François Vernay
La rue des Treize-Cantons était l'une des plus étroites et des plus coudues du vieux quartier Saint-Paul. Elle ne formait jadis, avec les rues de l'Arbalète et de l'Anguille, qu'une seule rue dénommée rue de la Chèvrerie, en raison d'un marché aux Chèvres qui avait lieu là. Elle prit son nom de l'enseigne d'un cabaret, a longtemps dit la populace. Que ce fut l'enseigne d'un cabaret, Puistpelu en doute. Dans son étude sur les enseignes (1), il écrit ceci : « Il semble difficile que cette enseigne savante et luxueuse, et qui a dû coûter gros, ait été exécutée aux dépens d'un humble cabaretier. J'incline plutôt à croire qu'elle dut être faite pour un propriétaire, qui aura voulu ainsi désigner sa maison, en un temps où la rue était habitée par des gens plus moyennés qu'aujourd'hui. Puis le cabaret aura tiré son nom de sa maison. »
L'enseigne que décrit Puitspelu se compose d'un aigle noir à deux têtes, dominant de sa grandeur le symbole de treize cantons qui lui font une sorte de cortège. Il en déduit donc que cette rue fut habité par des négociants suisses jouissant de privilèges particuliers.
Si vous recherchez cette rue sur un plan de Lyon aujourd'hui, vous ne la trouverez pas : depuis 1911 en effet, elle porte le nom de François Vernay, un peintre né et mort à Lyon (1821-1896) qui dut son patronyme à un fabricant, Antoine Vernay que sa mère Anne Miel (1798-1867) avait épousé.
Après avoir reçu les rudiments de la perspective à l’Ecole des Beaux-Arts de Lyon, il fut admis au cours de fleurs dirigé par le peintre Thierrat. Là il apprit la minutie du geste, le travail à la loupe, le respect absolu du modèle d’après les méthodes anciennes de Berjon. François Vernay œuvra tout d’abord pour la fabrique en tant que dessinateur de fleurs. Ce n’est qu’à partir de 1850 qu’il commença à exposer de façon assez régulière. En 1861 il épousa Catherine Budin (1840-1920) dont il eut six enfants. Il se rapprocha d’autres lyonnais (Jean Seignemartin entre autres) et fut admis au Salon de 1868 à Paris. Paysages et natures mortes constituent son domaine de prédilection. François Vernay mourut à l’Hôtel-Dieu d’une gangrène de la jambe le 7 septembre 1902, après s’être cassé le col du fémur en tombant dans son atelier. En 1909, l’écrivain Henri Béraud lui consacre une émouvante biographie qui paraît à Lyon dans l’Art Libre qui débute par ces célèbres lignes :
« Vers l’année 1897, mourut à Lyon un vieil artiste besogneux. Il se nommait François Vernay. On sait de lui qu’il vécut et travailla dans l’indifférence de ses concitoyens et qu’après une existence de misère et d’avatars, il mourut pauvre dédaigné, ignoré, à l’hôpital. J’entreprends de raconter l’histoire de ce gueux. »
(1) Nizier du Puitspelu : Coupons d'un Atelier Lyonnais (1898)
Voir également le long billet que lui consacre ICI Solko