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Les Rues de Lyon - Page 19

  • Macchabées

    En voilà un nom de rue extraordinaire : J'habite rue des Macchabées ! On va boire un pot, rue des Macchabées ? Il y faut de l'humour, et si possible teinté de noir... Le nom rappelle, en réalité, une église dédiée aux sept frères Macchabées et décrite par Sidoine Apollinaire comme l'une des plus belle du temps que le Lyon gallo-romain jetait ses pleins feux. Elle a été remplacée par l'actuelle église de Saint-Just, sur le portique de laquelle on peut lire : Macchabeis primo, deinde sancto Justo, ce que les potaches du lycée de Saint-Just mitoyen traduisirent longtemps Macchabée, première dinde de Saint-Just ...

    D'après les martyrologues lyonnais, les sept frères Macchabées furent martyrisés en 167 avant Jesus Christ et une légende voulut que leurs restes parvinrent jusqu'à Lyon où ils furent déposés, avec ceux de Saint-Just, dans cette ancienne basilique, à laquelle on donna alors leur nom.

    Macchabées, cependant, ne pourrait-il pas tout aussi bien être un nom commun (synonyme, je le rappelle de cadavres)? Aux moindres travaux, cette étroite artère ne se transforme-t-elle pas, en effet en site archéologique ? La pose d'un égout au milieu de la rue a récemment révélé la présence d'une nécropole mérovingienne au sud-ouest de l'emplacement de l'ancienne basilique : Quatre sarcophages trapézoïdaux, deux épitaphes chrétiennes y ont été mis à jour. Pendant l'hiver 1952-1953, sept sarcophages chrétiens du début du VIème siècle avaient été découverts. Un peu avant, devant le n° 82, des sarcophages d'enfants et plusieurs inscriptions chrétiennes du IVème siècle. En 1903/1904, lors de la construction de l'immeuble au numéro 18, d'autres sarcophages. Construite sur une superposition de cimetières dans lesquels se sont empilés tout ce que la ville a connu de notoriétés gallo-romaines puis burgondes, elle porte décidément bien son nom, destiné à intriguer les profanes, effrayer les enfants, amuser les potaches, inquiéter ses habitants et passionner les archéologues...

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    Eglise Saint-Just, à l'emplacement de l'ancienne église des Macchabées
  • Marius Berliet

    L’inflexible : Surnom de Marius Berliet (1866- 1949 ), dont la légende dit qu’il ne s’est jamais plié, ni devant des volontés gouvernementales, ni devant des volontés syndicales.
    A l’enterrement de son père, le 30 août 1899, sa mère aurait murmuré, en se blottissant contre son épaule : « Marius sera le Napoléon de la famille.» De fait, de Berliet et Bellet, la modeste entreprise familiale qui fabriquait du satin et du tissu pour doublure de chapeaux, il est passé à l'entreprise Berliet tout court, qui fabriqua des camions. En 1893, Marius entre dans l'histoire des pionniers de l'automobile, en élaborant seul son premier modèle de voiture à pétrole, la Berliet 1. Un peu plus tard, il réalise avec son deuxième modèle un aller retour Lyon-Villefranche à quarante à l’heure. Dans le petit paradis pour piétons qu’est alors la ville, il deviendra l’un de ces cent quarante entrepreneurs tentant sa chance, au sein d’un marché encore très peu réglementé. L'époque des francs tireurs industriels !

    Au 56 de la rue Sully, laissant à son frère Benoît les destinées de la fabrique de satin paternelle, Marius s’installe dans un atelier rudimentaire qu’il transportera quelques années plus tard au 12 rue des Quatre-Maisons à Monplaisir. Dix mille mètres carrés, deux cents cinquante ouvriers, employés et cadres : l’empire Berliet se développe à un rythme qu'on dirait merveilleux, en ces temps de l’âge d’or automobile.

    En 1906, lorsque le premier camion apparaît, les succursales vont désormais se multiplier : Paris, Marseille, Nice, Nancy, Lille, Alger, Lisbonne… La plaisanterie qui court alors est celle-ci : Berliet fabrique-t-il des usines pour construire des camions, ou des camions pour construire des usines ? De 1910 à 1915, obsédé par le modèle du gigantisme américain, il conçoit lui-même l’ensemble des plans du site de Vénissieux, une expérience véritablement fantastique pour l'poque : le modèle de l'usine intégrale, regroupant fonderies, aciéries, forges, ateliers d’emboutissage, d’usinage et de montage, 30% plus vaste que l’usine Ford à Détroit ! Une voiture, la VB., un camion, le CBA, qui roulera sur la voie sacrée de Verdun et deviendra « le camion de la victoire ».
    Cet âge d’or de l’automobile, qui prend fin durant l’entre deux guerres, a suffi pour faire de Marius Berliet, à l’instar de ses concurrents de Billancourt et de la rue de Javel, un phénix de l’Industrie, capable de renaître de toutes ses cendres, une légende vivante du vingtième siècle.

    467631748.jpgLorsqu'en 1930 la fabrique de soie s'écroule définitivement, la ville est au bord de la faillite, un peu comme le Nord le fut dans les années quatre-vingts. Les usines Berliet assurent la reconversion progressive d'une grande partie du prolétariat, frappé par la crise ; métallurgie, pétrochimie, automobile : c'est entre autres grâce à Marius Berliet et son industrie que l'économie locale ne s'est pas effondrée. A la veille de la seconde guerre mondiale, il produit onze modèles de camions pour une seule voiture, la dauphine 11 CV. Réquisitionnée en 1939, l’usine de Vénissieux est bombardée le 2 mai 44. Mais son amitié pour le Maréchal le rend suspect à la Libération.

    Comme Louis Renault et d’autres industriels, il est arrêté le 4 septembre 1944, puis incarcéré à la prison Saint-Joseph, dépossédé de ses usines et de ses biens. Il meurt le 17 mai 1949, quelques jours avant leur restitution par le Conseil d’Etat, le 22 juillet 1949. Aujourd’hui, la marque Berliet n’existe plus et a été absorbée par RVI (Renault véhicules industriels). Pour célébrer la mémoire de ce grand capitaine d'industrie qui a marqué de son empreinte les familles lyonnaises (qui n'a pas dans la sienne un ou deux parents, proche ou lointain, ayant travaillé pour Berliet où l'un de ses sous-traitants ?) ainsi que les routes de France et de Navarre où ses engins s'illustrèrent durant plus de soixante-dix ans, une rue de Monplaisir rappelle son existence, dans le huitième arrondissement.

  • Jean Jaurès

    On ne présente plus le fondateur de l'Humanité. Le soir du 31 juillet 1914 reste gravé dans toutes les mémoires. Au café du Croissant rue Montmartre, à deux pas de l'Humanité, Raoul Villain tire deux balles sur Jean Jaurès qui s'effondre. Le 4 août au matin, tandis qu'on célèbre les obsèques du chef socialiste à Paris, l'Angleterre déclare la guerre à l'Allemagne. La veille, l'Allemagne l'avait déclarée à la France. Le 29 mars 1919, son assassin est acquitté et sa veuve condamnée à payer les frais du procès aux dépens.

    Sa dépouille entre au Panthéon le dimanche 23 novembre 1924.

    Voici les dernières lignes de Qu'as-tu fait de ta jeunesse, deuxième tome de l'autobiographie d'Henri Béraud (1941), et le raccourci saisissant qu'il opère entre les deux événements :

    1246755646.jpg« Il était à peu près dix heures quand un homme traversa la rue au pas de course en criant : On a tué Jaurès ! Cette nouvelle, en cette nuit fiévreuse, eut un effet électrique. Il y avait dans l'air une sorte d'horreur sourde, où le cri de ce passant retentit comme un tocsin. Ce que nous vîmes alors, on dut le voir partout. Les gens se levèrent en renversant les chaises. Ils parlaient tous à la fois. Certains fondaient en larmes. Ce que l'on attendait était soudain écrit dans es ténèbres, avec le sang de ce premier mort.
    La rumeur d'un cortège grondait au loin. Les hommes obscurs pleuraient leur tribun. Des lambeaux d'Internationale arrivaient, traversés de coups de sifflets et mêlés aux cris de "Vive la France !!" On vendait des éditions spéciales avec le portrait du chef socialiste entouré d'un filet noir. Il avait expiré sur une table de café; Je l'imaginais étendu, le front troué, des gouttes rouges tombant sur le marbre. Et je le revoyais tel que je l'avais vu naguère à la tribune du meeting, sa tête de vieux lion, son bras tendu vers la foule, une main blanche et courte qui faisait trembler l'exaltation de son verbe puissant...
    Un coup de canon secoua l'air, un seul. Il venait des batteries de Fourvière qui devaient annoncer ainsi la mobilisation. Tout se tut. Les gens se regardèrent. A ce moment, un des nôtres, Francisque Laurent, parti aux nouvelles, apparut dans l'encadrement de la porte. Il était pâle à tomber. On entendit : C'est la guerre !

    Il y eut un long silence, que rompit enfin la voix, sépulcrale, de Godien : -Ah! dit-il, nous étions si heureux ! »

    ( le dessin de Jaurès tribun est d'Eloy Vincent)



    La partie de l'avenue de Saxe qui traversait tout le septième arrondissement lui a été dédiée. Du cours Gambetta jusqu'au stade de Gerland, elle s'étire à présent sur trois kilomètres et passe pour l'une des plus longues de Lyon. Jean Jaurès n'est venu qu'une fois à Lyon. C'était au Pax, rue Villeroy, une rue du troisième dont on parlera également un jour.

  • Vauban

    Vauban n’a pas seulement donné son nom à une rue du sixième arrondissement de Lyon, il l’a aussi donné à son village de naissance, jadis Saint-Léger de Foucheret, actuellement Saint-Léger-Vauban, dans l’Yonne. Vauban naquit dans une famille de petite noblesse nivernaise. Il doit son entrée dans le monde au prince de Condé dans le régiment duquel il fait il commence son apprentissage militaire à partir de 1651. En 1655, il obtient le brevet d’ingénieur militaire et participe, dès lors, à la plupart des campagnes militaires de Louis XIV, dont le règne personnel vient de commencer.

    Gouverneur de Lille en 1668, brigadier en 1673, maréchal de camp en 1676, commissaire général des fortifications en 1678, lieutenant des armées du roi en 1688, Vauban n'accédera au maréchalat qu'en 1703. Le nom de Vauban, pour toute personne ayant fait un peu de tourisme culturel en France, reste lié aux fortifications édifiées sous ses ordres pour protéger les frontières et les côtes du pays : le fort de Briançon en haute montagne, le phare du Stiff à Ouessant : deux exemples parmi tant d’autres de son travail au service du Royaume et du Roi.

    Il est aussi l’auteur du Traité de l'attaque des places et du Traité de défense des places, publiés l'un et l'autre en 1706, qui sont passés rapidement à la postérité. Ce qu’on sait moins, c’est qu’il fut aussi une sorte d’écrivain moraliste : comme il connaissait 1213021101.jpgadmirablement la France qu'il traversait continuellement, Vauban s’était rendu compte des difficultés auxquelles était confrontée sa population, en particulier les paysans, accablés par les guerres et par les impôts. Il chercha avec lucidité des solutions, qu'il consigna tout au long de sa vie dans de nombreux mémoires ou traités intitulés : Mes Oisivetés, ou Pensées d'un homme qui n'avait pas grand-chose à faire.

     

    Cette rue porte son nom dés l’aménagement du quartier des Brotteaux par Vitton. Ce dernier avait eu l’idée de donner à tout le quartier au fur et mesure de son déploiement en damier morne et régulier les noms des hommes les plus illustres de l’histoire du pays, de manière de faire de ce réseau une illustration en plein air son historie : c’est lui qui baptisa ainsi les rues de Godefroy, Duguesclin, Crillon, Montesquieu, Malesherbes, Saxe, Vendôme, Charlemagne, Bourbon, Louis-le-Grand… Et parmi eux Vauban. Certaines de ces appellations subirent les foudres de ses successeurs républicains, d’autres, comme Vauban, sont demeurées.

  • Lanterne

    Lorsqu'il était enfant, le Petit Chose vécut rue Lanterne. Enfin, le Petit Chose, c'est manière de parler, puisqu'en réalité c'est Alphonse Daudet, son créateur, qui y séjourna. Du logis sombre, sale, hanté par les "barbarottes" (les cafards), Jacques Eyssette n'a pas gardé un souvenir fort joyeux, comme en témoigne ces quelques lignes d'Alphonse Daudet : « De pièce en pièce, les damnées barbarottes me poussèrent jusqu'à notre ancienne petite chambre, au fond du corridor. Là, elles me laissèrent deux ou trois jours de répit, puis un matin, en m'éveillant, j'en aperçus une centaine qui grimpaient silencieusement le long de mon balai, pendant qu'un autre corps de troupe se dirigeait en bon ordre sous mon lit. Privés de mes armes,  forcé dans mes derniers dedans, je n'avais plus qu'à fuir. C'est ce que je fis. J'abandonnais aux barbarottes le matelas, la chaise, le balai, et je m'en fus de cette horrible maison de la rue Lanterne, pour ne plus revenir »
    On connaît cette rue du quartier Saint-Nizier, dans le premier arrondissement, depuis 1356, en raison d'un bas-relief placé à l'angle d'une maison, qui représentait un lion avec une lanterne sous sa griffe. Une section de cette rue, placée entre la place de la Platière et la rue Longue, s'appelait jadis la rue de l'Enfant-qui-pisse, à cause encore d'une enseigne. Au seizième siècle, les Fossés de la Lanterne jouxtaient la rue et tenaient leur appellation d'un fanal allumé sur la plus haute tour de l'une des portes de la ville. On démolit en 1650 leur plus haute tour, dite "des poudres". La rue Lanterne a longtemps été mitoyenne de la Boucherie des Terreaux (voir rue d'Algérie).Cette rue est l'une des plus vieille de la presqu'île, pour avoir échappé à sa complète restructuration par le préfet Vaisse. De vieilles enseignes s'y sont succéder, d'auberges (Le Lion d'or, le Grand chevalier, l'Ecu de France, le Fort de Brissac), d'apothicaires (l'Aigle d'or, le Cerf, le Dragon, le Boa, l'Ours blanc, le Serpent, la Licorne...).

    La rue Lanterne héberge "deux temples" : au n° 10, depuis 1857, un temple protestant, pour desservir la paroisse des Terreaux. Et depuis 1981, au n° 26, le temple du jazz, le hot-club, qui avec 5 concerts par semaines depuis soixante ans dans la presqu'île, et une programmation allant du be-bop au New-Orléans en passant par le latino ou le cool jazz, est devenu incontournable pour tous les amateurs.

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    Eglise réformée, 10 rue Lanterne.

  • Barodet

    Jusqu'au 16 mars 1908, date à laquelle elle prit le nom de Désiré BARODET (1823-1906), cette rue du quatrième arrondissement portait le nom de petite rue d'Enfer. Le premier fait d'armes de Désiré Barodet fut d'avoir été révoqué par M. de Falloux de ses fonctions d'instituteur dans l'Ain en 1949, du fait de ses convictions républicaines. Le 4 septembre 1870, il fut de ceux qui proclamèrent la déchéance de l'Empire et la République, à l'Hôtel de Ville de Lyon, huit heures avant Paris. Élu conseiller municipal, il devient le premier adjoint au maire Jacques Hénon. A la mort prématurée de ce dernier, le 23 avril 1872, Désiré Barodet est désigné comme maire à sa place. Dans le journal La Mascarade du 28 avril 1872, on relate en ces termes son accession :

    « Sans contredit, M.Barodet manque un peu de prestige : la mairie de Lyon n'avait jamais dû lui apparaître jadis que sous une forme de rêve lointain; et, comme il n'est pas tout fait sot, il doit rire un peu, dans sa belle barbe, de se voir si rapidement arrivé à un poste qui a un certain renom, dans une ville de 400.000 habitants »
    De la mairie de Lyon, Désiré Barodet dut démissionner rapidement, l'Assemblée nationale ayant décidé, le 4 avril 1873, la suppression de la mairie centrale de Lyon. Une carrière politique nationale s'ouvre alors à lui : Le 27 avril 1873, il est élu député de la Seine contre le ministre des Affaires Etrangères et ami de Thiers, Charles Rémusat, par 180.000 voix contre 135.000. C'est sur sa proposition que s'ouvrirent, en 1889, les portes du Panthéon pour recevoir les cendres de Lazare Carnot, de Hoche, de Marceau. Il est connu comme l'auteur d'un dictionnaire des professions de foi établies par les candidats au début de leurs législatures, qui porte désormais son nom, le Barodet. Selon Barodet, le rappel des engagements pris par les députés lors de leur campagne électorale doit permettre de répondre aux « deux questions que doit se poser toute assemblée délibérante au début de ses travaux » : Qui sommes-nous ? Et Pourquoi sommes-nous ici ?


    1481769977.jpgDès l'origine, cependant, le Barodet a été critiqué par ceux qui y voyaient l'expression d'un mandat impératif.

    "Les électeurs, a-t-on dit, ne votent pas pour les multiples détails plus ou moins cohérents d'un programme, mais pour la tendance générale qui s'en dégage. La majorité gouvernementale ne peut d'ailleurs résulter que d'un compromis conclu entre les différents programmes soumis aux électeurs." De nos jours, l'appartenance de la plupart des candidats à des partis structurés, dotés de programmes précis et contraignants à réduit la portée de ce débat. La même évolution a fait perdre beaucoup de leur variété, et de leur pittoresque, aux « professions de foi » reproduites dans le « Barodet », qui tend à n'être plus qu'un recueil de déclarations identiques, à quelques variantes locales près, pour les candidats de chaque parti.
    Barodet fut constamment réélu jusqu'en 1896, date à laquelle il devint sénateur. Retiré de la vie publique, il se vit offrir des postes fort bien rétribués qu'il refusa, disant qu'il ne croyait avoir droit à autre chose qu'à une compensation au titre d'instituteur autrefois révoqué pour des opinions républicaines. Il accepta, sous cette forme, une très modeste charge de receveur-buraliste dans un canton rurale.

    Il mourut le 22avril 1906. Conformément à ses derniers vœux, il est enterré au cimetière de la Croix- Rousse.

     

  • Président Carnot (rue)

    Le 24 juin 1894, le Président de la République Sadi Carnot est à Lyon où il est venu visité l'Exposition Universelle. En compagnie du maire de Lyon, le docteur Gailleton, et des généraux Voisin et Borjus, Sadi Carnot se rend dans un landau découvert au Grand-Théâtre pour assister à une représentation d'Andromaque. De la Bourse au Grand-Théâtre, les trottoirs sont noirs de monde. « La ville, écrit le romancier Henri Béraud dans ses souvenirs, était illuminé au moyen 1071259783.jpgde godets pleins de suifs. » Soudain, un jeune homme vêtu de gris fend la foule et plante un poignard dans la poitrine du président avant de s’enfuir. Comprenant très rapidement la gravité de la blessure, le docteur Gailleton détourne le landau présidentiel vers la préfecture. Atteint à la veine porte et au foie, Sadi Carnot, né à Limoges le 11 août 1837, élu président de la République le 3 décembre 1887 à la suite de la démission de Jules Grévy, décède à 0h 30, le 25 juin 1894, après une opération de la dernière chance pratiquée sans anesthésie à l’intérieur de la Préfecture. L’assassin est un jeune anarchiste italien de vingt quatre ans, Santo Jeronimo Caserio, venu de Sète où il était apprenti boulanger. Il affirme avoir agi seul.

    La mort de Sadi Carnot engendra une immense émotion dans tout le pays et fit la «une» de tous les suppléments illustrés. Cela donna lieu à un commerce important de portraits, reproductions, biographies, statuettes, médailles et biographies du président défunt. La nuit fut terrible pour les compatriotes de Caserio. « Il avait dit sans hésiter son nom, son pays. Cela s’était vite répandu. Les autorités n’eurent ni le temps, ni le moyen de contenir une populace ivre de cris, de colère et d’alcool, qui sans retard saccageait et pillait les cafés italiens, les plus beaux de la ville. Après quoi, cette foule cherchait partout de malheureux ouvriers qui ne demandaient qu’à être espagnols » raconte encore Henri Béraud dans ses souvenirs d'enfance.

    Après une instruction rondement menée en vingt-deux jours, le 3 août 1894, Caserio est condamné à mort. Il accueille sa condamnation en criant : « Vive la Révolution Sociale ». Casimir Perrier, le nouveau président ayant refusé son recours en grâce, Caserio est guillotiné à l’aube du 16 août 1894, à l’angle de la rue Smith et du cours Suchet, devant l’ancienne prison Saint-Paul.

    Pour perpétuer le souvenir de cet événement, Lyon possède donc une rue du Président Carnot, qui traverse le quartier Grolée dans le deuxième arrondissement, à ne pas confondre avec la place Carnot, dédiée elle à son grand père Lazare (1753-1823), dit « le Grand Carnot ».

    Tous deux reposent, par ailleurs, au Panthéon.

    Photo : Médaille populaire représentant l'attentat