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Les Rues de Lyon - Page 6

  • Professeur Grignard

    Victor Grignard, né le 6 mai 1871 à Cherbourg où son père était chez d’atelier à l’Arsenal, a sa rue dans le septième arrondissement de Lyon, non loin des universités, du quai Claude Bernard jusqu’à la place Jean Macé. Bachelier en 1887, il avait obtenu du lycée de Cherbourg qui porte à présent son nom l’assurance de recevoir une bourse pour préparer le concours de l’Ecole Normale Supérieure. Malheureusement l'Exposition Universelle de 1889 coûta si cher que la ville de Paris supprima les bourses et, ses parents n'ayant pas de quoi lui payer la préparation au concours espéré, il fut amené à présenter en 1889 celui d'entrée à l'École Normale Secondaire Spéciale de Cluny. Cette dernière fermant ses portes en 1891, lors d'une réforme des études secondaires, il fut, avec ses compagnons, affecté à la faculté des sciences de Lyon, dans laquelle il devint dès la rentrée 1895 préparateur, pour un salaire de mille deux cents francs par an. A la rentrée de 1895,  il travailla directement avec Philippe Barbier (1848-1922) dont il devait plus tard dresser le portrait suivant : «Elève de Berthelot, c’était un esprit très indépendant, qui n'avait pas craint, malgré l'autorité du Maître, d'adopter d'enthousiasme la théorie atomique.  De caractère un peu rude, il intimidait les débutants […]. Sa science chimique était très vaste, il remuait constamment des idées nouvelles […]... et s'il les abandonnait parfois un peu vite, sans les avoir retournées en tous sens, je serais mal venu à lui en adresser le reproche puisque s'il ne m'avait pas, après quelques essais peu encourageants, complètement abandonné l'emploi du magnésium en chimie organique, je n'aurais pas eu l'occasion de faire la découverte que vous savez.  C'est avec une profonde émotion que j'évoque le souvenir des 14 années vécues près de lui et de la sincère amitié qui nous a liés ».

    Grignard eut en ce temps là ses habitudes à la Brasserie Georges. L'examen des cahiers de laboratoire de Grignard a permis de suivre la mise au point du réactif qui porte son nom : formation préalable dans l'éther d'une solution du réactif auquel il  attribua tout de suite la formule RMgX, et ensuite seulement addition du réactif carbonylé.  Le 18 juillet  1901, il soutint sa thèse de chimie (Sur les combinaisons organomagnésiennes mixtes et leurs applications à la synthèse d'acides, d'alcools et d'hydrocarbures »), est encouragé par Berthelot, et devient peu à peu une célébrité à tel point que des néologismes se créent pour qualifier ses expériences (« grignardiser » ou « faire un grignard »).

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    Victor Grignard enseigna la chimie à Besançon et Nancy (où naquit son fils unique) avant de partager avec Paul Sabatier un Nobel de Chimie en 1912. Il est mobilisé deux ans plus tard comme garde-côte dans la région de Cherbourg puis nommé grâce à des appuis à la direction du matériel chimique de guerre, dont le laboratoire est à la Sorbonne. C’est là qu’il analyse les produits asphyxiants utilisés par les Allemands. On le retrouve en 1917 aux Etats-Unis, où il donne des conférences sur les relations entre la science et l’industrie en temps de guerre. Après l’armistice, il s’installe à nouveau à Lyon, d’abord non loin de la magnifique Ile Barbe, puis dans une villa proche de la faculté de médecine. Il est élu en 1926 à l’Académie des Sciences, dont il devient doyen trois années plus tard.

     

    Le 14 décembre 1935, il meurt dans sa  66ème année à la clinique Saint-Charles, après avoir dirigé la publication en 23 tombes chez Masson d’un gigantesque Traité de chimie organique.

    Ci-dessous et de sa main, sa devise, empruntée sur le site du lycée qui porte son nom :

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    Chacun de nous a son étoile. Suivons-là en nous félicitant de la voir chaque jour un peu plus loin

  • Berjon

    Vaise possède normalement sa rue Antoine Berjon puisque c’est dans cette commune, où son père était boucher, que naquit le peintre, le 17 mai 1754. La rue Berjon, qui traverse dans le neuvième arrondissement ce quartier en cours de réhabilitation, est celle où se trouve à présent le bric-à-brac  du foyer Notre-Dame des sans abris.

    Berjon apprit à dessiner auprès d’Antoine Michel Perrache, professeur à l’Ecole de dessin de Lyon, avant d’entrer dans une maison de soieries. La Révolution l’obligea à quitter Lyon pour Paris, où à partir de 1794, il  put compléter sa formation auprès du portraitiste et miniaturiste Jean Baptiste Augustin (1759-1832). Berjon exposa régulièrement au salon de Paris avant de regagner Lyon en 1810 pour devenir professeur de « la classe de la fleur » à l’école des Beaux-arts où il forma quantité d’élèves au métier de dessinateur de la soierie. « Ses remarquables compositions le placent au premier plan dans le genre, tant il restitue la texture même des végétaux, jusqu’à se soucier de la transparence des gouttes de rosée. », écrit Bernard Gouttenoire, dans son Dictionnaire des peintres & sculpteurs à Lyon.

    En 1823, Pierre Revoil, un de ses élèves, le fit destituer en raison de ses sympathies persistantes pour l’Empire. Il continua durant une vingtaine d’années à dessiner et à peindre, avant de mourir en solitaire, en 1843.

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    A l'orée du XIXème siècle, Berjon fut le tout premier des dessinateurs à délaisser l’anonymat de la Fabrique, le « bagne de la peinture », comme le nommera plus tard Baudelaire, pour faire une carrière en solo. Peintre minutieux du détail, du moindre grain de matière,  il entreprit également une œuvre de portraitiste qui demeura longtemps confidentielle : quelques autoportraits conservent le souvenir de son visage, taillé à coups de serpe et de son regard d’aigle. Ses portraits célèbrent des figures de la société lyonnaise sous l’Empire (Monsieur et Madame Dutillieu, Madame Augias, Mademoiselle Bailly.)

    Berjon est enterré au cimetière de Loyasse. A l’intérieur du palais Saint-Pierre on peut voir un médaillon de bronze à son effigie..

  • Maryse Bastié

    Marie Louise Dombec est née à Limoges, le 27 février 1898, dans une modeste famille. A onze ans, elle devient orpheline de père. Elle débute sa vie professionnelle dans une manufacture de chaussures, comme piqueuse sur cuir. On la retrouve, avec la guerre de 14, employée dans une fabrique de blouses pour les armées.

    D’un premier mariage, elle a un fils qui meurt très jeune de la typhoïde. Après la guerre, elle devient dactylo à la Compagnie d’électricité de Limoges, puis épouse son filleul de guerre, Louis Bastié, membre de la phalange des pilotes aviateurs. Le couple s’installe alors à Cognac, puis Mérignac où Louis est instructeur à l’Ecole d’aviation. C’est là qu’elle apprend à piloter et qu’elle obtient son brevet le 29 septembre 1925 ; Une semaine plus tard, elle passe avec son avion sous les câbles du pont transbordeur de Bordeaux. Mais une triste fatalité parait s’être nichée au cœur du destin de cette femme puisque le 15 octobre de l’année suivante, Louis se tue dans un accident d’avion.

    Loin de se décourager, elle s’installe à Paris, fréquente Orly où elle donne des baptêmes de l'air et fait de la publicité aérienne. Quand elle est enfin engagée comme monitrice de pilotage, c'est le bonheur pendant six mois. L'école disparaît, mais Maryse, mieux entraînée, a pris foi en son étoile : elle décide alors d'acheter son propre avion, un Gaudron C109 à moteur de 40 C.V. mais n'a pas le moindre sou pour le faire voler.

    Le pilote Drouhin va l'aider. Le 13 juillet 1928, il lui offre le poste de premier pilote : elle s'adjugera avec lui  le record du monde de distance de ligne droite, pour avions biplaces légers entre Paris et Trepton (Poméranie) avec 1 058 km, puis en 1929 le record de France féminin de durée pour avions légers avec 10h30' de vol, et enfin le record international féminin avec 26h44' de vol. Elle s'attaque ensuite au record de distance en ligne droite pour avion léger. Mais l'aviatrice Léna Bernstein lui ravit le record de durée en volant 35h44'.

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     Bien décidée à récupérer ce record, elle se bat avec acharnement contre les conditions atmosphériques ou la mécanique qui, a quatre reprises, la contraignirent à l'atterrissage. Enfin, décollant au soir du 2/9/1930, elle se pose le 4 après 37h55' de vol, record battu. La résistance physique de Maryse Bastié, luttant contre le froid, le sommeil, l'ankylose, les émanations du moteur, avait été mise à rude épreuve : « la durée, c'est trop dur, pour rien au monde je ne recommencerai ! » devait-elle déclarer plus tard.

    Le 28 juin 1931, elle décolle du Bourget et se pose à Yurino (Russie) après 30h30' de vol et 2 976 km parcourus. Le record international de distance en ligne droite pour avions légers monoplace est battu. A son retour, elle reçoit la croix de chevalier de la légion d'honneur et le Harmontrophy américain décerné, pour la première fois, à une française. En 1935, une australienne Jean Batten traverse l'atlantique sud en 13h30. Elle décide alors de battre ce record, après une préparation minutieuse, qui lui fera notamment faire un aller-retour avec Mermoz. Seule à bord, elle décolle de Dakar le 30 décembre 1936 et se pose à Natal au Brésil, après une traversée de 12h5'. Il fallait du courage et de l'audace pour tenter une telle traversée, alors qu'à peine un mois avant, l'hydravion piloté par Mermoz avait disparu lors d'une traversée. A son retour, elle est promue officier de la légion d'honneur.

    Durant la seconde guerre mondiale, Maryse Bastié est ambulancière, résistante, arrêtée, puis relâchée.  Elle s’engage à la Libération dans les formations féminines de l’Armée de l’Air et devient la première femme à obtenir le grade de commandeur de la Légion d’honneur.  En 1951, elle entre au service des relations publiques du Centre d'Essais en vol. C'est dans le cadre de ces fonctions qu'elle prend place à bord d’un Nord 2501  présenté lors du meeting du 6 juillet 1952. Après le décollage, le pilote cale le moteur droit afin d’augmenter les performances de l’avion. L’avion monte en chandelle sur 200 mètres, fait un virage à droite, commence à vriller et s’effondre à un kilomètre des tribunes.  

    Sa disparition eut un retentissement national. Ses obsèques se déroulèrent aux Invalides. Elle fut citée à l'ordre de la Nation et le texte de cette citation est lu chaque année le 6 juillet, devant les auxiliaires féminines de l'armée de l'air.  Maryse Bastié est enterrée au cimetière du Montparnasse. Elle totalisait 3 000 heures de vol.

    Une rue garde sa mémoire dans le huitième arrondissement de Lyon.

  • Marcel Dargent

    L’accident de voiture qui, au matin du 13 juillet 1972 coûta la vie au professeur Marcel Dargent priva le centre anticancéreux Léon Bérard de Lyon, en même temps que son directeur, d’un cardiologue de compétence internationale. Après être allé jusqu’à Grenoble la nuit précédente pour rendre visite à une patiente mourante, il fut surpris par la fatigue au volant en se rendant à une consultation à Moulins.

    Le professeur Marcel Dargent était né le 19 octobre 1908 à Lyon. Interne des hôpitaux à Lyon en 1938, agrégé de chirurgie en 1946, il est nommé chirurgien des hôpitaux en 1950 puis professeur de clinique cancérologique à l’université Claude-Bernard en 1958.

    Après avoir dirigé le pavillon B de l’hôpital Edouard-Herriot spécialisé dans les maladies cancéreuses, il prend en 1956 la succession de son maître, le professeur Paul Santy, à la tête du centre Léon-Bérard. C’est dans le cadre de ce centre, à l’édification duquel il avait largement contribué, que s’épanouit l’essentiel de son œuvre scientifique et de ses idées sur la cancérologie. Son approche fut de privilégier la chirurgie face à une chimiothérapie encore balbutiante

    En 1947, il participe, avec le Pr Léon Bérard, à la première opération en France d’exérèse du poumon. Il est également un des premiers à mettre au point des techniques pour améliorer les suites opératoires et le confort des patients dans la chirurgie des cancers de la sphère ORL, notamment du cancer de la gorge et de la langue. Il fait partie aussi des pionniers des thérapeutiques non mutilantes et des gestes conservateurs, concernant en particulier les cancers féminins (utérus et sein). Autre idée novatrice qu’il met en application pour freiner le développement des cancers mammaires métastatiques : l’ablation des glandes surrénales.

    Par ailleurs, il se passionne pour la recherche expérimentale et passe de longues heures au laboratoire. Ses derniers travaux étaient axés sur l’immunologie du cancer. Marcel Dargent fut aussi un conférencier brillant, auteur de multiples publications.

    C’est en grande partie grâce à lui que s’est installé à Lyon un autre grand bastion de la lutte contre le cancer : le Centre international de Recherche contre le Cancer, inauguré le 16 mars 1969 et qui se trouve à proximité du collège qui porte à présent son nom..

    Le 17 mars 1980, une rue du huitième arrondissement lui fut attribuée.

    Ci-dessous, un portrait de Marcel Dargent, fumeur, par Blanc et Demilly :

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  • Professeur Beauvisage

    Il naquit le 29 janvier 1852, dans la capitale. Son père, Ernest Beauvisage, était chef de Cabinet du Directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, et auteur d'importants travaux de statistiques. Mais la mort de ce dernier l’obligea à quitter le lycée Louis-le-Grand bien avant le baccalauréat. Georges, Eugène Beauvisage fut d'abord employé à la Caisse des dépôts et consignations de 1869 à 1875. Il publia un grand nombre d'articles de géographie dans certains périodiques et surtout dans le Bien public. En même temps, il suivait des cours du soir pour mener à terme des études de médecine et de sciences naturelles. C'est ainsi que le 25 février 1881 il soutint, à Paris, sa thèse de doctorat en médecine et, qu'en 1882, il obtint le diplôme de licencié ès-sciences. Il fut nommé à ce moment préparateur de travaux pratiques à la Faculté de médecine de Paris. En 1883, il était reçu à l'agrégation d'histoire naturelle à la Faculté de médecine et de pharmacie de Lyon, et fut chargé du cours de Botanique à cette même Faculté, où il devait être nommé professeur titulaire en 1903. Cet infatigable travailleur avait obtenu entre temps, en 1891, le diplôme de pharmacien.

     

    Collaborant au Bulletin et aux Annales de la Société botanique de Lyon, il fut également l'auteur d'une Méthode d'observation fondée sur l'arithmétique et la géométrie concrètes, parue en 1901, qui avait pour objet de mettre les élèves en communication directe avec les leçons de la nature. Cette même année, Georges Beauvisage créa l'œuvre municipale des « Enfants à la montagne et à la mer» et de 1906 à 1910, il fit, au cours de différents congrès, une série de communications sur l'éducation des enfants anormaux, qui aboutit à la fondation de l'Œuvre de l'enfance anormale et à l'institution de classes spéciales dans les écoles municipales de Lyon.

    beauvisage_georges1129r3.jpgIl était, depuis 1896, conseiller municipal du maire Gailleton, devint  adjoint du maire Augagneur, et le demeura sous Herriot. Il fut élu sénateur du Rhône au renouvellement du 3 janvier 1909. Inscrit au groupe de la gauche démocratique, il fut membre de plusieurs Commissions et prit part à diverses discussions, notamment sur : la création d'écoles autonomes de perfectionnement pour les enfants arriérés (1909) ; le budget de l'Instruction publique (1911) ; l'amnistie (1913) ; les mesures tendant à combattre la dépopulation en relevant la natalité; la loi de finances (1914); le budget de l'exercice 1919, les traitements des professeurs de renseignement technique, les traitements des fonctionnaires, ouvriers et employés de l'Etat (1919) ; il déposa de nombreux rapports, ainsi qu'une proposition de loi sur l'éligibilité des femmes.

    Il ne se représenta pas au renouvellement de 1920 et se tint, dès lors, à l'écart de la vie politique. « Beauvisage fut non seulement un savant, écrit Louis Maynard dans son Dictionnaire de Lyonnaiseries, mais un brave et honnête homme. Il a rempli de nombreuses fonctions publiques et est mort sans laisser aucune fortune, malgré la modeste simplicité de sa vie. La mort l’a surpris (le 8 avril 1925) dans son étroit logis du cours Gambetta, alors qu’il mettait la dernière main à une étude très documentée sur le naturaliste lyonnais Poivre. »

    Il fut inhumé au cimetière du Père Lachaise, à Paris. Le 31 août 1925, l’ancien chemin de Grange Rouge, dans le huitième arrondissement, reçoit son nom.

    On lui doit divers travaux de morphologie et de classification végétales, parmi lesquels on peut citer : Les matières grasses naturelles (1890); Les matières grasses, caractères, falsifications et essai (1891); Recherches sur quelques lois pharaoniques (1896-1897).

  • Canuts (boulevard)

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     Dans le cadre du plan d’assèchement des étangs de la Dombes, transformés peu à peu en bois et en cultures, le gouvernement avait lancé en 1859 la construction d’une voie ferrée de cinquante et un kilomètres, reliant Bourg-en Bresse à Lyon. C’est l’industriel italien Lazare Mangini (1802-1869) qui obtint alors de l’Etat, le 18 avril 1863, la concession de cette ligne. Il créa avec ses fils, Louis-Lucien (1833-1900) et Félix-Daniel (1836-1902) « la Compagnie des Dombes ». L’ouverture a lieu le 30 juillet. En 1874 ils la prolongèrent par Caluire, Cuire, Montessuy, Fontaines, Rochetaillé, Fleurieu, Neuville, Genay, Massieux, Parcieux jusqu’à Trévoux, en bord de Saône. Le train, surnommé par les Lyonnais « la Galoche », en raison des nombreuses secousses dont elle gratifiait ses voyageurs durant le trajet, connut un vif succès en permettant aux citadins le repos dominical à la campagne. A l'origine, la gare se trouvait à côté du terminus du funiculaire de la rue Terme (l’actuel tunnel routier).  Les locomotives devaient traverser le boulevard à très faible vitesse, et précédées d'un agent. Un train de la Galoche pouvait ainsi demeurer un bon quart d'heure au travers du boulevard, et cela plusieurs fois par jour. « On avait le temps, explique Pétrus Sambardier, d'aller faire une partie de boules avant que la circulation soit libre. » (1)

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    Une telle contrainte d'exploitation fut jugée trop pesante et, le 19 mai 1914, le terminus de Lyon Croix-Rousse fut déplacé au nord du boulevard, à l'angle de la place des Tapis et de la rue de la Terrasse, où se trouvaient initialement la gare marchandises et le dépôt. C’est là que débute à présent l’actuel boulevard des Canuts. Ces deux dernières installations furent, quant à elle reportées, simultanément au-delà de la rue Hénon. Le 16 mai 1953, en effet, la Galoche devait transporter ses derniers voyageurs. Et quelques années plus tard, la gare fut entièrement démolie. Voici un extrait du Progrès, daté du 27 août 1957 :

    « Curieuse désolation apocalyptique à la gare de la Croix-Rousse. Les toitures ne conservent qu'une vague charpente, le verre pilé crisse sous les pas, les murs se dégradent, les pieds se prennent dans des planches fendues cachant des clous traîtres... Plus de rails, un seul camion chargé de gravas. La gare de la Croix-Rousse est livrée à la casse. Tandis que tout s'écroule le long de la rue de Villeneuve, la SNCF fait élever pour cinquante ménages de ses employés un premier H.L.M. D'autres s'érigeront, comme lui le long de cette rue également pour le personnel de la SNCF. Face à la place des Tapis et le long de la rue de Cuire, va se construire un immeuble de quatorze étages pour soixante-dix foyers, avec au rez-de-chaussée des bureaux pour les PTT. Partant de la place des Tapis, un grand boulevard (2) longeant puis coupant les vieilles voies, prendra les Croix-Roussiens en partance pour le week-end et les lancera en direction de Trévoux. Les espaces libres de toute construction seront voués "au vert". Parcs et squares fleuris viendront concurrencer les ombrages du boulevard de la Croix-Rousse. Adieu, tortillard croix-roussien. »

    Le boulevard des Canuts a donc finalement pris la place de l’ancienne voie de chemin de fer, en 1984. L’appellation Canuts se veut un hommage aux « ouvriers tisseurs » qui, en 1831 puis 1834, se révoltèrent contre les marchands fabricants pour l’obtention d’un tarif. Cette appellation fut le début d’une réappropriation de ce terme, au XIXème siècle injurieux. A présent, à Lyon du moins, le mot peut signifier tout aussi bien un pain en boulangerie qu’un appartement en agence immobilière. Le boulevard des canuts s’étend de la rue de la place des Tapis jusqu’à la place de Cuire, au terminus du métro C. Il est longé par une piste cyclable. Au croisement de la rue Denfert-Rochereau, une fresque en trompe-l’œil représente une montée imaginaire typiquement croix-roussienne, appelée

    « le mur des canuts ».

     

     

  • Vivier-Merle (boulevard)

    Le nouvel arrivant à Lyon, quand il sort de la gare de la Part-Dieu, débarque sur une esplanade traversée par une voie moderne, sillonnée de tramways et bordée d’immeubles d’affaires et de banques, sur laquelle il ne prend peut-être pas même le temps de jeter un regard, tant il lui parait n’être ici que sur un simple lieu de transit. Devant lui se dressent le centre commercial et la tour du Crédit Lyonnais. Métros, tramways, autobus, tout l’invite à filer le plus vite possible, le plus loin possible. Et sans doute n’entend-il plus gronder le rire moqueur de l’oiseau dans ce nom de Vivier Merle, qu’il voit sur la signalétique : il est loin, le joli temps des cerises ; des oiseaux, il n’y en a plus guère en ce coin de la ville, sinon les piafs espiègles, qui chapardent sur les terrasses des brasseries miettes de croissants et croutes de pain.

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    Marius Vivier Merle naquit au pays des pierres dorées, à Legny en, Beaujolais, le 18 juillet 1890. Il devint ouvrier métallurgiste après un apprentissage à Lyon et, grâce à ce statut, échappa à la mobilisation de 1914. Il s’impliqua assez vite dans le militantisme ouvrier, put grimper les échelons au sein de la CGT dont il devint, après le congrès de Tours en 1920, un actif dirigeant. En 1922, Vivier Merle est le secrétaire général de la CGTU (confédération générale du travail unitaire), installée rue Cuvier. La montée du front populaire lui permet d’asseoir son ascendant politique au sein de la CGT réunifiée. En 36, il est à la pointe des grèves au sein de l’usine Berliet, et fait face  au préfet Emile Bollaert lors des négociations. Il se rend plusieurs fois au Mexique et aux Etats-Unis en tant que syndicaliste français.  Le 19 juin 1940, en tant que secrétaire de l’union départementale de la CGT, il fait partie, avec le préfet Bollaert, le cardinal Gerlier, le premier adjoint Cohendy, le président de la Chambre de Commerce Charbin, le secrétaire du cartel des Anciens Combattants Vicaire, des six otages représentatifs de la population lyonnaise exigés par la Kommandantur (qui l'a surnommé le Führer des ouvriers) pour maintenir l’ordre. Il est à ce titre retenu plusieurs jours  dans la préfecture.  

    Hostile au programme de Vichy, il s’engage assez tôt dans le mouvement de résistance Libération-Sud et fait alors partie du bureau clandestin de la CGT. Alors qu’il doit rejoindre le résistant Alban Vistel le 26 mai 1944, dans un immeuble de la place Jean-Macé, pour parler de la grève générale qui doit suivre le débarquement proche, ils est tué dans l’effondrement de l’immeuble, à la suite de bombardements hasardeux effectués en toute hâte et sans précaution par les Américains de l’US Force, qui larguent en une seule journée l’avalanche de 1500 bombes incendiaires de 200 à 500 kilos sur Vaise et le quartier Berthelot, faisant en tout 717 morts et 1129 blessés parmi les civils. Le 19 février 1945, son nom est donné à l’ancien boulevard de la Part-Dieu, qui faisait partie de la ceinture de fortifications établie à l’est de Lyon depuis 1830.