtre des Marronniers.

     

  • Choulans (montée de)

    La montée de Choulans grimpe en lacets la colline de Fourvière juste au-dessus du tunnel cher aux estivants et des ruines de la basilique Saint-Laurent de Choulans. Peu après, elle traverse en ligne presque droite le quartier Saint-Just, jusqu’à l’avenue Barthélémy Buyer.

    D’après Louis Maynard et son dictionnaire des Lyonnaiseries, cette montée doit son nom à une fontaine, qui est indiquée sur un plan de Lyon de 1550, et déjà désignée par le nom de Cholan, appellation à laquelle on prête une origine diverses « Il y a une fontaine que les antiques documents nomment silva fons ou Siloë, du nom de celle qui est en Palestine, au pied du mont de Sion.  Et de Sion on serait passé à Siolans» Etymologie hypothétique, pour le moins. Le père Ménestrier pense, lui, que ce nom viendrait plutôt de Silanus « puisque Silanus avait son camp à cet endroit ». Au temps de Henri II, il y avait autour un bourg de ce même nom de Cholan » L’explication est presque pire.

    Le château de Choulans (au n° 60), qui appartint longtemps à la famille de Vauzelles, est encore visible.

    La montée présente principalement deux intérêts : tout d’abord le magnifique point de vue qu’elle offre sur la plaine de l’Est avant de filer dans le quartier Saint-Just. Ensuite l’autre magnifique point de vue qu’elle laisse imaginer sur le Lugdunum antique.

     

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    En 1885 et 1886, les travaux d’aménagement de la ligne de chemin de fer de Vaugneray permirent de découvrir de nombreux mausolées datant du premier siècle ap. J.-C., disséminés le long de la voie d’Aquitaine, à la sortie de la ville. Cinq d’entre eux furent installés sur la place Choulans, qui bordait la montée (devenue depuis place Wernert). Parmi eux, celui de Julia, celui de Quintus Valerius, celui de Julius Severianus, celui de Satrius. Le plus imposant et le plus connu des cinq est celui du sévir (prêtre du culte impérial) Turpio.

    Le sévirs augustaux constituaient un collège intermédiaire particulièrement important à Lugdunum (on en a recensé jusqu’à 62) souvent désigné par la formule « seviri Lugduni consistentes », « sévirs résidant à Lyon ». Originairement, il réunissait six hommes, trois chevaliers et trois affranchis. En tant qu’artisans, commerçants ou armateurs, les sévirs finirent par constituer une véritable classe, occupant dans la vie économique de la cité une place conséquente. Le corps étant ouvert aux affranchis, y accéder était un honneur, et le sévirat devint un titre vénal, le plus haut degré de l’échelle à qui ne pouvait pas devenir décurion. Sans doute élus au nombre de six chaque année par les décurions, ils étaient chargés de célébrer le culte et des fêtes en l’honneur de l’empereur, à leurs frais.

    Le mausolée du sévir Turpion, en calcaire de Seyssel, comme le signale son épitaphe, lui a été offert pas ses cinq affranchis :

    Q. Calvio, Quinti liberto, Palatina, Turpioni, seviro, Regillus, Chresimus, Murranus, Donatus, Chrestus, libertei, ex testamento,

    « A QuintusCalviusTurpio, affranchi de Quintus (Calvius); de la tribu Palatina, sévir ; Regillus, Chresimus, Murranus, Donatus, Chrestus, ses affranchis, ont, en exécution de son testament, élevé ce tombeau ».

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    Les lettres de la première ligne ont 14 centimètres de hauteur, celles de la seconde 12, l'inscription 50, et la ligne la plus longue a 2 m. 60 c. de long. La base carrée qui comporte une frise et une corniche supportait peut-être un petit temple abritant la statue du défunt (comme le mausolée des Jules à Glanum). Cette inscription constitue l’une des plus anciennes qu'on découvrit à Lyon. Hélas, il se dégrade et s'abime dans le siècle, au milieu de la pollution.


    La descente de la montée de Choulans est, paraît-il, un pur bonheur en langage roller. Technique et rapide, elle possède huit virages en épingles, dont les deux derniers sont les plus durs : voir Video ICI .

    En 3' 45, ça va trop vite pour se recueillir devant des tombeaux gallo-romains; mais on entrevoit - à toute berzingue - le beau panorama sur la plaine de l'Est.

  • Observance

    Au bord de la Saône, près du rocher de Pierre Scize, des religieux Cordeliers avaient fondé un cloître. Peu à peu, dit-on, la discipline s'y étaient relâchée fort. En 1493, le frère Bourgeois et le frère Tisserand, tous deux prédicateurs de renom, entreprirent donc de ramener les religieux - qu'on appelait les petits Cordeliers (ou Mineurs) pour les distinguer de ceux établis vers saint Bonaventure (Majeurs) - à une observation religieuse plus rigoureuse de la règle de saint François d'Assise. Dès cette régénération, la communauté prit le nom des Cordeliers de l'Observance; d'où la dénomination de cette voie publique. C'est sur ce terrain dépendant de ce cloitre que se trouvait le tombeau des Deux Amants. Martial d'Auvergne emprunta à ce fait un oeuvre fort curieuse intitulée L'Amant rendu cordelier, ou L'Observance d'amour.
    L'église fut bâtie à l'emplacement de l'ancien hôpital des Deux-Amants, qui appartenait au chapitre Saint-Jean. Les religieux commencèrent à déblayer le terrain en 1492; et le 25 mars 1493, la première pierre fut posée par Charles VIII et Anne de Bretagne. Ronsard, dans l'Eloge de Charles VIII qui lui est attribué rappela ainsi cet événement :

    Es faubourgs, pour les frères Mineurs
    Il fonda un couvent ; puis avec grands seigneurs,
    Princes, comtes, barons et bande qui frétille,
    S'en alla conquérir Naples et la Sicile.

    Une réputation douteuse poursuivit cependant ces frères mineurs. En date du 14 mars 1589, on trouve dans les registres du Consulat une autorisation faite aux religieux du couvent de l'Observance à entrer ou sortir de la ville à toutes les heures du jour, soit par terre, soit par eau « pourvu que dans la besche il n'y ait d'autres que des religieux et qu'il ne s'y commette aucun abus ».

    La montée de l'Observance serpente en esses la colline de Fourvière, par le cimetière de Loyasse, à partir du quai Chauveau.

     

    La nuit du 2 au 3 juillet 1975, peu après 2 heures du matin, une Ford claire se rangeait contre le trottoir de la montée de l’Observance. François Renaud était accompagnée d’une jeune femme, Geneviève M, dont il se détourna aussitôt afin qu’elle pût rejoindre le hall d’entrée de leur immeuble. Il s’en fallut d’un mètre pour que le juge Renaud n’échappât à ses poursuivants : les constatations ont montré qu’il avait tenté de sauter un petit mur derrière lesquels se trouvaient les jardins. C’était la première exécution d’un juge depuis la Libération. Le Garde des Sceaux de l’époque, Jean Lecanuet, promit solennellement que tout serait mis en œuvre pour retrouver les assassins.

     

    Surnommé le Shérif, le juge Renaud était né en Indochine, où son père était médecin-colonel. Socialiste de cœur (il fut avec Charles Hernu l’un des fondateurs du club des Jacobins), ses amis le disaient tête brûlée, bosseur, beau parleur, buveur et ouvertement raciste. Il circulait dans une vieille BMW, toujours immatriculée en Saône et Loire. On se souvient qu’en 1977, Yves Boisset porta l’affaire à l’écran et que Patrick Dewaere brilla dans le rôle du juge.

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  • Chazeaux

    Les ancêtres l'appelaient la montée de Tire-Cul ! 228 marches, fort pénibles à gravir. Comme cette voie relie les bas de Fourvière aux hauts de Saint-Jean, elle est l'une des plus vieilles de Lyon. Au XVème siècle, on la désignait sous le nom d'Escalier de Fonturbane, du nom de la source qui coulait à son sommet (la colline a toujours ruisselé énormément). Elle porta ensuite le nom de montée du Ruer, c'est à dire du ruisseau. C'est l'échevin Philippe Gueston qui fit construire les degrés, à ses propres frais.
    Le nom de Chazeaux lui vient du monastère fondé en 1333 par Luce de Baudisner, dame de Cornillon. C'est Louis Maynard qui, dans son dictionnaire de Lyonnaiseries (1932) nous raconte tout cela. J'aime cette précision digne du monde d'antan. Luce de Baudisner aussi, certainement, ne doit pas être mécontente qu'on parle d'elle sur le net, à l'heure de la galopante mondialisation. Les Chazeaux étaient donc un prieuré de l'ordre de Sainte-Claire, dans le hameau du même nom, dans la paroisse de Firminy, au pays de Forez. Un jour, les religieuses passèrent sous l'ordre de Saint-Benoît, et leur monastère, qui fut transféré à Lyon en 1623, emporta avec lui le nom du petit hameau du Forez dans l'ancienne capitale des Gaules. La première abbesse, à dater de l'installation des religieuses dans notre ville, fut Gilberte-Françoise d'Amanse de Chaufailles, et c'est tout un univers que ce nom à tiroir évoque pour moi à l'instant que je le frappe lettre par lettre sur le clavier. La cadette, fort probablement, d'une famille d'austères aristocrates, qui trouva dans une carrière monacale finalement fort brillante un substitut à l'amour et la maternité. Chauffailles est une commune de la Bourgogne du Sud dont, probablement, elle était originaire. A quoi pouvait ressembler la ville lorsqu'un matin de 1623, Gilberte-Françoise et ses religieuses prirent possession de leur nouveau domaine, au-dessus des vieux quartiers aux toits fumants et de la cathédrale carillonnant ? La presqu'ile elle-même n'était pas entièrement construite et, de l'autre côté du Rhône, il n'y avait encore rien, que des marécages et des joncs.
    En 1793, l'abbaye des Chazeaux devint un hôpital militaire, puis un dépôt de mendicité. La catastrophe du 13 novembre 1930, qui coûta la vie à de si nombreuses victimes, signa l'arrêt de mort de ce vieux bâtiment chargé d'histoire.

    La montée des Chazeaux, quand on vient de quitter les Jardins du Rosaire et qu'on la prend pour descendre à Saint-Jean offre vraiment un très beau point de vue sur les toits de la primatiale et sur ceux du vieux Lyon.

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    Montée des Chazeaux - Blanc & Demilly
  • Lyautey

    Le 13 avril 1764, un dessinateur de la Fabrique, Etienne Benoît, note dans son livre de raison l’entretien qu’il a eu la veille avec l’ingénieur Morand. Un certain Perrache parlait alors de relier par des terres fermes les îles du confluent afin d’allonger la presqu’île. Morand juge ce projet ridicule : Ces terrains, toujours fermés par les eaux, ne pourraient en effet s’étendre à l’infini puisqu’ils rencontreraient infailliblement le confluent, quel que soit le point jusqu'où on le repousserait. Morand préfère rêver d’un agrandissement sur l’autre rive du Rhône, là où débute une plaine illimitée : Lyon pourrait alors à son gré s’étendre pendant des siècles, sans limites.

    C’est une ville nouvelle dont il se fait le visionnaire exalté, qui doit naître « dans les vorgines et les broteaux de la rive gauche du Rhône ».

    Par lettres patentes, et après d’âpres négociations, Jean-Antoine Morand (1727-1794) obtient donc le 4 janvier 1771 l’autorisation de construire son pont. Les recteurs de l’Hôtel-Dieu, inconscients de l’opportunité qu’allait représenter pour les Hospices Civils le franchissement du Rhône, imposent leurs conditions : La compagnie devrait payer pendant 63 ans, aux pauvres de l’Hôtel-Dieu, une rente annuelle de 6000 livres. Le prix du passage pour les gens à pied est fixé à 6 deniers, alors que la compagnie en demandait neuf. Le 15 juillet, ils refusent l’exécution, traitant Morand de malfaiteur. En 1775, Morand parvient finalement à construire son pont.

    Dans le tome III de son Dictionnaire des Lyonnaiseries, Louis Maynard précise que ce pont, dont les arches apparaissaient de loin, comme des chevalets de bois était l’un des plus beaux existant en ce genre : « il avait treize mètres de largeur, deux cent neuf de longueur entre ses culées et comptait seize travées ayant de neuf à treize mètres cinquante de diamètres. » Sa résistance au gel, durant l’hiver 1789 étonna tant qu’un poteau supportant une couronne de laurier fut longtemps placé en son centre; On pouvait y lire : Impavidum ferient ruinae.

    Bien vite, il fut surnommé «le pont rouge », car durant toute la période révolutionnaire, son droit de péage fut suspendu. Afin d’indemniser les actionnaires du manque à gagner occasionné, on doubla le droit de passage par la suite. Quant à Morand, il fut guillotiné, le 24 janvier 1794, pour avoir favorisé le droit de passage des insurgés sur son pont.

    Pendant longtemps, la place sur lequel ce pont débouchait porta également le nom de Jean Antoine Morand. Elle avait eu auparavant diverses appellations : Sous la Restauration, elle avait reçu le nom de Louis XVI ; en 1820, on l’avait appelée la place des Broteaux. (avec un seul t). Après 1848, ce fut la place Robespierre, puis la place Béranger. La place Morand porta également le nom de place Maginot (1940) et place du Maréchal Pétain (1941). Depuis 1945, elle porte le nom du Maréchal Lyautey (1854-1934), qui participa à la colonisation du Maroc. Et on ne se souvient plus de Morand que par son pont, un pont nouveau qu'emprunte aussi une ligne de métro, et dont le moins qu'on puisse dire est qu'il est franchement hideux, dépareillant le paysage comme si c'était un plan concerté.

    La fontaine qui se trouve au centre de la place Lyautey, œuvre de Tony Desjardins, est surmontée d’une statue de la ville de Lyon représentée sous les traits d’une femme. Cinq petits génies l’entourent, symbolisant la Navigation, le Commerce, la Force, l’Histoire et la Géographie.  A suivre sur ce lien, sur le blog CertainsJours une photo de cette somptueuse dame

    Ci-dessous, une photo de Lyautey jeune, Lyautey dont il aura été fort peu question dans ce billet puisque, selon la formule consacrée, sa vie n'intéresse que très peu l'histoire locale, beaucoup moins en tous cas que celle de l'ingénieur Morand sans lequel le Lyon moderne n'aurait pas ce visage.

     

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  • Palais de Justice

    Il y eut jadis une rue du Palais, ancienne rue des Fouettés, là même où les condamnés subissaient leurs châtiments. Cette rue disparut lors de l’édification d’un Palais de Justice digne de la deuxième ville du royaume de Louis Philippe. Voici comment le Nouveau Guide Pittoresque de l’Etranger à Lyon (1856) salue l’apparition de ce bâtiment flambant neuf, aux côtés du chevet médiéval de la primatiale Saint-Jean Baptiste : «Notre ville s’est enrichie d’un nouveau monument, destiné à remplir un vide qui existait dans l’ensemble de ses édifices, non pas seulement sous le rapport de sa destination, mais encore sous le rapport architectural : le style grec, en effet, ne figurait dans aucune œuvre complète et digne de ce nom. Cette lacune, le nouveau palais de Justice construit par M Balthard vient de la combler. »

     

    Depuis 1995, la roue a tourné et ce nouveau Palais de Justice est devenu à son tour l’ancien, ou plus précisément le Palais Historique, tandis que la plupart des affaires se traitent dans un nouveau qui a pris place au 183 de la rue de Créqui, dans le troisième arrondissement de Lyon. Sa façade se compose d’une colonnade corinthienne portée par un soubassement en pierres de taille de 3 mètres cinquante, et qu’ont rendue célèbre - depuis notamment le procès de Santo Caserio, l’assassin de Sadi Carnot (août 1884), et plus près de nous celui de Klaus Barbie (mai juillet 1987)- ses vingt quatre colonnes en pierres de Villebois

     
    Le précieux dictionnaire Brun et Valette rappelle que, de temps immémorial, on a rendu la justice en cet endroit, où s’élevait le Palais de Roanne, flanqué de la prison. C’est dans la salle des audiences criminelles de l’ancien palais de Roanne que se déroula, à partir du 12 septembre 1642, le procès du marquis de Cinq-Mars qui fut condamné à mort avec son ami et associé le conseiller au Parlement de Paris De Thou, pour conjuration contre le Roi et son premier ministre le Cardinal de Richelieu. Pendant la Terreur (1793-1794), la prison de Roanne ne désemplit pas et retint prisonniers un grand nombre de suspects jugés par le Tribunal Révolutionnaire, à l’issue d’un bref interrogatoire. Plusieurs milliers furent condamnés à être guillotinés place des Terreaux ou fusillés collectivement sur la plaine des Brotteaux.

    Dans ses Embellissements de Lyon, l’avocat Pérouse fait dire à un homme du peuple cette strophe à propos du Palais :

    « Le voilà donc fini, ce palais de chicane
    Il n’est guère plus gai que le Palais de Roanne
    Malgré son prix énorme, on le décrit d’un trait :
    Façade ambitieuse et plus ou moins correcte :
    A quoi bon, de Paris, mander cet architecte
    ? »

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    La photo ci-dessus date de 1931. On y voit Fourvière, « les 24 colonnes » ainsi que l’ancienne passerelle du Palais de Justice. L'actuelle rue du palais de Justice se compose du tronçon qui relie la rue Saint-Jean le quai, sur la droite du Palais.

  • Menestrier (passage)

    Le passage Ménestrier, dans le premier arrondissement de Lyon, traverse les bâtiments du Grand Collège ou Collège de la Trinité, aujourd'hui lycée Ampère, et permet de relier le quai Jean Moulin à la rue. Il est piétonnier et couvert. Cette dénomination rappelle le savant lyonnais Claude-François-Ménestrier, de la Compagnie de Jésus, né rue Lanterne à Lyon le 10 mars 1631, & mort à Paris le 21 janvier 1705.

    A quinze ans, il fut chargé de l'enseignement des humanités et de la rhétorique dans divers collèges dirigés par des Jésuites. Le père Ménestrier possédait, paraît-il, une mémoire prodigieuse. On raconte que Christine de Suède, de passage à Lyon et visitant le collège de la Trinité, voulut mettre à l'épreuve cette faculté de Ménestrier : trois cents mors des plus baroques furent lus une seul fois devant lui, qu'il récita deux fois, d'abord du premier au dernier, puis, en remontant, du dernier au premier, sans se tromper.
    Le premier de ses écrits parut à Lyon en 1658 : Les devoirs de la ville de Lyon envers ses saints. Beau sujet. Il fit paraître également plusieurs ouvrages sur la noblesse, un Abrégé méthodique des principes héraldiques, un Jeu d'Armoiries, le Blason de la Noblesse. Ordonné prêtre en 1660, il publia encore Soixante devises sur les Mystères de la vie de Jésus-Christ et de la Sainte-Vierge et se lança dans la rédaction d'une Histoire consulaire de la ville de Lyon , qui ne dépassa pas le XIVème siècle.

    Ménestrier s'est acquis également une solide réputation comme organisateur de fêtes et cérémonies publiques. Il écrivit pour le Collège de la Trinité plusieurs ballets, notamment : Le Ballet des Destinées de Lyon (1658), L'Autel de Lyon consacré à Louis-Auguste (1659), Le Temple de la Sagesse (1663). Quelqu'un trouva dans les nom et prénom de Ménestrier cette anagramme : miracle de nature. A quoi le jésuite répondit :


    Je ne prends pas pour un oracle
    Ce que mon nom vous a fait prononcer
    Puisque pour en faire un miracle
    Il a fallu le renverser.

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