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Les Rues de Lyon - Page 13

  • Perrache

    Successivement cours, allées, chaussée et quai, cette artère, est la seule à rappeler le créateur du quartier, l'architecte et ingénieur lyonnais, Michel Perrache (1726-1779), auteur du projet d'urbanisme adopté en 1770. L'idée de reporter le confluent du Rhône et de la Saône beaucoup plus au sud des remparts de l'abbaye d'Ainay, afin de gagner du sol sur le marécage et l'eau, est bien antérieure : le parisien Hardouin-Mansard (1646-1708) avait déjà proposé de réunir tous les ilots qui se trouvaient à cet endroit, afin de permettre l'essor de la ville, enclavée entre ses fleuves et ses collines et ne pouvant s'étendre plus à l'aise comme déjà, elle en éprouvait les besoins. Mais la municipalité endettée avait jugé ce projet d’assèchement et de remblaiement bien trop grandiose et l'avait repoussé pour des raisons financières. Celui de l'architecte et mécanicien lyonnais Guillaume-Marie Delorme (1700-1782), bien que plus modeste, le fut également. Enfin surgit Perrache, Perrache qui venait au bon moment.

     

    Il était, sinon un notable, du moins un personnage connu et fort capable de trouver les appuis nécessaires à la réalisation d'un aussi ambitieux chantier. Son père, sculpteur talentueux, lui assurait déjà un nom estimé. Tout ce qu'il avait projeté ne fut pas réalisé (un canal reliant le Rhône à la Saône, producteur de forces motrices pour des moulins et usines flottantes, une gare d'eau pour accroitre le trafic fluvial sur les deux fleuves...) La réalisation du projet fut longue, difficile, plusieurs fois interrompue par les vicissitudes de l'Histoire, et Perrache mourut alors que sa Compagnie n'avait pu réalisé qu'un quai, allant de La Charité à la Mulatière. La Révolution suspendit fort longtemps les travaux, tout ce quartier n'étant alors qu'un immense terrain vague, en partie remblayé, où une population de miséreux trouvait refuge.

    La Compagnie Perrache croulant sous les difficultés financières, n'assurait plus la progression des travaux : c'était un fiasco total. En 1805, Napoléon, ayant parcouru le chantier, décida de se construire là un palais impérial. Le 7 août 1806, la Compagnie céda gratuitement, pour s'en débarrasser, le terrain nécessaire à cet édifice et l'empereur approuva le plan de son architecte, à l'emplacement de l'actuelle gare. En dépit d'entraves administratives multiples, un décret du 3 juillet 1810 ordonna la reprise du remblayage, qui se poursuivit jusqu'à la chute de l'Empire : En Juillet 1815, la cavalerie autrichienne stationnait à l'endroit où aurait dû s'élever la résidence impériale. La configuration du nouveau quartier demeura encore longtemps aléatoire, en raison des crues régulières du fleuve indomptable qui emportait régulièrement les plus audacieux bâtiments : il dut son développement à la création du chemin de fer. Une ordonnance royale du 7 mars 1827 y décida,, en effet, de la création de la première ligne expérimentale, reliant Lyon à Saint-Etienne. C’est ainsi sur le site de Perrache que furent construites les premières locomotives, par l’ingénieur Séguin qui se ruina. La gare, d’abord installée cours Charlemagne, fut édifiée à son emplacement actuel de 1853 à 1856. Le 1er novembre 1856, elle accueillit le premier train reliant Paris à Marseille en dix-neuf heures et fut mise en service le 1er juin 1857. On peut la redécouvrir sur la photo, avant l'horreur qu'on a construite devant. C’est ainsi que le nom de Perrache fut connu un peu partout.

    Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce quai est l’un des plus laids de Lyon. Depuis 1836, il est bordé par les murs austères de la prison Saint-Joseph. Dernier de la rive droite du Rhône, il débute au cours Verdun et se noie dans l’autoroute vers Marseille, grâce à l’initiative du plus stupide et du plus inculte des maires de Lyon, qu’impressionna toute sa vie le béton et l’Amérique, et dont je me refuse à écrire ici le nom. On n’a pas encore mesuré, trente deux ans après la mort de ce triste sire, toute l’ampleur des dégâts.

     
    Pour en revenir à Perrache, sa fille, nous apprend Brun de la Vallette, réalisa en son temps une jolie carrière d’artiste- peintre.

     

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  • Ainay

    Le mot semble rimer de soi avec lyonnais. Ou mieux, encore, avec aîné. Dans l’imaginaire collectif, Ainay est en tout premier lieu le pré carré des négociants anoblis, celui des hôtels particuliers, des cours intérieures, des fortunes discrètes et des mariages de convenance. A l’ombre de sa voûte, de sa basilique romane, de ses rues tranquilles, l’enclos d’Ainay conserve la discrétion légendaire des fortunes qui s’y perpétuèrent.
    L’étymologie du mot Ainay demeure très discutée. La plus probable demeure une lente altération du mot latin Canabae, car sur cette vaste plaine, jadis jonchée de flaques d’eau, les marchands gallo romains avaient installé leurs précaires entrepôts.

    On a pu aussi parler d’une expression grecque signifiant « vers le temple » (es naos), car les premiers historiens, dont Guillaume Paradin, ont longtemps localisé à Ainay le temple d’Auguste, situé en vérité, à Condate (pentes de la Croix-Rousse).

    Certains auteurs ont imaginé que des Grecs, exilés de leur patrie, étaient venus s’établir dans des temps fort reculés au confluent des deux rivières pour y fonder une Académie d’éloquence (athenaion en grec). Dans Tristan le voyageur de France de Marchangy (1826), on lit ceci :

    « La rue d’Ainay eut un charme secret pour ses premières colonies qui venaient s’établir de loin sur ce beau rivage d’où il sortit bien des fous. Cette école de sophistes s’appelait l’Athénée. Et le doux souvenir de la patrie, qui dura jusqu’au temps des Romains attirés sur les mêmes lieux par les mêmes penchants, bâtirent sur les ruines de l’école de la sagesse ce cirque d’éloquence forcée, où les orateurs qui ne pouvaient obtenir le prix, étaient jetés dans les flots de la rivière. Et comme je m’étonnais qu’il eut existé une pareille institution, on me répondit qu’elle avait été fondée par Caligula. Alors je n’eus plus rien à dire. »

    Il a été aussi question d’un autre terme grec évoquant les martyrs et signifiant «éternels» (athanacum), du nom du premier patron de l’église Saint-Martin, (Saint-Athanase), du nom d’un notable gallo-romain propriétaire d’une partie du terrain, d’une racine signifiant cours d’eau, d’où vient le mot Ain. Quelle étrange passion humaine, que l'étymologie, n'est-ce pas ?

    La place d’Ainay, telle qu’on la rencontre aujourd’hui, forme le parvis de la basilique Saint-Martin (voir ci-dessous), et se prolonge par la rue de l’abbaye d’Ainay. Si l'église est toujours là, l'abbaye a disparu depuis longtemps. Ainay, c’est aussi le terme générique qui désigne le quartier, « maussade et habité par une élite », écrivait Jean Dufourt en 1926 : Son roman, Calixte ou Introduction à la vie lyonnaise eut un succès considérable dans les années vingt, en contant les mésaventures d’un jeune parisien tombé amoureux d’une fille de riche famille lyonnaise, habitant naturellement ce quartier synonyme de la plus pure tradition catholique, où tout le monde se connait.
    « Nous nous engageâmes ensuite dans un dédale de ruelles et de places de bien pauvre mine. Et Calixte commença à saluer les passants avec une déférence qui me surprit. Et plus nous allions, plus les maisons s’élevaient, plus les rues s’effilaient, plus Calixte saluait »

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  • Basse combalot

    Après les inondations de 1825, la municipalité de La Guillotière (la commune ne devint le septième arrondissement qu'en 1852, lors de son annexion à Lyon) adoptant les plans de l'entrepreneur et ingénieur André Combalot, (1770-1841) fit combler les cinq arches orientales du pont du Rhône et exhausser les bords du fleuve. L'emplacement sur lequel Combalot édifia son nouveau quartier était une île appelée île de Plantigny (entre le Rhône et la place du Pont). Combalot ouvrit la rue qui porte aujourd'hui son nom en 1826; elle prit le nom de Basse-Combalot, parce qu'elle se trouvait en contre-bas du cours des Brosses (actuelle cours Gambetta).

    Pétrus Sambardier raconte qu'au dix-neuvième siècle, cette rue était encore bordée de prés, le pré des Danses, le pré des Repentirs). Ils portaient ces noms à cause des réjouissances de la jeunesse lyonnaise qui venait souvent s'y attarder. S'imagine-t-on de nombreuses tavernes et guinguettes, se figure-t-on un bord de fleuve tranquille, empli de jardinets et de vergers, dans ce qui est à présent le quartier chinois du septième arrondissement ?

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    vue des arches et de la tour centrale du vieux pont de la guillotière
  • Rouville

    Le nom donné à cette place est un hommage rendu à la mémoire de l'Imprimeur Guillaume Roville (ou Rouille - en tous cas Rouville est une erreur), bienfaiteur des hospices de Lyon. Il naquit à Tours vers 1518 et s'établit à Lyon en 1546, pour épouser la fille de Sébastien Gryphe, dont il sera question dans un prochain billet. Des gravures sur bois donnèrent à ses éditions un intérêt tout particulier : Parmi les ouvrages sortis de ses presses, on peut citer :

    - Les oeuvres de Clément Marot (1546)
    - Le Décaméron (1565)
    - Une Bible en latin (1569)

    Roville a écu au temps où les hommes n'avaient pas de codes, mais des devises. La sienne, c'était : « In virtute et fortuna ». Sobre et précis, on le voit. Le biographe de Roville rajoute que c'est lui qui créa à Lyon le premier Institut de botanique, avec jardins, dessinateurs, graveurs... Rue Mercière, Roville possédait quatre maisons. Celle qu'il habitait et où se trouvait son imprimerie portait comme enseigne "L'écu de Venise". Les trois autres étaient ainsi désignées : L'Ange, le Phénix, la Toison d'Or. Il mourut en 1589 et fut inhumé au monastère des Célestins. Dans son testament, il exigea que ses revenus soient accumulés par périodes de cinq ans, puis distribués, parmi ses descendants, aux cinq qui seraient les plus pauvres.

    La place qui porte le nom écorné de Rouville, fut ouverte sur un terrain vendu à la ville en 1838 par le riche teinturier Gonin. On venait d'y bâtir un immeuble célébrissime à Lyon, car il domine la place et on voit fort bien du centre-ville sa façade aux 365 fenêtres, une par jour de l'année. Cet immeuble connu sou sle vocable de "maison Brunet", est emblématique des constructions faites pour les canuts au début du XIXème siècle. Il a été construit sur le modèle du calendrier, avec 7 étages comme sept jours par semaine, 52 appartements comme le nombre de semaines dans l'année, 4 entrées comme 4 les saisons. Le 22 novembre 1831, les insurgés s'y retranchèrent et livrèrent une vive bataille contre les troupes montant par la rue de l'Annonciade. Devant la maison Brunet, un triangle végétal ou le nom ROUVILLE est inscrit en lettres de fleurs s’étale sur la surface de la place. Les fleurs changent selon les saisons.

    La photo de l'immeuble, ci-dessous, est de D Valot. Pour finir je dirai que de ce point de vue on dispose d'une des plus belles vues de Lyon, avec une vue plongeante sur la Saône encaissée et la colline de Fourvière, ainsi que les toits de la vieille ville jusqu'à Saint-Nizier.

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  • Claire

    Le domaine de la Claire, aujourd'hui disparu, avait été contruit au seizième siècle pour Jean Clarissimo Chernachi, riche fabricant d'étoffes italien surnommé Le Clair. La demeure était entourée de magnifiques ombrages, dont le souvenir ferait pester aujourd'hui les automobilistes pris dans les embouteillages presque insolubles de Vaise.

     Les jardins, que décora Le Nôtre, étaient arrosés par des fontaines limpides. C'est dans cette demeure que, venant pour la première fois à Lyon, Henri IV s'installa, le 21 août 1593 et y reçut les hommages des échevins lyonnais, tout comme il logea au château de la Duchère à la veille de son mariage avec Marie de Médicis en la cathédrale Saint-Jean.

    A l'issue du siège de 1793, le général Précy, le chef des insurgés, livra un dernier combat à la Claire, avec une poignée d'hommes, avant de réussir à échapper aux Conventionnels et de se retirer sur Saint-Romain de Popey. En 1814, la maison de la Claire servit de citadelle à huit cents soldats d'Augereau qui parvinrent, retranchés là, à résister aux Autrichiens. En décembre 1815 les Alliés quittant Lyon trouvèrent à leur sortie du côté de Vaise et jusque dans la maison de la Claire qu'ils occupaient un écrit répandu à profusion, intitulé Adieu des Lyonnais aux Alliés.

                                                                       
    « Contents de vos belles prouesses
    Allez cultiver vos guérets,
    Si vous emportez nos richesses
    Vous n'emportez pas nos regrets.

    Mais si nous prenant pour des lâches,
    Vous croyez nous avoir vaincus,
    Souvenez-vous que vos moustaches
    Frent vingt ans nos torche-c ... »


    Sur une partie des terrains fut aménagée en 1854 la gare de Vaise. De ce domaine, de cette histoire, seule témoigne cette petite rue qui permet de rejoindre, face à la gare de Vaise, le quai du Commerce à la rue de Bourgogne. Ci-dessous, une vue prise de la Claire, de Guindrand, provenant du fond Coste de la Bibliothèque de Lyon. On voit au loin la colline Fourvière et le défilé Pierre Scize

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  • Mail

    Rue du Mail, rue du Jeu de Mail, il en existe un certain nombre en Provence ou dans la vallée du Rhône, notamment à Nîmes. Le mail était un jeu fort répandu sous l’Ancien Régime. Sorte de cricket, il envahit toute la France au XVIIème siècle et l’on vit même la création d’un corps de « maitres mails » à Montpellier. Louis XIV s’y adonna depuis l’enfance, sur le mail des Tuileries qu’il fit agrandir et sur celui de Saint-Germain-en-Laye. Voici ce qu’en dit l’Académie universelle des jeux, publiée à Amsterdam en 1786 :

    «Le jeu est propre à tous les âges, depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse. On peut en même temps jouer, causer et se promener en agréable compagne. On y a plus de mouvements qu’à une promenade ordinaire. L’agitation qu’on se donne pour transporter la boule d’espace en espace fait un merveilleux effort pour la transpiration des humeurs & il n’y a point de rhumatismes ou d’autres mots semblables qu’on puisse prévenir ou guérir par ce jeu, la prendre avec modération, quand le beau temps & la commodité le permettent. Sa beauté ne consiste pas faire de grands coups, mais à jouer juste, avec propreté, sans trop de façons. Le corps ne doit être ni trop droit, ni trop courbé, mais médiocrement penché, afin qu’en frappant, il se soutienne par la force des reins, en le tournant doucement en arrière de la ceinture, en haut avec la tête sans toutefois perdre la boule de vue. C’est ce demi-tour du corps qu’on appelle jouer des reins, qui faisant faire un grand cercle au mail, fait l’effet de la force mouvante qui vient de loin. Si le mail est trop long ou trop pesant, on prend la terre ; s’il est trop court ou trop léger, il ne donne pas assez de force & l’on prend la boule par en dessus. Il importe donc chaque joueur de se choisir un mail qui lui convienne, dont il se rende le maître, & qu’il proportionne la boule à sa masse. Car il est bon de prendre garde à tout ».

    La balle est le plus souvent en buis, les meilleures balles étant celles en bois de néflier. Sur la promenade du grand rempart de la Croix-Rousse avait été organisé un parcours, sablé et bordé d’arbres, long d’environ cent cinquante mètres, dont la rue qui nous occupe conserve le souvenir. C’est dans cette rue que siégea, en 1848, le club de la Croix-Rousse.

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  • Sébastien Gryphe

    Le nom du comte de Chabrol, préfet du Rhône en 1815, avait d'abord été attribué à cette rue du septième arrondissement de Lyon. En juillet 1879, elle reçut celui de l'imprimeur wurtembergois Sébastien Gryphe. Né en Souabe, à Reutlingen, vers 1492 (date approximative), le maître-imprimeur est attiré vers Lyon par les membres de la grande Compagnie des Libraires et s'y établit en 1524 en épousant la fille d'un imprimeur, Françoise Miraillet, pour y mourir en 1556. A présent, ses éditions, tant françaises que latines, sont des pièces de musées. Ayant d'abord travaillé à Venise, où il latinisa son nom de Sébastian Greiff en Griphius, il avait amassé un pécule suffisant pour acquérir des caractères italiques et romains de qualité. Il publia Erasme, Politien, More, les éditions complètes de Marot...

     En tout, 1500 éditions en 32 ans. C'est lui qui révéla les Aphorismes selon Hipocrate d'un certain François Rabelais. Il fut par ailleurs l'éditeur attitré des juristes et des avocats. Son officine devient du même coup un lieu de rencontre et parfois le foyer d'un monde lettré.

    Il est curieux qu'on ait relégué Sébastien Gryphe dans le septième arrondissement, loin de sa rue Mercière, où le maître imprimeur forma des éditeurs célèbres comme Etienne Dolet ou Jean de Tournes. Sa marque consistait en un griffon sur un demi-cube, lié par une chaîne à un globe ailé, avec cette devise : Virtute duce comite fortuna (empruntée à une lettre de Cicéron à Munatius Plancus). Son fils Antoine lui succéda mais se ruina assez rapidement. Son épitaphe fut composée par Charles Fontaine, un poète parisien :


    La grand'Griffe qui tout griffe
    Ha griffé le corps de Gryphe
    Le corps de Gryphe, mais
    Non le loz, non, non, jamais !


    Je place en lien ici un remarquable mémoire de recherche réalisé par quatre étudiantes sur la production de Gryphe, en 1538 et 155. CI dessous, la "griffe" de Gryphe (son enseigne se nommait L'écu du Griffon) :

     

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