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lyon - Page 9

  • Royale

    Le bord du Rhône à Saint-Clair était la promenade qu'affectionnait Joseph II, lorsqu'il était de passage à Lyon. Lorsque le Consulat de Lyon commanda à Soufflot d'aménager là le nouveau quartier de la Soie, vers 1740, la rue la plus importante de ce terrain gagné sur un bras du Rhône reçut le nom de Royale. Après la mort de Louis XVI, elle fut nommée rue de la Convention et, en 1848, se retrouva affublée de façon ridicule du nom de rue de la Démocratie. Les négociants enrichis par la vente des biens nationaux étaient venus s'y établir en grand nombre et très vite, cet ilot d'immeubles devint, avec le Griffon légèrement au-dessus, le cœur du quartier de la soie, où s'ouvrirent de nombreux restaurants et où s'inventa le discret mais fort efficace argument de vente que devint la gastronomie lyonnaise.

    Incontestablement, la vedette de cette rue fut Eugénie Brazier (1895-1977). Cette paysanne illettrée née dans l'Ain, fille-mère à 19 ans, avait débarqué à Lyon en 1914. Placée en apprentissage chez la mère Fillioud, rue Duquesne. Eugénie vint y voler de ses propres ailes au numéro 12, en 1921. L’estaminet, aux vitraux donnant sur la rue, aux murs couverts de faïence, aux parquets craquants, est bientôt pris d’assaut et la mère récupère une autre salle, puis un appartement au-dessus pour ouvrir de petits salons qui abriteront de discrètes tractations politiques entre élus.

    Son restaurant était, paraît-il, le seul lieu où l'on vît le président Herriot patienter de bonne grâce, assis sur un escalier en attendant qu'une table se libérât. L'Elysée commandait des banquets à "la mère". La foire de Lyon aussi. Tout le monde sait qu'elle fut la première femme-trois étoiles au Michelin, et qu'elle les garda de 1933 jusqu'en 1939. Et lorsque la mère Brazier ouvrit au col de la Luère une succursale, les foules la suivirent.

    Paul Bocuse, parmi d'autres étudiants, lui chantait, sur l'air de La Mer de Trénet :
    "La Mère / Qu'on voit gueuler / Au col de la Luère ..."

    Gaston, le fils d'Eugénie, prit la relève de sa mère dans l'immédiat après-guerre, lorsque cette dernière s'installa définitivement au col de la Luère.

    Sur le livre d'or de la Mère Brazier, les dédicaces se sont accumulées. On retient celle de Jacques Prévert, qui devait particulièrement aimer les poulardes "Aux Brazier ardents"

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    Depuis 2007 l'établissement, fermé depuis 2004, a été repris par un jeune chef, Mathieu Viannay. On parle de « réveil de la mère Brazier » qui, placée en liquidation judiciaire, avait failli mourir, et que ce jeune chef de quarante deux ans a sauvée. Royal !

  • cardinal Gerlier

    Pierre Marie Gerlier est né le 14 janvier 1880 à Versailles. Il fut nommé archevêque de Lyon en 1937, après avoir été ordonné prêtre en 1921. Il fut évêque de Tarbes et de Lourdes (1929) avant d'être primat des Gaules durant 27 ans jusqu’à sa mort le 17 janvier 1965. Le cardinal Gerlier fut très aimé à Lyon, en raison de ses positions courageuses lors de l'Occupation. Après avoir fait allégeance au régime de Pétain en novembre 1940 (la formule en chiasme est demeurée célèbre : « Aujourd'hui, Pétain, c'est la France et la France, c'est Pétain »), il se distancia de plus en plus de la politique du maréchal lorsqu'il prit conscience des effets de sa politique. Dès lors, on vit le cardinal Gerlier voyager à travers tout le diocèse en protestant contre les fusillades d'otages et les déportations. Il intervient personnellement pour protester contre la loi du Service du travail obligatoire qui, dira-t-il « n'oblige aucunement en conscience car elle est injuste ». Il pèse de tout son poids pour obtenir la libération du chef communiste Jean Chaintron, sur le point d'être exécuté. Il multiplie les interventions auprès de la Gestapo pour obtenir la libération des prisonniers de Montluc. Il secourra de nombreux israélites persécutés.

    Le 30 aout 1942, le cardinal Gerlier fait lire dans toutes les églises du diocèse, une semaine après l'évêque de Toulouse, une protestation publique contre la déportation des Juifs : « Nous savons les sentiments personnels du Chef de l'Etat. Mais nous ne pouvons, comme Evêque et comme Français, songer sans un serrement de cœur à tout ce qui, dans la nature des traitements subis ou de ceux à prévoir, comme dans l'organisation matérielle des convois, méconnait les droits essentiels de tout être humain et les règles fondamentales de la charité... » Dans un bras de fer qui l'oppose au préfet du Rhône, Gerlier sauve de la déportation cent huit enfants de Vénissieux, dont il organise le départ en Suisse.
    Après la Libération, Gerlier eut ce genre de formule heureuse qui achève de fonder une légende : A un journaliste qui lui demandait s'il ne songeait pas, vu la popularité qui était le sienne, à viser le siège Paris, le cardinal répondit malicieusement, faisant allusion au fait que le premier évêque de France, de par son statut de primat des Gaules, est celui de Lyon : « Mon cher, vous n'y pensez pas. On ne descend pas de Lyon à Paris. »

    Le 15 juillet 1980, le cardinal Gerlier a reçu le titre de Juste des Nations.

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    Le 15 juillet 1980, le cardinal Gerlier a reçu le titre de Juste des Nations.

     
  • Tabareau (place & rue)

    Le nom de Charles-Henry Tabareau est associé à la pédagogie et aux écoles techniques La Martinière de Lyon. Il naquit à Béziers en 1790 dans une famille de postiers. Son destin se trouva lié aux écoles La Martinière qui furent créées grâce à l’héritage fabuleux du major Martin, un fils de tonnelier lyonnais parti faire fortune de manière fort romanesque dans les Indes du XVIIIème siècle, et qui avait laissé à sa ville natale de Lyon ainsi qu’à celle d'adoption de Lucknow toute son immense fortune afin de fonder ces écoles d’enseignement technique adaptées aux fils et aux filles du peuple. Bien que devenues lycées d'état, ces écoles existent toujours.

    Le 9 janvier 1826, lorsque la municipalité décida de créer dans les locaux de l’actuel musée Saint-Pierre la première école dite « Martinière provisoire », elle en confia la direction au professeur et polytechnicien Tabareau. Et lorsque le 2 décembre 1833, l’Ecole s’installa définitivement dans l’ancien cloître des Augustins, Tabareau y devint professeur de mathématiques. Il commence alors à élaborer la fameuse méthode de pédagogie active (dite méthode manuelle) qui le rendit célèbre bien au-delà des frontières du pays :
    Chaque démonstration de son cours est fractionnée en une multitude de « tranches ». La compréhension pratique de chacun est vérifiée au moyen d'un exercice que les élèves doivent réaliser sur une ardoise. Au commandement «ardoises», chaque élève écrit son résultat, jusqu’à un coup de baguette du professeur sur son bureau. Des brigadiers collectent alors les ardoises et les déposent dans des casiers (chaque élève a le sien).. Le professeur passe à l’exercice suivant, tandis que les brigadiers distribuent de nouvelles ardoises. Pendant que les élèves travaillent au nouvel exercice, le professeur corrige l’exercice précédent. La séance de cours permet ainsi une alternance d’enseignement théorique et d’exercices pratiques. Tabareau rédige dès 1828 un opuscule où il parle d’Exposition d’une nouvelle méthode expérimentale appliquée à l’enseignement populaire des sciences industrielles, désignée sous le nom de méthode nouvelle. A plus de 70 ans, il rédige, en 1863, son Exposé de la méthode Tabareau, fondée à l’école de la Martinière, pour l’enseignement préparatoire des mathématiques et utilité de son adoption pour les classes élémentaires de l’enseignement secondaire. En 1870, quatre ans après sa mort (le 15 août 1870), on donne son nom à une rue et une place triangulaire du quatrième arrondissement. Son buste se trouve devant l'ancienne Martinière, sur l'une des quatre faces du monument. sur la place du même nom.

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    Ci-dessus, la photo prise par D.Valot : sur le socle, on découvre une salle de classe, avec les rangs d'élèves et leurs ardoises...

  • Baraban

    En patois lyonnais, les barabans sont des pissenlits. "De barbanum, lui-même issu de barba, probablement à cause de ses têtes à aigrettes poilues," nous apprend Nizier Puitspelu et son Littré de la Grande Cote. Le chemin de Baraban appartenait jadis à un domaine dit de la « Corne aux Cerfs »., avant de devenir une rue populeuse avec l’industrialisation du quartier, comme on le voit sur la carte postale ancienne. En novembre 1970 s’ouvrit une patinoire où le champion olympique Gwendael Peizerat fit ses premiers pas (cela se dit ?) sur la glace.

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  • Ferdinand Buisson

    Ferdinand Buisson (1841-1932), professeur à la Sorbonne et prix Nobel de la Paix (1927) hérita de cette rue précédemment nommé Besson, du nom de la famille qui acheta la seigneurie de Montchat en 1689. En deux mots,  Ferdinand Buisson, « étant né à Paris et n'ayant jamais séjourné à Lyon », comme le disent fort joliment les dictionnaires de rues, « il ne concerne pas l'histoire locale ».

    Membre du parti radical, il fut l'un des fondateurs auprès de Jules Ferry de cette école républicaine qui éveilla tant de passions dans un sens comme dans un autre, et qui aujourd'hui bat de l'aile sur la mer, la mer toujours recommencée des réformes. Ferdinand Buisson fut en effet l'un des chantres de cette école publique, laïque, autoritaire, qui façonna l'esprit de plusieurs générations de petits français.

    En 1927, il fut le sixième français à recevoir un prix Nobel de la paix, pour avoir contribué à la fondation de la Ligue des Droits de l'Homme.

    Pourtant, malgré ce palmarès éloquent, Ferdinand Buisson (voir plus bas sa photo) n'intéresse pas l'histoire locale, ce qui peut aussi se comprendre. L'histoire locale fut tellement méprisée par l'histoire nationale qu'elle peut bien rendre de temps en temps la pareille à son tour : deux mots donc de ce quartier de Montchat, (jadis seigneurie,) quartier que la rue Ferdinan Buisson traverse de part en part.

    Dans le mont Montchat, ou mieux montchal, on retrouve le radical celtique cal, qui a pour signification rocher, forêt, ou marais. Ce vieil étymon se retrouverait aussi dans Caluire et dans Chalamont. Le fief de Montchat dépendit longtemps du mandement et du territoire de la commune de la Guillotière. Les premiers seigneurs connus sur ce terroir furent Pierre Prost et sa descendance, qu vendirent le domaine en 1534 à un concierge des prisons royales du nom de Jean Catherin. C'est ce sieur-là qui fit construire le château. Comme quoi, concierge, sous l'Ancien Régime, ça rapportait plus qu'à présent.

    En suivant les actes notariés, on trouve d'autres propriétaires, dont François Basset, échevin de Lyon, qui y reçut la reine Christine de Suède du 9 au 28 août 1657. Tout de même, la mairie du troisième pourrait honorer la mémoire d'un séjour aussi extraordiaire en baptisant l'une des ses rues : la rue Christine de Suède, c'est joli et ça intrigue. Mais la mairie du troisième arrondissement, comme toutes les mairies du monde, ignore superbement la fantaisie insoupçonnée de l'histoire des terres qu'elle administre. On se contentera de dire que c'est bien dommage en laissant à d'autres le soin de polémiquer.
    Pour reprendre notre affaire au point crucial où nous l'avions laissée, les Basset cédèrent Montchat aux Révérends Pères de la Congrégation des Feuillants le 14 mai 1682, qui le cédèrent ensuite à Jacques Besson, notaire royal, en 1689. Notaire, c'est mieux que concierge, et la boucle était bouclée. La petite fille du notaire, Louise Besson (1708-1781) épousa (1729) Mathieu Bonnand (1692-1711). Leur fils, Luc Bonand (1734-1802) fut le dernier véritable seigneur de Montchat. Ah, c'est vertigineux, l'histoire locale : tous ces gens qui existèrent vraiment, et donc la trace ne demeure que sous cette forme parcheminée sur le mode d'autrefois ! Au final et pour clore cette palpitante histoire, bien plus en tous cas que celle de Ferdinand, leur petite-fille Antoinette Bonand apporta le domaine en dot à son mari l'agent de change et maire de la Guillotière, Henri Vitton. La fille de ces derniers, Louise Françoise Vitton (1812-1831) épousa le maire qui succéda à son père (je n'invente rien), un certain Jean-Louis François Richard, originaire de Saint-Chamond, qui décéda en 1874. C'est de cette époque que date le lotissement du quartier, qui avait été rattaché à Lyon peu avant, en même temps que la commune de la Guillotière. De Besson en Buisson, l'histoire de cette rue est, on le voit, fort loquace.

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  • Algérie

    La colonisation de l'Algérie fut saluée à Lyon par l'appellation de la rue d'Algérie, qui relie la place des Terreaux (où trône l'Hôtel de Ville) au pont La Feuillée (qui traverse la Saône face au quartier Saint-Paul). Cette voie publique a très longtemps été désignée sous le nom de place des Carmes, en raison de la proximité du monastère des Carmes. Les Carmes s'étaient installés à Lyon en 1291. Pillé par les protestants en 1562, rénové en 1754-1758, leur couvent disparut corps et biens peu après la Révolution. Ce fut dans une salle de leur couvent que, le 12 janvier 1789, s'était tenue la première assemblée du Tiers-Etat lyonnais. L'église avait été bâtie au quinzième siècle, sur le modèle de Saint-Bonaventure.
    Le rue des Carmes avait pris plus tard le nom de la place de la Boucherie des Terreaux. Cette boucherie datait de 1539. Elle avait été construite par un maçon du nom de Laurent Guillaume, dit du Chessy. C'était un établissement considérable. Il occupait tout l'espace compris entre le quai et la rue Lanterne actuelle. En deux corps de bâtiments séparés par un passage livré au public, s'alignaient quarante tueries (car l'abattage des bêtes avait lieu dans la boucherie-même), surmontées de galeries et de séchoirs. Les troupeaux arrivaient à toute heure du jour. On était, vous l'imaginez, assez loin des normes européennes en vigueur à présent : le sang ruisselait dans les travées et une odeur infecte s'en dégageait. Cette boucherie, en plein centre ville et aux abords de la Saône, attirait quantité de rats. Quant aux bouchers, ils avaient la réputation d'être grossiers, ivrognes et vantards.

    Les bâtiments de la boucherie des Terreaux, incendiés en 1612, le furent à nouveau en 1734. Le Consulat céda alors le terrain qu'elle occupait aux Hospices Civils qui la fit reconstruire. La boucherie des Terreaux, comme les trois autres de la ville (Saint-Paul, Saint-Georges, Minimes) resta en exercice jusqu'à la création de l'abattoir de Perrache en 1840. Lorsqu'elle ferma, l'architecte Dardel (1796-1846) édifia à son emplacement un ilot d'immeubles bourgeois, qui demeura en état. On peut y voir de magnifiques façades et de magnifiques portes, même si la rue est très sale et dégradée de nos jours et si la perspective s'est trouvée abîmée par l'entrée du parking des Terreaux, qui casse complètement et inutilement sa perspective sur la place des Terreaux.. Au n°11, l'immeuble est orné par l'effigie de nombreux artistes, noircies de pollution et comme sourds au trafic des bus et des piétons. On y reconnait Delorme, Boissieu, Lemot, Blanchet, Coustou, Coysevox... Au n° 21, une façade récemment ravalée est d'une blancheur incongrue : sous la garde d'un diable, elle traboule d’une belle cour à la décoration orientale vers la rue Sainte Catherine.

  • Rize

    Ce nom clairet de la rue de la Rize rappelle l'existence d'un charmant petit ruisseau, canalisé depuis en égout. La Rize prend sa source à l’intérieur de la zone de loisirs de Miribel Jonage, quelque part entre Décines et Vaulx-en-Velin, au lieu-dit la Petite Camargue. Elle chemine à travers Décines où elle est canalisée, longe ensuite le canal de Jonage avant de se jeter dedans peu après l’usine électrique de Cusset. L’un de ses bras alimente en eau les jardins ouvriers de ce secteur où fleurissaient jadis les guinguettes, dont elle remplissait de friture les assiettes. Sur ses bords se trouvaient encore des lavoirs il y a un siècle, alors qu’elle traversait Villeurbanne. On perd ensuite sa trace dans les sous-sols et les égouts, et seule demeure pour rappeler ses bords jadis verdoyants une plaque de rue, au sud de la rue Paul Bert. Elle a été recouverte vers 1880. Elle rejoignait jadis le Rhône à hauteur du viaduc de l'avenue Berthelot, précise Brun de la Vallette.

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