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lyon - Page 8

  • Lanterne

    Lorsqu'il était enfant, le Petit Chose vécut rue Lanterne. Enfin, le Petit Chose, c'est manière de parler, puisqu'en réalité c'est Alphonse Daudet, son créateur, qui y séjourna. Du logis sombre, sale, hanté par les "barbarottes" (les cafards), Jacques Eyssette n'a pas gardé un souvenir fort joyeux, comme en témoigne ces quelques lignes d'Alphonse Daudet : « De pièce en pièce, les damnées barbarottes me poussèrent jusqu'à notre ancienne petite chambre, au fond du corridor. Là, elles me laissèrent deux ou trois jours de répit, puis un matin, en m'éveillant, j'en aperçus une centaine qui grimpaient silencieusement le long de mon balai, pendant qu'un autre corps de troupe se dirigeait en bon ordre sous mon lit. Privés de mes armes,  forcé dans mes derniers dedans, je n'avais plus qu'à fuir. C'est ce que je fis. J'abandonnais aux barbarottes le matelas, la chaise, le balai, et je m'en fus de cette horrible maison de la rue Lanterne, pour ne plus revenir »
    On connaît cette rue du quartier Saint-Nizier, dans le premier arrondissement, depuis 1356, en raison d'un bas-relief placé à l'angle d'une maison, qui représentait un lion avec une lanterne sous sa griffe. Une section de cette rue, placée entre la place de la Platière et la rue Longue, s'appelait jadis la rue de l'Enfant-qui-pisse, à cause encore d'une enseigne. Au seizième siècle, les Fossés de la Lanterne jouxtaient la rue et tenaient leur appellation d'un fanal allumé sur la plus haute tour de l'une des portes de la ville. On démolit en 1650 leur plus haute tour, dite "des poudres". La rue Lanterne a longtemps été mitoyenne de la Boucherie des Terreaux (voir rue d'Algérie).Cette rue est l'une des plus vieille de la presqu'île, pour avoir échappé à sa complète restructuration par le préfet Vaisse. De vieilles enseignes s'y sont succéder, d'auberges (Le Lion d'or, le Grand chevalier, l'Ecu de France, le Fort de Brissac), d'apothicaires (l'Aigle d'or, le Cerf, le Dragon, le Boa, l'Ours blanc, le Serpent, la Licorne...).

    La rue Lanterne héberge "deux temples" : au n° 10, depuis 1857, un temple protestant, pour desservir la paroisse des Terreaux. Et depuis 1981, au n° 26, le temple du jazz, le hot-club, qui avec 5 concerts par semaines depuis soixante ans dans la presqu'île, et une programmation allant du be-bop au New-Orléans en passant par le latino ou le cool jazz, est devenu incontournable pour tous les amateurs.

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    Eglise réformée, 10 rue Lanterne.

  • Carnot (place)

    D’après l’ingénieur Perrache qui aménagea le quartier qui à présent porte son nom, la place Carnot aurait dû initialement s’appeler la place du Lycée, en hommage à Aristote. Au lieu de ça, on l’appela tout d’abord place des Victoires durant tout le Premier Empire. C’était alors une espèce de terrain vague à pleine remblayé, promis aux marchés aux chevaux alors surnommés «charabarat ». Ce mot signifiait à l'origine caquetage bruyant, verbiage. Il provient du provençal charra, caqueter. L’idée de charabarat est donc celle de réunion bruyante. Dans ses Oisivetés du sieur Puitspelu, Clair Tisseur consacre un chapitre entier à ces anciens marchés. Un des vices rédhibitoires, y apprend-on, c’est le cornage : « Un cheval est dit cornard lorsqu’il souffle bruyamment en respirant et qu’il a l’haleine courte. ». Autrement dit, un cornard ne vaut que dix pistoles là où un cheval sain vaut quarante écus.

    Lorsqu’il n’y avait pas marché, l’autre événement qui s’y tenait était les exécutions capitales. Aménagée véritablement durant la Restauration, elle prit le nom de Louis XVIII. Écoutons Puitspelu : « Au temps que l’on exécutait sur la place Louis XVIII, on n’avait pas les précautions de décences que l’on a maintenant, et les exécutions se faisaient au grand soleil. J’étais tout enfant que l’on guillotina deux individus en même temps. C’était l’été. Comme, sur la place, il n’y avait que les maisons basses du côté Saône, et point sur le cours du Midi, on voyait très bien de Saint-Foy et la place et la guillotine que, dans la matinée, l’on était occupé dresser. Peu à peu, une grande foule s’assembla et, vers une heure, vint le cortège fatal. On avait la maison une grande lunette montée sur un pied à laquelle, dans ma curiosité d’enfant, je tenais l’œil collé. Malgré la distance, je vis assez distinctement et le bourreau saisir le condamné, et tomber la tête. Mes genoux défaillirent, mes yeux se troublèrent, je me mis à trembler de tous mes membres et n’eus nulle envie de chercher à voir la seconde exécution. On appelait au même instant pour se mettre à table. Ce contraste me fit je ne sais quelle impression terrible. Je ne pus manger. Ce souvenir est resté profondément gravé dans ma mémoire d’enfant. »


    L’hiver, la place était inondée et souvent gelée : elle servait donc de patinoire aux gens du petit peuple. Des baraquements de forains s'y tenaient au printemps. Lors de la Révolution de 1848, la place Louis XVIII abrita brièvement une effigie du peuple souverain ; sous le Second Empire, elle devint « place Napoléon », et le monument du peuple souverain fut remplacé par une statue équestre de Napoléon 1er, de 1854 à 1872. Après Sedan et la chute delazare_carnot-1753-1823.jpg Napoléon III, elle devint plus simplement la « place Perrache ». C'est à l’occasion du centenaire de la Révolution, qu'elle reçut en 1889 le nom de place Carnot qu'elle porte encore aujourd'hui: il s’agissait de Lazare Carnot, le grand-père du président Sadi, élu alors depuis tout juste deux ans; ce dernier vint inaugurer, l’année du centenaire, une allégorie de la Révolution, dite aussi de la République, lors de son premier voyage à Lyon. On sait que son second, quelques années plus tard, lui fut fatal. Cette place demeura en état les deux premiers tiers du vingtième siècle en formant avec la place Bellecour et la place des Terreaux un bel ensemble. De l'esplanade de la gare, elle offrait au nouvel arrivant une perspective digne de la troisième ville de France. Survint alors le maire Pradel : Une gare routière, ingénieusement installée entre la gare de Perrache et la place Carnot défigura dès lors de façon abominable cet endroit, qu’une autoroute, pour parachever le sabotage, traverse par ailleurs. Sur cette place depuis peu se tient chaque année un marché de Noël, version touristique et moderne des très populaires marchés aux chevaux, charabarat des temps jadis.

  • Rue de la République

    De 1853 jusqu’en 1864, le département du Rhône eut pour maire et préfet Claude-Marius Vaisse, un serviteur zélé de Napoléon III, qui, « dans l’espoir de faire aimer la dictature, avait, dès son arrivée à Lyon, dressé un plan de travaux pour améliorer la circulation urbaine et faire pénétrer l’air et la lumière dans les quartiers sombres et humides du centre », écrit l’historien Kleinclausz[1]. Le fleuron de ces travaux fut sans conteste le percement de la rue Impériale, reconvertie, par la suite en rue de la République, large avenue «dont les beaux candélabres, les cafés somptueux, la fontaine aux eaux jaillissantes donnèrent aux bourgeois d’alors l’impression d’en finir enfin avec la vieille cité médiévale aux rues populaires, tortueuses et mal éclairées

    Ce point de vue rétrospectif, qui est celui de l’historien, est contesté par la vox populi, si l’on en croit ce témoignage du romancier  Henri Béraud, qui fut, dans son enfance, le témoin fasciné de l’ampleur de ces travaux :

    « Un quartier en démolition, ah ! mais tout un quartier, une entière paroisse, grande comme un chef-lieu de canton. Il n’en restait qu’un vaste éboulis. (…) Peu à peu, des maisons neuves s’alignaient sur les beaux vestiges du quartier Grolée. Il en résulta une avenue si large et si claire que les Lyonnais ne se décidèrent jamais à y passer ».[2]

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    Lyon modernisée ? Lyon vandalisée ? Le débat fit rage, opposants les tenants de la modernité hygiéniste aux vieux érudits du « Lyon de nos pères » Le préfet Vaisse fut accusé de construire ces larges avenues dans le but d’en finir avec les vieilles ruelles en zigzags, promptes à se changer en barricades. On l’accusa aussi d’aller contre le mouvement du soleil, en bâtissant sa rue de nord en sud,  et non pas d’est en ouest, et de fait, sa rue Impériale, même devenue rue de la République, est rarement inondée de soleil : de quoi donner raison aux nostalgiques de l’ancien Lyon, qui l’avait pronostiqué dès 1852 :

    «Et on appelle tout ce tumulte d’alignements inconnus, tous ces changements de décoration à vue, embellissement, assainissement, magnificence. Oui, l’air et la lumière inonderont la rue Impériale ; mais, dans nos villes méridionales, les rues larges offrent l’inconvénient d’être exposées sans défense aux bourrasques de l’arrière-saison et aux ardents soleils du soleil d’été. Ces grandes voies droites sont commodes, belles même, mais monotones et froides. Et à quel prix les obtenons-nous, au prix du caractère historique de la cité, des ses mœurs conservées, de son type, de son esprit public, de sa nationalité. Oui, encore un coup, la civilisation croulera à pleins bords dans cette rue ; mais je crains bien, moi, que la barbarie ne trouve, pour envahir la métropole lyonnaise, les mêmes facilités que la civilisation ; je crains bien que le charlatanisme, la rouerie, l’égoïsme de Paris ne fassent plus vite irruption, et n’achèvent de ruiner la physionomie locale »[3]


    Avec le temps, ces premières réticences se sont éclipsées et la rue de la Ré s’est installée dans le cœur des gens. Voici un beau témoignage de Jean Reverzy, tout imprégné des années cinquante :

    « A l’époque que nous évoquons, la jeunesse triste et humblement vêtue avait pris l’habitude d’arpenter la rue de la République à la fin de l’après-midi, les mains aux poches et un cahier de cours sous le bras. Nous allions par petits groupes, coude à coude, en causant à voix basse. La promenade sans but, d’un bout à l’autre de la rue, refaite dix fois, durait jusqu’au soir. Chaque visage rencontré était familier ; nous levions parfois les yeux sur une jeune fille, sans aller jusqu’à lui sourire : telles furent nos amours enfantines, dans un monde qui semblait et mourir d’ennui et de silence : cela s’appelait faire la rue de la Ré »[4]

     

    Faire la Rue de la Ré, ces mots-là, tous les Lyonnais les ont prononcés un jour. Pour y accéder, on prenait donc sa ligne O.T.L. (Office des transports lyonnais), le samedi après midi et l’on appelait cela « aller en ville » : aux Terreaux, par exemple, ou bien à Bellecour. Ou encore aux Cordeliers. Dans tous les cas, on faisait la rue de la Ré, véritable entreprise, dans un territoire conçu pour monsieur et pour madame, pour chacun et pour chacune : la presqu’île, dont la République et le monument érigé à son président assassiné était le centre, et dont la rue de la Ré était le nerf, a vraiment connu son heure de gloire dans les années cinquante/soixante. Durant la période dite « des fêtes », c’est-à-dire du huit décembre (qui ne durait alors qu’une soirée) à la Saint-Sylvestre, on s’y traînait en famille parmi des odeurs de brioches et de marrons chauds, dans la cohue de ses trottoirs parsemés de sapins enguirlandés, et les klaxons de sa chaussée qu’empruntaient les trolleys de la ligne 7 : Walt Disney était à l’affiche du Cinéjournal, John Wayne à celle du Majestic, Ben-Hur et Scarlett O’Hara à celle du Pathé : un véritable centre ville dans lequel le Pathé et le Progrès (aujourd’hui la Fnac), les brasseries (bar Américain, Tonneau, la Paix…), les sièges opulents des banques, les commerces et les grands magasins (Aux deux passages) distillaient savamment des ambiances citadines inoubliables.

    Depuis 1975, Avec la construction du centre commercial de la Part-Dieu, la Rue de la Ré a perdu ce caractère de centre ville exclusif. La construction, dans la foulée, du métro l’a rendue piétonne : Il est certain qu’à présent, entre la Fnac et les enseignes de restauration rapide, la Rue de la Ré, comme d’ailleurs beaucoup d’artères centrales de nos grandes villes, n’offre aux chalands cette poésie urbaine dont le texte de Reverzy se faisait écho. C’est une artère de consommation, de distribution.

    A l’image de la République, finalement…



    [1] Histoire de Lyon, tome III, librairie Pierre Masson, Lyon 1952

    [2] La Gerbe d’Or, Henri Béraud

    [3] Joseph Bard, « Bulletin d’archéologie locale » de la Revue du Lyonnais, 1852

    [4] A la Recherche d’un miroir Jean Reverzy, , Julliard, 1962,  réed. Flammarion 1001 pages, 2002

  • Cuvier

    "Le Napoléon de l'Intelligence" (rien de moins !): Ainsi le nomma Jean Viennot, en 1932.

    Avant lui, Balzac lui-même s'était interrogé : "Cuvier n'est-il pas le plus grand poète de notre siècle ?" Bon, par conséquent Viennot ne fait en disant cela qu'imiter Balzac, dont on sait bien qu’il voyait des Napoléon partout (le Napoléon de la pharmacie, de la finance, du journalisme...) et qu’il avait l'hyperbole facile. Tout de même, tout de même... Le compliment a dû toucher Cuvier au cœur, Cuvier qui trône en chair de bronze en plein centre de sa ville natale, Montbéliard, juste en face du célèbre temple protestant. C'est dans cette ville-là qu'il passa les quinze premières années de sa vie. Et on imagine ce que pouvait être Montbéliard, de 1769 à 1784 ! Pas très gai, ni très animé… Comme les heures y sont lentes, la lecture d'un ouvrage de Buffon, trouvé par hasard dans la bibliothèque d'un de ses parents, l'égaye un peu. Cela éveille en lui le goût de l'histoire naturelle : une véritable vocation. Dès lors le jeune Cuvier part faire ses études à Stuttgart. Il devint ensuite précepteur à Caen, puis Fécamp, auprès de la famille Héricy en 1788.

    12495-004-060206B7.jpgC'est durant cet épisode qu'il entra en contact avec les naturalistes du Musée d'Histoire naturelle de Paris, en tant que suppléant à la chaire d'Anatomie où il effectua ses premiers pas en 1795. On connait la suite.

    Ce savant fut un homme comblé d'honneur : Chevalier d'Empire, Baron sous Louis XVIII, Pair de France sous Louis-Philippe... Pour un politique, un tel parcours serait suspecté d’opportunisme... Mais à un savant, tout est pardonné. Surtout en ce temps où le scientisme commence à s’emparer des esprits.

    Car Cuvier fut surtout l'initiateur de la paléontologie scientifique et de l'anatomie comparée : En se fondant sur leur organisation interne, Cuvier a établi les rapports des êtres vivants entre eux, et publie en 1817 Le Règne animal distribué d'après son organisation. La loi de subordination des caractères des animaux et de leurs organes lui permet d'établir une classification naturelle entre les espèces. Le système nerveux, « qui est au fond tout l'animal », donne les embranchements ; les organes de la respiration et de la circulation donnent les classes ; des organes de plus en plus subordonnés donneront successivement les ordres, les familles, les tribus, les genres, les espèces. Voilà le poète dont parlait Balzac en pleine ébullition : comme quoi, cela sert à quelque chose de s'ennuyer quinze ans à Montbéliard.

    Cuvier développera surtout cette méthode dans son grand ouvrage sur l'Histoire naturelle des Poissons (1828-1831). Mais la gloire de Cuvier fut d'être le romancier des fossiles : Oserons-nous dire le Balzac des invertébrés ? En 1812, première édition des Recherches sur les ossements fossiles où l'on rétablit les caractères de plusieurs animaux dont les révolutions du globe ont détruit les espèces, auquel il rajoutera par la suite le fameux : Discours sur les révolutions de la surface du globe et sur les changements qu'elles ont produits dans le règne animal. Cuvier met au point sa théorie de l'utilité des catastrophes (catastrophisme) qui finira par l'opposer à Darwin.

     

    Nous sommes assez loin de l'histoire lyonnaise : Cuvier mourut en 1832 et en 1848, la municipalité de Lyon tint à rendre hommage à ce savant de Franche-Comté en lui offrant l'une des rues qui venait, depuis peu d'être, aménagée à la place des anciens brots de la rive gauche du Rhône. Pourquoi Cuvier ? Depuis sa création assez récente, cette nouvelle voie avait été, une rue d'Angoulême, puis une rue d'Orléans. L'histoire filait, le siècle passait : on souhaitait marquer par un hommage à un scientifique la naissance d'une nouvelle République, qui eut hélas la vie courte. La rue, elle, a gardé son nom jusqu'aux jours actuels. Elle permet de filer du boulevard des Brotteaux jusqu’au quai du Général Serrail, traversant donc tout le sixième arrondissement, d'une gare à un fleuve : voilà ce qu’on appelle une rue sans histoire.

     

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    photos : les deux âges de Cuvier

     

  • Morellet

    On a donné à cette rue du sixième arrondissement le nom du philologue et littérateur abbé Morellet, né à Lyon le 7 mars 1727, dans une famille de marchand papetier, au sein de laquelle il fut l'ainé de quatorze enfants. Élevé chez les jésuites, il se passionna très tôt pour l'écriture et la rhétorique, auprès de son régent, l'abbé Fabri. A l'âge de quatorze ans, son père l'envoya au séminaire des Trente Trois à Paris pour achever ses études. Au début de sa carrière, dans les années 1750, l'abbé Morellet est séduit par les idées audacieuses des Lumières. Il collabore à l'Encyclopédie (articles Fils de Dieu, Foi, onomatopée, gomariste ...) et fréquente Turgot, M de Malesherbes, Diderot, d'Alembert.

    1654967105.jpgA la mort du pape Benoit XIV, il part à Rome pour assister au conclave qui s'y tient. C'est là qu'il découvre et traduit Le Manuel des Inquisiteurs de Nicolas Eymerich, qui parut en 1762. De retour à Paris, il réintègre la vie mondaine et le cercle des philosophes, où Voltaire le surnomme "l'abbé Mords-les" Après avoir assisté à la première de la fameuse comédie des Philosophes de Palissot (dont Diderot parle dans Le neveu de Rameau), il écrit une violente diatribe contre l'auteur, ce qui lui vaudra deux mois de Bastille en été 1761. Mois qu'il mit à profit en fréquentant assidument la bibliothèque de la Bastille. Outre quatre-vingt dix romans survolés, il lut alors Les Essais philosophiques de Hume, Tacite en entier et deux fois Agricola. Au livre X des Confessions, Jean Jacques Rousseau donne quelques détails de cette aventure. Effrayé par les événements révolutionnaires, Morellet gagne ensuite le parti de la réaction.

    Sa nièce, Madame Chéron, a pu animer grâce à lui et à ses réseaux un véritable cercle littéraire à Lyon. Il a eu de véritables querelles avec certains de ses contemporains, notamment Geoffroy et Grimm. Il fut reçu à l'Académie Française le 28 avril 1783. Lorsque l'Académie ferma, en 1792, c'est lui qui sauva les registres de délibérations, le manuscrit du Dictionnaire et les titres de la Compagnie, qu'il remit, en 1803, à l'Institut : cela vaut bien une plaque de rue !

    « Arrivé à l'âge de soixante-dix ans, et une époque où je ne suis plus très éloigné du terme de ma carrière, que les troubles au milieu desquels nous vivons peuvent d'un moment à l'autre abréger encore, je veux profiter du temps qui me reste pour jeter un coup d'œil en arrière sur le chemin que 'ai fait dans la vie, me rappeler les obstacles que j'y ai rencontrés, les moyens qui m'ont aidés quelquefois à les vaincre, les liaisons que j'ai formées, le caractère des hommes de quelques valeur que j'ai connus, les affaires de quelque importance publique auxquelles j'ai pris une faible part, enfin les événements de ma vie privée, et l'ordre de mes travaux littéraires. »  C'est ainsi que débutent les Mémoires de l'abbé Morellet, littérateur et religieux insolite, qui ne parurent qu'en 1821.

    L'abbé Morellet s’est éteint à Paris, le 12 janvier 1829

     

     

  • Jaboulay

     

    Mathieu Jaboulay est né le 3 juillet 1860 à Saint-Genis-Laval, dans le département du Rhône. Il fut interne dans les hôpitaux de Lyon dès l'âge de vingt et un an et demeure dans l'histoire locale comme le dernier chirurgien-major de l'Hôtel-Dieu, où il fut le maître d'Alexis Carrel. En 1901, c'est lui qui succéda à Ollier dans la chaire de clinique chirurgicale.

    Sa carrière commença sous l'égide de l'asepsie, dont il fut à Lyon le premier représentant. Le sublimé, l'acide phénique, l'iodoforme n'ont jamais paru dans son service hospitalier; seuls furent utilisés les instruments, les liquides, les objets de pansements stérilisés par la chaleur la plus élevée, capable seule de détruire les agents infectieux sans altérer la résistance de l'organisme. Il fut le premier à pratiquer les opérations abdominales; la chirurgie du grand sympathique, dérivant d'une idée physiologique, fut son plus beau titre de gloire. Il fut par ailleurs pionnier de la greffe du rein en 1906, réalisant deux transplantations de reins au coude de patients insuffisants rénaux, qui se soldèrent hélas par un échec.

    Mathieu Jaboulay est mort dans l'accident de chemin de fer de Melun, le 4 novembre 1913, alors qu'il allait à Paris pour présider le concours d'agrégation.

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    Le 17 novembre de cette même année, l'ancienne rue de la Lône, dans le septième arrondissement, recevait son nom.

     

     

     

  • Moncey

    Le cirque Rancy aura bien longtemps dressé sa silhouette massive et biscornue à l’angle de l’avenue de Saxe et de la rue Moncey. L’établissement avait été fondé en 1882 par le célèbre Théodore Rancy (1818 - 1892) et il fut démoli en 1941, pour raisons d’assainissement du quartier, alors qu’il était désaffecté. Au moment de ses heures de gloire, les gradins de ce cirque d’hiver pouvaient accueillir jusqu’à six mille spectateurs.
    moncey_img2.jpgOuverte en 1855, cette rue prit le nom de Bon Adrien Jannot de Moncey, duc de Conegliano, maréchal d’Empire (1754-1842) qui défendit Paris en 1814 et finit gouverneur des Invalides. Ce nom de Moncey provient d'un hameau que sa famille avait acheté, en 1789, au marquis de Cheylard.
     Son père était avocat à Besançon. Contrariant sa famille, il s’évade du collège eès l'âge de 15 ans pour s'enrôlerdans le régiment de Conti-Infanterie où il sert en tant que grenadier jusqu’en 1773. Il rachète deux fois son congé et se livre ensuite à l’étude du droit.

    En 1774, il entre dans la gendarmerie de la garde où il restera jusqu’en 1778. En 1779, on le retrouve sous-lieutenant au corps d’infanterie de Nassau-Siegen. En 1782, il est lieutenant en second et lieutenant en premier en 1785. Le 1er avril 1791, non ce n'est pas une farce, il est capitaine. Lorsque Bonaparte, en 1801, créa l'inspection générale de la gendarmerie, il en confia la direction à Moncey, qui  conserva ce poste jusqu'à la fin de la première Restauration : on super flic, en somme. . Ci-dessus, son blason. Son fils, nous disent ses biographes, est mort stupidement à 25 ans, d'un coup de fusil de chasse.

    C’est dans cette rue que les militants de l’Internationale se réunissaient, chez l’épicier Conchon, et parmi eux  l'anarchiste Albert Richard, compagnon de Bakounine et de Bastelifica. Entre la rue Villeroy et la rue Saint-Jacques, au numéro 34 de la rue, a longtemps existé un cabaret pittoresque, A la femme sans tête. L'enseigne, encastrée sous un balcon, représentait une femme tenant une quenouille et un fuseau.

    Les rues Moncey, Juliette Récamier, des Émeraudes ont absorbé le chemin de la Fusillade où tombèrent les victimes de 1793, ainsi que l’ancien chemin qui allait vers les Charpennes. Ci-dessous, une photo du cirque Rancy.

     

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