Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lyon - Page 6

  • Grenette

    La rue Grenette débute du côté Saône au quai Saint Antoine et fend toute la Presqu’ile, par la place des Cordeliers vers le pont Lafayette. La plus ancienne dénomination que l’on ait connue de cette rue semble être celle de rue des Albergeries (Auberges), en raison des multiples auberges qui s’y trouvaient aux quatorzième et quinzième siècles. Elle prit son nom actuel vers 1615 lorsque la maison de la Halle aux grains, qui appartenait à l’Evêché, s’y établit. Ces halles furent venues comme bien national en 1791. Elle fut longtemps l’une des plus belles et des plus larges rues de la ville. « Cette rue Grenette, explique Vingtrinier dans sa Vie Lyonnaise (début XXème siècle) était le quartier général des cordonniers, des bimbelotiers, des boisseliers et des tourneurs.

    On y rencontrait toute sorte d’objets de bois, depuis les cuillères à pots jusqu’aux petites poupées naïvement modelés, dont nos aïeules s’amusaient encore à seize ans. C’est de là que vient le dicton : «Il a trouvé sa femme à la Grenette », pour dire qu’il a trouvé une femme à sa convenance, à sa mesure. »

    Vers la fin du XVII siècle, une certaine Mme Gêna y tint une boutique à quatre sous la pièce, qui devint vite célèbre en raison d’une habitude de la propriétaire : n’ayant pas assez de force pour corriger elle-même ses servantes, comme c’était alors l’usage, elle appelait un garçon tourneur qui les fouettait devant elle. Dès lors, la servante honteuse ne sortait plus que le matin, pour se rendre à la première messe et ne manquait plus jamais à son devoir. (L’anecdote est également citée par Emmanuel Vingtrinier dans La Vie Lyonnaise) Lorsque fut créé le théâtre de Guignol, les artistes tourneurs de la rue Grenette en devinrent, nous dit-il également, les fournisseurs attitrés et c’est de leurs boutiques que sortirent bon nombre de tête en bois.

    C'est  en Grenette (ainsi parlaient jadis les Lyonnais), à l'endroit le plus large de la rue, qu'un jour de l'été 1536, on fit subir « le doloreux et misérable torment »  au seigneur italien Sébastien Montecucolli de Montecucollo, accusé d'avoir assassiné François, dauphin de France.

    Devant François 1er, devant Marguerite de Navarre, devant toute la Cour et les dignitaires, devant le peuple rassemblé, il fut écartelé par quatre chevaux, et l'on fit traîner le supplice le plus longtemps possible, grâce à un système de poutres et de poulies, afin que les membres ne se rompissent que très lentement, ligament par ligament, quand on l'aurait choisi.

    Dans un chapitre de son roman Myrelingues la Brumeuse, Claude le Marguet relate de façon saisissante cet épisode, d'autant plus cruel que le dénommé Sébastien était sans doute innocent de la mort du Dauphin. Une rue François Dauphin, en deuxième arrondissement, rappelle par ailleurs l'existence brève de ce jeune prince. Cette affaire est d'importance, car la mort de son fils a fait prendre en horreur la ville de Lyon à François Ier, lequel, a-t-on souvent dit, était sur le point d'en faire la capitale de son Royaume.

    Et c'est ainsi que Claude le Marguet eut cette magnifique formule :

    «La ville Pensive ne serait jamais plus la ville Pensante »

    5804310.jpg

    François, dauphin, fils de François 1er (1518-1536)" par Jean Clouet(1475/1485-1540)

  • Mulet

    Dans quelque ville que vous habitiez, je vous demande de bien chercher sur un plan : vous trouverez une rue Mulet. L'âne, la mule et le mulet furent si longtemps les dévoués serviteurs de l'ingrate espèce humaine que cette amitié, au moins sur les plaques des rues, a dû laisser quelques traces à l'heure du triomphe de l'engin motorisé dans chaque petit bourg de France. Sinon, c'est à désespérer de nous tous !

    Le mulet de nos aïeux n'avait pas de moteur, mais il avait les yeux doux. Et pour cela, il mérite bien l'attention ridicule de ce pauvre billet.

     1319897128.jpgA Lyon, la rue du Mulet se trouve dans le premier arrondissement. Elle est minuscule et étroite, très étroite : genre de rue coupe-gorge que dut détester le bourgeois Stendhal lorsqu'il évoque ces rues lyonnaises humides et sales où n'entre jamais la saine lumière. Pas une seule boutique, alors que nous sommes en plein centre-ville et que la rue relie des artères très commerçantes (Edouard Herriot et République). Très peu de largeur si bien que les voitures hésitent à s'y faufiler (devons-nous y lire une sorte de victoire post-mortem du brave mulet ?)

    Au seizième siècle, toutes les chroniques la dépeignent comme un véritable repaire de vagabonds, de ribauds, de paresseux, jouissant de quelque droit d'asile comme à Paris ceux du carreau du Temple. Les muletiers venant par le Rhône y passent pour rejoindre les foires et une auberge a pour enseigne le fidèle animal. L'antiquaire archéologue Jakob Spon habita dans cette rue, ainsi qu'Adamoli, agent de change et banquier à qui on donna une rue des pentes de la Croix-Rousse, un dessinateur de la fabrique qui fut jadis illustre, Claude Bugnard, et un avocat du nom de Repiquet, lequel fut sénateur. Paix à son âme ! Voici pour les célébrités locales. Ah, pour finir : au 14 de la rue Mulet naquit en 1808 le peintre Simon Saint-Jean. Son père était tonnelier.

     

     

     

  • Saint Simon

    La plus grande partie de l'ancienne rue Saint-Simon a pris le nom de Sidoine-Apollinaire, l'évêque de Clermont, lors de sa création 4 juillet 1927. Le l'emplacement conserve le souvenir du marché aux bestiaux (les abattoirs), qui siégea à Vaise de 1855 à 1924, avant d'être transférés à la Mouche. En effet Saint-Simon est le patron des bouchers. Il semble d'ailleurs qu'à l'époque, le nom de Saint-Simon ait désigné une partie beaucoup plus vaste du quartier, puisque la rue Sidoine Apollinaire se nommait auparavant « chemin de Saint-Just à Saint-Simon ».

    Le marché aux bestiaux se tenait au n° 28 de cette ancienne rue, aux côtés des abattoirs. La Ville avaient acquis les terrains le 23 février 1855, auprès de messieurs Morand et Tissot, deux propriétaires vaisois. Durant ces quelques soixante dix-ans, le quartier respira grâce à sa présence. Un peu partout autour s'établirent des marchands de vin, qui glissaient quelques centilitres de sang dans leurs bouteilles. Le sang colle au vin et, retenant les impuretés, les clarifie. Il suffit d'en mettre fort peu, de bien agiter le tonneau et de laisser l'albumine nettoyer le tout, avant de le déposer au fond. Tous les bistrotiers de Vaise servaient de cette picrate-là.

    Le lundi, de nombreux chômeurs se rendaient à Vaise pour aller emboquer les veaux : il s'agissait de leur faire boire quinze litres de lait durant la nuit, pour qu'à le pesée du lendemain, ils valent le plus cher possible. Le truc avait été vite éventé, mais comme les prix s'étaient ensuite établis en conséquence, celui qui ne gavait pas ses veaux aurait perdu.

    Les bêtes arrivaient jusqu'au n°28 par la gare de Vaise, sauf les moutons qui débarquaient, eux, en bateaux par le port sur la Saône. On les poussait par la rue Saint-Pierre en une belle cohue matinale. Les toucheurs de bestiaux logeaient dans des cabanons de planches et jouissaient d'une mauvaise réputation : teigneux, pas fréquentables, malodorants, même leurs femmes ressemblaient à des armoires à glace. La police elle-même évitait de s'y frotter. Le marché connaissait aussi ses grands jours, avec ses concours d'animaux qui attiraient un jury plus distingué

    Les abattoirs, c'était le paradis des rats, évidemment. Lorsqu'ils furent transférés à la Mouche, les énormes rongeurs repus, souverains, qui n'avaient pas suivi, se retrouvèrent brutalement face à la faim et sortirent, affolées, par les rues : ils auraient dévoré les gens dans leurs lits et le quartier en a longtemps gardé le souvenir.

    Aujourd'hui la rue Saint-Simon abrite le dépôt ouest des transports en commun lyonnais, et l'une de ses extrémités se transforme en échangeur routier. La rue est redevenue hygiénique. Mais elle y a laissé son âme, et tous ses marchands de vin frelaté.

    1562610853_2.jpg
  • Pierre Valdo

    On dit de Pierre Valdo qu'il était un homme riche et de bonnes mœurs quand la mort subite d'un de ses amis négociants, en 1160, lui fit soudainement prendre conscience de l'immense fragilité du bonheur terrestre. Aussi, après avoir nanti sa femme et ses filles, se dépouilla-t-il de toute son immense fortune en faveur des pauvres et des démunis. A cette époque (vers 1150), les richesses de l'Eglise de Lyon étaient considérables. Les frères de Saint-Etienne, devenus chanoines, se recrutaient parmi les plus riches et nobles familles de la place, et menaient le train de vie fastueux des plus grands seigneurs. Aussi Valdo se mit-il à prêcher contre l'ostentation des Princes de l'Eglise, touchant un nombre de disciples de plus en plus important : on les appela "Les Pauvres de Lyon". Ils laissaient croître barbes et cheveux, portaient capes ou capuchons, se chaussaient de sandales ou de sabots de bois, d'où ce surnom « d'ensabottés »   qu'on leur accola parfois. S'il s'attira de nombreux disciples, il ne se fit évidemment pas que des amis : La rue de la Poulaillerie en laquelle il habitait tout d'abord fut surnommée  « la rue Maudite »

    Valdo prêcha contre l'Institution du mariage, la hiérarchie trop stricte de l'Eglise, malgré les interdictions que lui fit l'archevêque de Lyon. Il soutenait que tout laïque pouvait prêcher, confesser, et célébrer la messe, point de vue ce que le Concile général de Latran condamna en 1179. L'archevêque Jean de Bellême anathémisa Pierre Valdo, lui et certains de ses disciples (les Vaudois) furent excommuniés par le pape Lucius III.

    Voici les six points que défendaient les Vaudois et qui leur valurent tel traitement :


    1 Les Pauvres refusent l'obéissance au pape et aux prélats
    2 Tout le monde a le droit de prêcher
    3 Dieu doit être obéi, plutôt que l'homme
    4. Les femmes peuvent prêcher
    5 Messes, prières et aumônes pour les morts ne leur servent à rien.
    6 La prière dite de cœur au lit, dans une chambre ou dans une écurie et tout aussi efficace que la prière dite à l'église.


    Pierre Valdo dut s'exiler d'abord dans les Pays Bas, puis en Allemagne où il trouva une mort qu'on imagine consolante. En 1194, Alphonse II d'Aragon déclara les Vaudois indésirables en son domaine, et son fils les condamna au bûcher. Malgré les nombreuses persécutions, il en resta en Bohême, en Suisse, en Savoie et en Piémont. Et cependant, à la fin du XIXème siècle, on en comptait encore 20.000 en Piémont.

    La rue qui porte le nom Pierre Valdo, dans le cinquième arrondissement, était auparavant un chemin vicinal.

  • Brotteaux (boulevard)

    Combien de t doit-on mettre au mot  Brot(t)eaux  ? Chante-t-on « Allons au Broteaux » ou bien « Allons aux Brotteaux » ?

    En écrivant brotteaux avec deux t, nous rompons avec l’orthographe ancienne de ce mot, que les historiens du Lyonnais ont utilisé jusqu’à la fin du dix-neuvième siècle en ne l’orthographiant qu’avec un seul t : venant de brot, (qui signifie jeune pousse) et de la racine brout, du bas latin brustum, d’où sont sortis par ailleurs brouter, broussailles, le mot n’a pris qu’un t durant plusieurs siècles. C’est ainsi que, le 1er avril 1768, commentant les projets de l’ingénieur Morand, Etienne Benoit note Broteaux dans son carnet de raison.

    Une vieille chanson populaire de la même époque s’intitule: Allons aux Broteaux :

    Allons aux Broteaux                
    Ma mie Jeanne
    Allons aux Broteaux
    Car il y fait beau.
    Nous y mangerons
    Une salade,
    Nous y danserons
    Un rigaudon.


    Dans son Histoire des transports à Lyon, Jean Arrivetz retrace brièvement l’histoire de la ligne 7 :

    « C’est la qualification de notre tram le plus populaire, le mieux achalandé, - notre grand 7 – celui qui, prenant le départ proche notre antique presqu’île marécageuse, aboutit – avec le temps – au quartier neuf de notre cité, en longeant la place Bellecour et notre artère principale, dénommée, comme partout, rue de la République.», explique Tancrède de Visan, le rédacteur en chef de  la revue Notre carnet.

    Jean Arrivetz indique qu’à sa création, le 1er avril 1881, elle se nommait « Perrache Broteaux ». puis,  sans qu’on sache pourquoi, lorsqu’elle fut électrifiée le 25 février 1899, ses terminus devinrent « Perrache-Brotteaux », avec deux t.

    Pourtant, dans un guide de Lyon imprimé en 1856, on le trouve déjà avec son orthographe moderne, et Steyert, dans une plaquette sur le changement des noms de rues datée de 1884, double déjà le t.

    Il semble donc, pour répondre à ce problème de calligraphie, que le doublement de la consonne ait été de pair avec le peuplement du quartier, devenu sixième arrondissement, par des franges aisées de la population qui, en écrivant son nom avec deux t, ont souhaité distinguer les anciens prés de brots dont ils étaient propriétaires, de ce territoire nouveau qu’ils couvraient d’avenues à angles droits et d’immeubles à fières façades. Parmi eux, ce boulevard des Brotteaux, qui prit la succession de l'Allée des Broteaux. La vanité humaine est un puits sans fonds et la prétention un vice certes, très bourgeois. Mais dans la cas qui nous occupe surtout, à mon humble avis, très provincial. Puisqu’on n’a jamais vu personne à ma connaissance, ni hier ni aujourd’hui, essayer de faire croire à quiconque à Paris qu’il habitait au Marrais.

    2007788616.jpg

     

    Une carte postale ancienne de la gare des Brotteaux désaffectée, devenue hôtel des ventes, dans laquelle Patrice Chéreau tourna en 1983 son film  L'homme blessé, avec Jean-Hugues Anglade, et qu'un blog lyonnais ami, celui de Frasby, présente sur un jour insolite ICI.

  • Nuits

    1870 : L’année que Victor Hugo immortalise sous le vocable de terrible. Le 19 juillet, la France déclare la guerre à la Prusse. Le 12, Strasbourg est assiégé ; le 2 septembre, Napoléon III capitule à Sedan ; le 4, un gouvernement républicain voit le jour avec le général Trochu, Jules Favre et Gambetta ; le 19, Bismarck est à Paris ; Strasbourg capitule le 28 ; le 27 octobre, Bazaine rend les armes et en décembre, sous la conduite de Gambetta et de Garibaldi, la république poursuit les combats à Dijon. Le 18 décembre 1870, au pied de la ville de Nuits-Saint-Georges, les Allemands accrochent une armée de volontaires qui leur barrent la route vers le sud. Cette armée était composée de gardes nationaux mobiles originaires des Alpes-Maritimes, du Lyonnais et de Savoie, de corps-francs (Est et Sud-est de la France), de volontaires étrangers (polonais, hongrois, espagnols, américains et, surtout, italiens) : initialement moins de 4.000 hommes.

    Après une journée de combat, les corps-francs battirent en retraite : environ 1 200 prisonniers français, 97 officiers allemands abattus, un prince de Bade blessé, les pertes globales s'élevant à quelque centaines d’hommes. Les Prussiens achevaient les fuyards sur les routes du bourg, sauf les survivants mis à l’abri par la population, qui les revêtait de vêtements civils. Les vainqueurs pillèrent l'hôpital, les boutiques, les auberges, incendièrent, passèrent au crible la ville maison par maison. La nouvelle de la défaite parvint à Lyon, et une rumeur circula par la ville, affirmant que les troupes régulières avaient laissé massacrer les troupes volontaires (parmi lesquels de nombreux croix-roussiens) sans bouger. Les esprits s'échauffèrent; il y eut une grande agitation, un début d'émeute, durant lequel le Commandant Arnaud (voir ce billet) trouva la mort. En 1878, l'ancienne rue de la Visitation, dans le quatrième arrondissement, reçut le nom de cette bataille, en souvenir de ces nombreux morts.

    1229715056.jpg
  • Massimi

    Jusqu'en 1913, c'était une partie du vieux chemin vicinal de la Scaronne. En bordure de cette rue se tiendrait aujourd'hui un fort joli château, s'il n'avait été détruit pour laisser place à des installations ferroviaires et à un dépôt SNCF (Lyon-Scaronne, aujourd'hui dépôt TCV de Lyon). Le parc de ce château contenait un fort joli Vivier, d'où son nom (château du Vivier). Marie-Caroline, duchesse de Berry, se reposa deux jours en ce château lorsqu'elle vint en France rejoindre son mari, en 1816.

    De 1913 à 1967, cette part du chemin de la Scaronne devint la rue Henri Dor, en hommage à un médecin né en 1835 d'une famille protestante émigrée à Lausanne au moment de la révocation de l'Edit de Nantes, et mort à Lyon le 28 octobre 1912. Ce monsieur Dor parlait, dit-on, douze langues. Il parcourut toute l'Europe afin d'étudier la science naissante de l'ophtalmologie. Sa notoriété le fit nommer à Berne. En 1876, il vint cependant s'installer à Lyon où il fonda la première clinique ophtalmologique de la ville qui devint un centre d'enseignement très actif…


    Pau1506051711.jpgl Massimi (1885-1961) fut conseiller municipal de Lyon et député du Rhône de 1928 à 1936. En 1906, il créa au numéro 32 de la rue qui porte à présent son nom une usine de traitement des matières grasses (Société des Huileries Raffineries et Savonneries Paul Massimi) dont les bâtiments sont aujourd'hui détruits. Le traitement des matières grasses est une activité déjà bien implantée dans ce quartier, en raison de la proximité des abattoirs. Agé de seize ans, en 1906, il fonda avec quelques copains l'Amicale sportive lyonnaise, qui fusionna avec le Sport Athlétique Lyonnais en 1911, pour donner naissance à l'ASL (Association sportive lyonnaise), dont il fut le président jusqu'en 1935.

    Ci-dessus, l'emplacement de l'ancienne usine Massimi.