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Résistants

  • Marcel Rivière

    La rue Marcel Rivière appartient comme pas une à l’Histoire de Lyon. Elle porta longtemps le nom de rue de l’Hôpital, et jadis « de l’Hôpital du Pont du Rhône » (l’actuel Hôtel-Dieu, qui s'ouvrait à son commencement). La Grande Rue de l’Hôpital se prolongeait en diagonale sur l’emplacement de l’actuelle place de la République et se continuait par la rue Puits-Pelu (partie de la rue du Palais-Grillet qui s’étend de la rue Thomassin à la rue Ferrandière); puis par la rue Grenette et Mercière permettait de rejoindre le Pont du Change et le quartier Saint-Jean.

    Il faut imaginer cette rue empruntée presque quotidiennement par Louise Labé qui demeurait non loin de là, par Olivier de Magny, Clément Marot ou Clémence de Bourges se rendant chez la belle cordière  pour y déguster de la confiture et de la poésie... Ou bien encore par François Rabelais, quotidiennement de chez lui, rue Dubois à l’Hôtel-Dieu où il exerçait ses talents de médecin.

    Le rue Marcel Rivière n’est qu’un tronçon minuscule de cette ancienne voie complètement détruite qui constituait l’une des principales du Lyon Historique. Au numéro 6 de cette étroite et longiligne rue se trouve l’Hôtel de Ventes dans lequel un certain jour Marcel Rivière rencontra un certain Solko (ou le contraire) De là naquit cette sorte d'amitié mélancolique et joyeuse qui caractérise les collectionneurs de  lieux et de bibelots.


    On donna à la vieille rue de l’Hôpital le nom de Marcel Gabriel Rivière (1905-1979), un ancien journaliste au Progrès de Lyon,  résistant et déporté, qui fit partie de l’équipe municipale sous le maire Pradel.  Sur la photo ci-dessous, l'entrée de l'Hôpital condamnée par un anachronique contre-sens à devenir Hôtel de luxe, et cet autre hôtel, dédié aux ventes. 

     

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  • René Leynaud

    Cette rue fut ouverte en 1521 sur un terrain appartenant à Claude Besson, qui y créa un atelier monétaire. C’est pourquoi elle s’appela d’abord rue Besson au XV e, puis rue de la Monnaie, et rue de la Vieille Monnaie  jusqu’en 1945, date à laquelle elle prit le nom de René Leynaud qui y  posséda une chambre de bonne au n° 6 dans laquelle il hébergea Albert Camus lorsque ce dernier passait à Lyon.

    René Leynaud était né le 24 août 1910, à Vaise, de parents ardéchois. Après l’école communale, il avait fait ses études au lycée Ampère et était entré comme journaliste au Progrès à partir de 1933. « C’est probablement dans les années qui le séparaient alors de la guerre qu’il se définit à lui-même son goût de la poésie et son christianisme profond », écrit Camus dans la préface de ses Poésies.

      

    images (1).jpgMais Leynaud, qui se voulut davantage poète que journaliste, n'eut pas le bonheur de voir publier ses écrits. Gallimard ne publia son recueil qu'en 1947, trois ans après sa mort, grâce àFrancis Ponge, à qui Ellen Leynaud avait remis un paquet de brouillons et de manuscrits. A l’initiative de Bernard Beutler et Paul Gravillon, le recueil fut réédité en 1994 par le Goethe Institut et les éditions Comp’act en un volume bilingue français allemand (dans une traduction de Florian Höllerer et Judith Kees).

     

    En septembre 1939, il avait été mobilisé et combattit en Lorraine, puis en Belgique. Il fit la retraite de Dunkerque et joignit Plymouth par des moyens de fortune. Après l’armistice, il regagna la France, puis Lyon. C’est alors qu’il entra dès 1942 en Résistance et devint chef régional du mouvement Combat sous le pseudonyme de Clair. Le journal, dont le premier numéro était sorti en décembre 1941, tirera 59 numéros clandestins. Le cinquante-neuvième, portant la date du 26 aoüt 1944 annonçait la Libération de Paris.

    Les miliciens arrêtèrent René Leynaud le 16 mai 1944 à 6 heures du soir place Bellecour, alors qu’il portait des documents clandestins. Blessé aux jambes, il demeura à Montluc jusqu’au 13 juin, date à laquelle avec dix-huit autres compagnons de résistance, il fut exécuté dans un petit bois de peuplier à la sortie de Villeneuve, dans l’Ain, à l’âge de trente-quatre ans.

    «Le malheur est que la guerre sans uniforme n'avait pas la terrible justice de la guerre tout court. Les balles du front frappent n'importe qui, le meilleur et le pire. Mais pendant quatre ans, ce sont les meilleurs qui se sont désignés et qui sont tombés, ce sont les meilleurs qui ont gagné le droit de parler et perdu le pouvoir de le faire. », écrivit Camus dans Combat, le 27 octobre 1944, à propos de la mort de son ami.

    « Ils sont ce qu’ils sont, et je pense qu’ils valent peu de choses », disait Leynaud de ses écrits. On sait par Camus que s’il n’était mort, il aurait poursuivi cette œuvre qui n’est qu’ébauchée. Aujourd’hui, la rue qui porte son nom abrite plusieurs associations, centres culturels, galeries, boutiques, emblématiques de l’esprit des pentes. 

     

    « Le fleuve ? Où s’en fut-il, par qui j’étais un homme

    De détours d’aventure et de courants cachés,

    Et mes noyés profonds dont le secret s’étonne ? »

      

    (Naissances – fragment 1 in Poésies Posthumes de René Leynaud)

      

     

    Lire ICI un commentaire de ce recueil

     

  • Vivier-Merle (boulevard)

    Le nouvel arrivant à Lyon, quand il sort de la gare de la Part-Dieu, débarque sur une esplanade traversée par une voie moderne, sillonnée de tramways et bordée d’immeubles d’affaires et de banques, sur laquelle il ne prend peut-être pas même le temps de jeter un regard, tant il lui parait n’être ici que sur un simple lieu de transit. Devant lui se dressent le centre commercial et la tour du Crédit Lyonnais. Métros, tramways, autobus, tout l’invite à filer le plus vite possible, le plus loin possible. Et sans doute n’entend-il plus gronder le rire moqueur de l’oiseau dans ce nom de Vivier Merle, qu’il voit sur la signalétique : il est loin, le joli temps des cerises ; des oiseaux, il n’y en a plus guère en ce coin de la ville, sinon les piafs espiègles, qui chapardent sur les terrasses des brasseries miettes de croissants et croutes de pain.

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    Marius Vivier Merle naquit au pays des pierres dorées, à Legny en, Beaujolais, le 18 juillet 1890. Il devint ouvrier métallurgiste après un apprentissage à Lyon et, grâce à ce statut, échappa à la mobilisation de 1914. Il s’impliqua assez vite dans le militantisme ouvrier, put grimper les échelons au sein de la CGT dont il devint, après le congrès de Tours en 1920, un actif dirigeant. En 1922, Vivier Merle est le secrétaire général de la CGTU (confédération générale du travail unitaire), installée rue Cuvier. La montée du front populaire lui permet d’asseoir son ascendant politique au sein de la CGT réunifiée. En 36, il est à la pointe des grèves au sein de l’usine Berliet, et fait face  au préfet Emile Bollaert lors des négociations. Il se rend plusieurs fois au Mexique et aux Etats-Unis en tant que syndicaliste français.  Le 19 juin 1940, en tant que secrétaire de l’union départementale de la CGT, il fait partie, avec le préfet Bollaert, le cardinal Gerlier, le premier adjoint Cohendy, le président de la Chambre de Commerce Charbin, le secrétaire du cartel des Anciens Combattants Vicaire, des six otages représentatifs de la population lyonnaise exigés par la Kommandantur (qui l'a surnommé le Führer des ouvriers) pour maintenir l’ordre. Il est à ce titre retenu plusieurs jours  dans la préfecture.  

    Hostile au programme de Vichy, il s’engage assez tôt dans le mouvement de résistance Libération-Sud et fait alors partie du bureau clandestin de la CGT. Alors qu’il doit rejoindre le résistant Alban Vistel le 26 mai 1944, dans un immeuble de la place Jean-Macé, pour parler de la grève générale qui doit suivre le débarquement proche, ils est tué dans l’effondrement de l’immeuble, à la suite de bombardements hasardeux effectués en toute hâte et sans précaution par les Américains de l’US Force, qui larguent en une seule journée l’avalanche de 1500 bombes incendiaires de 200 à 500 kilos sur Vaise et le quartier Berthelot, faisant en tout 717 morts et 1129 blessés parmi les civils. Le 19 février 1945, son nom est donné à l’ancien boulevard de la Part-Dieu, qui faisait partie de la ceinture de fortifications établie à l’est de Lyon depuis 1830.

  • Jean Moulin

    Un simple chemin de terre longea longtemps le Rhône à cet endroit, qu'on appelait fort banalement le chemin des Courtines. Le mot désignait d'abord l'ouvrage de fortifications servant à relier deux tours, puis la muraille, le terre-plein et le chemin. Le 1er septembre 1740, lors de la création du quai, le Consulat lui attribua le nom de celui qui en avait été l'initiateur, le duc de Retz (1695-1765), sans rapport avec le célèbre cardinal, fougueux ennemi de Mazarin. Louis François Anne de Neuville, duc de Retz appartenait à la famille de Villeroy (voir ce nom) et était alors le gouverneur de la ville. Durant la Révolution, il fut brièvement nommé quai des Victoires puis quai Le Pelletier. Une partie constitua durant quelques temps la rue Fusterie (entre la rue Neuve et les Cordeliers). Le prestigieux quai de Retz hébergea longtemps maison de soieries dont on peut retracer la dynastie : Guyot (1750), Guyot et Germain (1769-1774), Germain et Déchazelle (1774-1808), Chuard et Cie (1808-181), Bissardon et Bony (1810-1820), Cordelier et Le Mire (1820-1833), Le Mire père et fils (1842-1865), Lamy et Giraud (1865-1894), Lamy et Bernet (1894-190), Lamy et Gautier (1900-1919), et qui devint depuis la manufacture Prelle et Cie, qui existe encore rue Barodet. Les cafés du quai de Retz (café Gerbert, café de la Perle) étaient des lieux de réunion importants et influents qui connurent leurs heures de gloire, l'un durant la Révolution de 89, l'autre durant celle de Juillet 1830.

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    L'ancien quai de Retz, avant la création des axes autoroutiers qui ont littéralement coupé les Lyonnais de leurs fleuves, constitua après la crue de 1856, avec le quai Bon-Rencontre et le quai de l'Hôpital, une promenade ininterrompue le long du Rhône, du pont Morand jusqu'au pont de la Guillotière, dotée d'un trottoir de 10 mètres de larges côté fleuve, d'une chaussée bordée d'arbres de 12 mètres, et d'un autre trottoir coté maisons de 4 m 50. Le réaménagement du quai de Retz coûta alors 950 000 francs. Voies-express et parkings polluent et défigurent hélas impunément le charme de cette promenade depuis plus de soixante ans. Sur la vue du quai (fin XIXème) placée ci-dessus, on distingue encore le vieux pont Morand, la colline de la Croix-Rousse sans les immeubles modernes et l'opéra sans la disgrâcieuse coiffe que lui attribua Jean Nouvel.

     

     

    352064640.jpgEn 1947, le quai de Retz fut attribué à Jean Moulin (1899-1943), préfet de la République, président fondateur du Comité National de la Résistance, capturé à Caluire-et-Cuire chez le docteur Dugoujon. Plutôt que de rappeler ici une histoire que tout le monde connaît, je préfère entrouvrir les portes du musée des Beaux-Arts de Béziers, sa ville natale, où sont accrochés quelques uns des nombreux dessins et croquis de Jean Moulin, de son vivant artiste, qu'il signa dans les années 30 du nom de Romanin. Dessin : Le Marin aux trois filles, encre de chine et aquarelle sur papier.