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  • Commandant Arnaud

    Autour de la figure de ce commandant, il y a eu à la Croix-Rousse une sorte de légende durant la première partie du vingtième siècle. Cela nous ramène à l'année 1870 et à la bataille de Nuits (voir ce billet) Le 19 décembre 1870, au lendemain de la défaite militaire, la rumeur s'était répandue que les légions de volontaires du Rhône avaient été décimées sous le regard de la troupe qui n'avait bougé pour les défendre. Devant une foule en ébullition où les femmes, mères, veuves et sœurs des morts à Nuits ne sont pas les moins excitées, on crie à la trahison et des meneurs affiliés à l'Internationale tentent de récupérer la colère pour créer un mouvement insurrectionnel visant à chasser le préfet Challemel Lacour (voir ce billet), le conseil municipal, et installer la Commune à l'Hôtel-de-Ville. C'est dans la salle Valentino, au n° 8 de la place de la Croix-Rousse que, dans une atmosphère d'orage, s'enchainaient les discours.

    On somma le commandant du 12ème bataillon de la Garde nationale, un chef d'atelier du nom d'Antoine Arnaud, connu par la police impériale pour son républicanisme, libre penseur et franc-maçon, de se placer à la tête des émeutiers et de les diriger vers l'Hôtel-de-Ville. Arnaud refusa, tenta de s'enfuir par la rue du Mail où il fut saisi par les émeutiers, traîné dans la salle Valentino et condamné à mort par une assemblée surchauffée après un simulacre de jugement. On le conduisit au Clos-Jouve, escorté de femmes qui portaient des drapeaux rouges et noirs et on le fusilla. Jetant son képi en l'air, il commanda lui-même le feu, rapportèrent des témoins, en criant Vive la République.
    Grâce à sa Résistance, les bataillons du entre Ville purent réprimer les projets des émeutiers. Le Conseil Municipal de Lyon, "considérant que le commandant Arnaud, du 12ème bataillon, avait été lâchement assassiné en cherchant à maintenir l'ordre public menacé" décida d'adopter ses trois enfants au nom de la ville, et d'attribuer une pension viagère à sa veuve.

    «Les funérailles seraient faites au frais de la commune et un emplacement de terrain cédé gratuitement et à perpétuité. Le 22 décembre, raconte Kleinclausz dans son Histoire de Lyon, le cercueil du commandant Arnaud, recouvert des insignes compagnonniques et maçonniques, fut conduit au cimetière de la Croix-Rousse par une foule énorme en tête de laquelle marchaient le maire Hénon, le préfet Challemel Lacour et Gambetta, de passage Lyon. Le Conseil de guerre prononça quatre condamnations à mort parmi les tribuns de la salle Valentino : seul le dénommé Deloche fut passé par les armes, les autres étant en fuite. On admit qu'Arnaud avait été victime d'une vengeance des internationalistes. D'autres contemporains évoquèrent une confusion possible avec un homonyme. »

    La place fut réaménagée sous la forme qu'on lui connait, avec la longue école primaire, au début du vingtième siècle. Lorsque le tramway électrique relia Perrache à la Croix-Rousse par les pentes abruptes du cours des Chartreux, on créa une ligne 13 qui, reliant Perrache à la place du commandant Arnaud, devint vite célèbre pour ses torpilleurs, surnom donné à ses motrices. Sur la photo, une voiture de la ligne 13 Perrache-Commandant Arnaud.

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  • Des médecins et des rues

    Dans un numéro spécial de la Revue Lyonnaise de Médecine daté de 1958, je découvre un long article passionnant de Ch. Pétouraud et J Rousset, consacré aux médecins et aux rues de Lyon. Les auteurs remarquent dans un premier temps que les rues portant des noms de médecins auront rarement été débaptisées. Ils citent deux cas : la rue de Pavie (dédiée à Simon de Pavie, qui acheva la construction de l'église Saint-Bonaventure) et la rue Lazare Meyssonier (un protestant converti au catholicisme au XVIIIème siècle). Mais ces deux rues ayant en réalité été démolies lors de l'aménagement du quartier Grolée en 1890-1898, ils concluent en affirmant que « l'éponymat médical semble avoir été le plus durable de tous ». Sur environ quinze cents rues, places, cours, quais, boulevards, montées, impasses... portant des noms, ils en dénombrent quatre vingt baptisés de noms de médecins. Pour arriver à un tel chiffre, ils donnent parfois, c'est vrai, dans l'arbitraire : Clémenceau, par exemple, exerça, je l'apprends en les lisant, la médecine rurale en Vendée de 1869 à 1871; il empocha pour cela 1900 francs d'honoraires. Augagneur et Gailleton ont beau avoir été docteurs, ils ont passé plus de temps à faire de la politique qu'à soigner des malades, et c'est à leurs mandats de maires qu'ils doivent leur plaque respective. On conviendra que Saint-Alexandre et François Rabelais doivent leur passage à la postérité davantage au statut de martyre que gagna le premier au milieu des lions de l'Amphithéâtre et aux prodigieux géants que le second créa qu'à leur pratique purement médicale. Et de même Jakob Spon, est célébré davantage en tant que numismate, archéologue et érudit, que disciple d'Hippocrate. Enfin, pour ne citer que ces quelques exemples, le cours du docteur Long, qui traverse tout le quartier de Montchat, commémore davantage, hélas, l'assassinat par la Milice, le 23 octobre 1943, d'un actif résistant, que la carrière d'un humble et obscur praticien de l'ancien cours Henri. Nos deux enquêteurs ne sont pas dupes : « Il est bien certain que souvent on a fait à des médecins l'honneur de leur donner une rue pour des raisons très extra-médicales. » On sent cependant poindre une certaine vanité de corps, non dénuée d'humour : car n'en est-il pas de même, poursuivent-ils, pour toutes les professions : « A qui fera-t-on admettre que ce soit pour célébrer l'auteur de Nana que l'on a inscrit le nom d'Emile Zola sur les murailles étonnées de la rue Saint-Dominique ? » Certes ! Sur le catalogue de quatre-vingts noms, ils ne se reconnaissent donc seulement qu'une trentaine de collègues authentiques.
    Parmi ces quelques obscurs et ces sans-grades, je n'en citerai qu'un, dont je trouve la notice qu'ils ont rédigée à sa mémoire fort jolie :

    Bonhomme (rue du docteur ... IIIème) : « Georges Bonhomme, né le 9 juillet 1883 à Lyon. Interne suppléant des Hopitaux de Lyon. Médecin praticien de valeur, très dévoué à ses malades. Installé chemin des Platanes, 35, il fut extrêmement populaire dans ce quartier où il était aimé de tout le monde. Pour lui, la plaque bleue est un équivalent du ruban rouge. Mort à Lyon le 23 avril 1952. »

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    La visite chez le médecin du village, David II TÉNIERS 1660, Huile sur bois, 29 x 38 cm Serge Wytz
  • Richard-Vitton

    On méconnait trop l’importance du tiret. Etudier le nom des rues est une science qui n’intéresse pas seulement l’histoire (locale ou autre), n’attire pas seulement notre attention sur les nombreuses matières qui, au hasard des appellations, se rappellent hasardeusement à notre infinie ignorance ( musique, peinture, sociologie, littérature, sciences politiques, religion, géographie, médecine…) mais également nous remet en mémoire les bienfaits de la ponctuation. J’en veux pour preuve celui-ci, Richard-Vitton, que porte une rue calme du quartier de Montchat dans le troisième arrondissement lyonnais.

    J’ai longtemps cru que Richard Vitton était un gars sans histoire, député ou maire, comme tant d’autres. Guère d’originalité là-dedans, je vous l’accorde. Et je ne m’étais jamais interrogé plus que ça sur l’existence simultanée à Lyon d’un cours Vitton et d’un cours Richard-Vitton. Quand j’ai découvert, stupéfait, l’existence de ce petit tiret, signe (arbitraire et pourtant nécessaire, comme aurait dit toute la clique des Saussure, Benveniste et autres) du nom composé.

    Jean Louis François RICHARD (1803-1874) est le fils de Charles François RICHARD (1772-1851), soldat sous la Révolution qui s’établit à Saint-Chamond où il fit fortune honnête en montant une entreprise de lacets. En épousant la fille d’Henri VITTON (1793-1834), l’ancien maire de la Guillotière, une dénommée Louis Françoise, le fils de l’entrepreneur en lacets  devint donc ce fameux Jean Louis François RICHARD-VITTON, a qui le cours de Montchat fut dédié ; En lotissant son domaine, la famille-dynastie des Vitton, laquelle possédait une bonne partie du quartier autour des dix-sept hectares de son château, dota en effet douze kilomètres de voies publiques à la ville. La contrepartie, c’était que chaque rue devait porter le prénom d’un de ses enfants (Julie, Julien, Louise, Antoinette…) au fur et à mesure quelle cédait ses terrains pour faire du logement social. Devenu maire du troisième arrondissement après l’annexion de la Guillotière à la ville, Jean Louis François RICHARD-VITTON céda ainsi – c’est ce que raconte la petite histoire – la voirie de Montchat au préfet Vaisse, à condition que la municipalité s’engageât à conserver la mémoire de ses chères têtes blondes (1) en ne changeant plus les noms des rues de ce quartier. En retour,  Richard-Vitton offrit le doux nom de l’impératrice ’Eugénie à l’une des voies du lotissement.

     

    (1)  Ou brunes : le story board ne le précise pas.

  • Vitton

    Autrefois, tout le quartier de la rive gauche appartenait à la commune de la Guillotière. Celle-ci avait été réunie une première fois à Lyon en 1793. Occupée par les armées de la Convention, elle recouvra son indépendance le 12 août 1793 et fut incorporée au département de l'Isère (district de Vienne-la-Patriote). La Guillotière a été annexée entièrement à Lyon en 1852, tandis qu'étaient rattachées au département du Rhône les communes de Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Bron et Saint-Fons. Cette même année 1852, Lyon fut divisée en arrondissement. La Guillotière formait le 3ème arrondissement. Par la suite, d'autres arrondissements furent créés, ce qui donna naissance au 6ème (1867), au 7ème (1912) et au 8ème (1959). La population de la rive gauche a considérablement augmentée durant le XIXème siècle, passant de 6000 habitants (1802) à 35 000 (1850) et 150 000 vers 1900. C'est à l'ingénieur Morand qu'on doit l'idée d'urbaniser cette rive gauche du Rhône. C'est pourquoi le pont qui permet le franchissement du fleuve face à la place Tolozan porte aujourd'hui encore son nom. Du temps de l'enfance de Puitspelu (cf Les Oisivetés du sieur Puistpelu, ch. "Les Montagnes"), les Lyonnais appelaient ce qui est aujourd'hui le cours Vitton "La Grande Allée". Cette grande Allée est devenue ensuite le cours Morand, puis le cours Vitton.


    Ecoutons Puitspelu lui-même, qui écrivit les lignes que voici en 1889 : "Nous allons prendre la Grande Allée, qu'on nomme aujourd'hui cours Morand. Cette grande Allée était creuse dans le milieu, où l'on avait laissé subsister le sol naturel. A droite et à gauche, des chaussées, auxquelles on accédait par des talus gazonnés. Les arbres étaient placés à l'inverse d'aujourd'hui, c'est-à-dire qu'ils étaient dans le milieu, dans la partie creuse. Beaucoup plus drus que les "ch'tis" platanes d'à présent, pour autant qu'il se trempaient les pieds dans l'humus frais, au lieu que ceux d'aujourd'hui les baignent dans les cailloux du Rhône qui ont servi de remblais. Cette grande Allée était tellement la promenade favorite des Lyonnais que, le dimanche, on disposait de chaque côté un triple rang de chaises qui, à certains jours de fêtes, étaient toutes occupées pour voir le défilé des promeneurs et des équipages. Dans la Grande Allée, bien entendu, aucune maison, mais de nombreux établissements de plaisir. D'abord, à droite, en allant à l'Orient, le petit Tivoli, où depuis un certain nombre d'années, Mourguet avait son théâtre Guignol (...). Après Mourguet, occupant l'espace entre l'avenue de Saxe et la rue Vendôme, se trouvait le café du Grand Orient, nom venu sans doute de la loge maçonnique de Cagliostro. A gauche, un cirque qui fut construit en 1818 par l'écuyer Désorme. Il fut incendié plus tard. Puis le Jardin Chinois , montagnes lilliputiennes basses (...) Après cela, il y avait dans la Grande Allée en se dirigeant vers les Charpennes nombre d'autres établissements, le jardin Montansier, des Vauxhalls, comme c'était alors la mode d'appeler les salles de danse, des tirs au pistolet. Ceux-ci dsparurent les derniers et il me souvient d'un être encore allé souvent tirer en 1850."

    Cette description de la Grande Allée, avant qu'elle ne devînt un cours urbanisé et prît les noms successifs de Morand et de Vitton, fort pittoresque (comme tout ce qu'a écrit le bon Nizier du Puitspelu) nous a occupés un bon moment. Elle évoque un espace bien différent de l'actuel cours, bordé d'immeubles bourgeois et de commerces luxueux. Je dirai simplement, pour le rapport avec le début de ce billet, que Henri Vitton, né en 1793, était maire de la Guillotière et que c'est lui qui, bien après la mort de Morand sous la guillotine (voir le billet sur la place Lyautey) et bien avant l'annexion transforma la "Grande Allée" en un cours qui prit son nom lorsqu'il mourut en duel en 1834. Les Vitton étaient une véritable dynastie, dont on a déjà parlé à propos de la rue Ferdinand Buisson, et que commémore également, dans le troisième arrondissement, le cours Richard-Vitton (Richard étant le nom du gendre et Vitton celui du beau-père)


    Sur le blog « certains jours »une photo des platanes, à l'entrée de la place Lyautey et du cours Vitton. Là se cache une forêt, connu des seuls poètes et de quelques génies. Mais chut ! Là, nous touchons à la légende.

     

  • Marronniers

    Afin de lui donner une forme régulière, la place Bellecour (Lyon 2ème) avait été bordée, à l'Est, de quatre rangées de marronniers. On cachait ainsi les masures dites de Basses-Brayes -on y posait culotte !

    La rue des Marronniers, appelée d'abord rue de Jérusalem, puis rue Neuve de Basses-brayes, a réellement pris figure vers 1715, lors de la construction des façades orientales de la place Bellecour (n° 2 à 10). L’architecte Melchior Munet, associé à Soufflot pour la construction du dôme de l’hôtel-Dieu et du quai Saint-Clair, fit bâtir à son usage, en 1740, la maison du n° 7.

    La proximité du siège du journal Le Progrès, ouvrant sur la rue Bellecordière juste en face, anima le lieu pendant la plus grande partie du vingtième siècle.

    Impossible de ne pas citer tout d'abord le petit restaurant de la mère Jean ( de son vrai nom Françoise Donnet), veillant sur ses volumineuses marmites où cuisaient en permanence petit salé et saucissons, à côté du fait-tout aux tripes et de la poële aux andouillettes. Impossible, non plus, de ne pas évoquer l'ombre de Planchon, et de son minuscule théâtre où devait débuter l'aventure qui le conduirait, pour le pire comme pour le meilleur, entre les murs villeurbannais du TNP. « Il y eut dans cette rue, écrit Bernard Frangin, aux alentours des années cinquante, une singulière dictature intellectuelle. L'aura du maître chapeautait inexorablement les disciples qui jouissaient d'ailleurs tous d'un prestige incroyable auprès des papillons de nuit venant tourner autour des tables chargées de bière et à qui on laissait généralement l'honneur de régler l'addition. Le moindre planteur de clou du théâtre, face à l'homme de la rue, s'auréolait de l'irrémédiable privilège d'avoir badigeonné un pan du décor du saint des saints. »

    (Bernard Frangin, Bistrots de Lyon, histoires et légendes).

    Lorsque Planchon quitte les lieux pour le TNP de Villeurbanne en1958 c'est Marcel Maréchal et sa compagnie du Cothurne qui prend sa suite, avant de s'en aller à son tour.

     Depuis la fin du siècle dernier, la rue des Marronniers mise sur le côté rétro pour attirer le chaland. On ne peut même plus compter le nombre de petit restaurants récents vendant de l'andouillette authentique aux touristes qui s'y pressent de chaque coté de la rue, à même le pavé ou sur des terrasses en bois. Le petit théâtre de Planchon est devenu un cinéma et "un lieu" portant le nom de Marronniers s'est ouvert pour donner le change.

    Quant aux marronniers de la place Bellecour, ils seront bientôt une légende : on en a déjà abattu un grand nombre, vieux, parait-il de cent cinquante ans, et arrivés à bout de souffle. C'est pour retrouver les ambiances du dix-septième siècle qu'on les a remplacés par les arbres qui trônaient par là à cette époque : des tilleuls.

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     Jeunesse de Roger Planchon au théâtre des Marronniers.

     

  • Palais de Justice

    Il y eut jadis une rue du Palais, ancienne rue des Fouettés, là même où les condamnés subissaient leurs châtiments. Cette rue disparut lors de l’édification d’un Palais de Justice digne de la deuxième ville du royaume de Louis Philippe. Voici comment le Nouveau Guide Pittoresque de l’Etranger à Lyon (1856) salue l’apparition de ce bâtiment flambant neuf, aux côtés du chevet médiéval de la primatiale Saint-Jean Baptiste : «Notre ville s’est enrichie d’un nouveau monument, destiné à remplir un vide qui existait dans l’ensemble de ses édifices, non pas seulement sous le rapport de sa destination, mais encore sous le rapport architectural : le style grec, en effet, ne figurait dans aucune œuvre complète et digne de ce nom. Cette lacune, le nouveau palais de Justice construit par M Balthard vient de la combler. »

     

    Depuis 1995, la roue a tourné et ce nouveau Palais de Justice est devenu à son tour l’ancien, ou plus précisément le Palais Historique, tandis que la plupart des affaires se traitent dans un nouveau qui a pris place au 183 de la rue de Créqui, dans le troisième arrondissement de Lyon. Sa façade se compose d’une colonnade corinthienne portée par un soubassement en pierres de taille de 3 mètres cinquante, et qu’ont rendue célèbre - depuis notamment le procès de Santo Caserio, l’assassin de Sadi Carnot (août 1884), et plus près de nous celui de Klaus Barbie (mai juillet 1987)- ses vingt quatre colonnes en pierres de Villebois

     
    Le précieux dictionnaire Brun et Valette rappelle que, de temps immémorial, on a rendu la justice en cet endroit, où s’élevait le Palais de Roanne, flanqué de la prison. C’est dans la salle des audiences criminelles de l’ancien palais de Roanne que se déroula, à partir du 12 septembre 1642, le procès du marquis de Cinq-Mars qui fut condamné à mort avec son ami et associé le conseiller au Parlement de Paris De Thou, pour conjuration contre le Roi et son premier ministre le Cardinal de Richelieu. Pendant la Terreur (1793-1794), la prison de Roanne ne désemplit pas et retint prisonniers un grand nombre de suspects jugés par le Tribunal Révolutionnaire, à l’issue d’un bref interrogatoire. Plusieurs milliers furent condamnés à être guillotinés place des Terreaux ou fusillés collectivement sur la plaine des Brotteaux.

    Dans ses Embellissements de Lyon, l’avocat Pérouse fait dire à un homme du peuple cette strophe à propos du Palais :

    « Le voilà donc fini, ce palais de chicane
    Il n’est guère plus gai que le Palais de Roanne
    Malgré son prix énorme, on le décrit d’un trait :
    Façade ambitieuse et plus ou moins correcte :
    A quoi bon, de Paris, mander cet architecte
    ? »

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    La photo ci-dessus date de 1931. On y voit Fourvière, « les 24 colonnes » ainsi que l’ancienne passerelle du Palais de Justice. L'actuelle rue du palais de Justice se compose du tronçon qui relie la rue Saint-Jean le quai, sur la droite du Palais.

  • Sur le changement des noms de rues

    M. le maire, dans une récente séance du Conseil municipal a fait une proposition qui mérite bien d'être prise en considération.

       -- Un propriétaire de la rue de l’Attache des Bœufs lui ayant écrit pour lui demander le changement du nom de cette rue qui, dit-il, et avec raison, n'indique plus sa destination actuelle et ne mérite pas d'être conservé, car il est inutile de rappeler que nos pères avaient eu la malheureuse idée de placer un abattoir dans l'intérieur d'un hôpital.

        -- Il s'agit donc de substituer à des noms ridicules et sans  aucune valeur, des noms qui disent quelque chose à la mémoire du peuple et lui rappellent ses bienfaiteurs. Ainsi nous verrions disparaître des dénominations aussi inconvenantes que celles de la montée du Tire-Cul, des rues de l'Enfant qui pisse, Ecorche-Bœuf et Pisse-Truie. Qui donc regretterait des noms de rues aussi niais que ceux-ci: rues Neuve, Longue, Pas-Etroit, Pareille, Trois-Passages, Deux-Maisons, Treize-Pas, Six-Grillets, Trois-Carreaux, Trois-Marie, Treize-Cantons, Soleil, Lune, Sphère, Petit-Soulier, Vide-Bourse, Arbre-Sec, Charbon-Blanc, Epine, Bouteille, Buisson, Cage, Lanterne, Plume,Forces, Gerbe, Bat-d'Argent, Plat-d'Argent, Bourdy, Bourchanin, Boucherie, Blancherie, des Prêtres, des Fouettés, des Auges, Musique des Anges, Sirène, Ours, Mulet, Limace, Grenouille, Boeuf et Ane.

        Nous jetons ici celle absurde et fastidieuse nomenclature de rues dont les noms ne rappellent que des enseignes, des  bas-reliefs qui ont, en partie, disparu, depuis que les numéros ont été substitués aux emblèmes sur chacune de nos maisons.

        Voici, en quels termes, M. le maire a formulé sa proposition :

        « Pour vous proposer un nouveau nom à donner à la rue de l'Attache des-Bœufs, j'ai cherché parmi ceux des bienfaiteurs des hôpitaux, et j'ai remarqué avec surprise, que si on avait érigé des statues aux deux fondateurs de l'Hôtel-Dieu, rien ne faisait connaître leurs noms au peuple ; je propose donc d'appeler désormais la rue de l'Attache des-Bœufs rue Childebert.

        « A cette proposition qui, je pense, ne peut pas souffrir une longue discussion, j'en joindrais une autre qui me paraît plus importante et qui, peut-être, vous semblera digne d'une sérieuse attention.

       « En attachant à une rue ou à une place le nom des hommes  qui ont servi leur pays nous voulons éterniser leur mémoire et porter à la postérité, le souvenir de leurs belles actions. C'est  là une intention noble et utile à la fois ; c'est là un témoignage de reconnaissance accordé au passé et un encouragement offert  à l'avenir. Mais le but est-il atteint ? Je ne le pense pas et lorsqu'on parcourt la plupart de nos rues, lorsqu'on prononce leur nom, la pensée se reporte-t-elle jamais à l'homme célèbre qui leur a donné le sien ?

        « Qui sait que Pouteau fût un des plus grands chirurgiens de  son siècle ? que Ravat fût un prévôt des marchands aussi distingué par son habileté que par son courage ? Que Jarente fut un abbé bienfaisant d'Ainay et qu'il fit cession à la ville de la rue qui porte son nom? Que Mazard fut un bienfaiteur des pauvres?

     Je pourrais multiplier les exemples. Comment faire cesser cet inconvénient, comment graver dans le cœur du peuple le nom du bon citoyen qu'il n'a encore que sur les lèvres ?  Cela me paraît facile. Pour commencer, je vous propose de placer au-des-sous du nom de la rue Childebert, et sur une pierre polie, ces mots : Childebert, roi de Paris, et son épouse Ultrogothe, fondateurs de l'Hôtel-Dieu de Lyon (549).

       « Je ne sais si je me trompe, mais cette idée me paraît à la fois morale et philosophique. Cet enseignement en plein air du passé apprendra au peuple l'histoire de son pays; il lui fera connaître les bienfaiteurs de ses pères et dira à ceux qui se dévouent à servir leur patrie avec zèle et désintéressement qu'ils ne seront pas toujours condamnés à n'être payés de leurs efforts que par l'ingratitude et l'oubli. Peut-être celle idée, développée par vous, et plus tard adoptée, fera-t-elle letour de la France, et la plupart des villes reconnaitront-elles l'utilité de cette histoire lapidaire mise à la portée du plus grand nombre et qui n'est, après tout qu'un acte de reconnaissance et d'intérêt bien entendu.

      Je vous propose, messieurs, de renvoyer l'examen de mon rapport à une commission spéciale composée de trois membres. »

       Le conseil renvoie à une commission, composée de MM. Seriziat (Henri), Chinardet Falconnet.

       Nous aimons à croire qu'on évitera tout acte de courtisanerie dans ce nouveau baptême des rues de Lyon. Nous avons suffisamment appris, en nos quarante dernières années, que les pouvoirs passent rapidement et qu'il ne faut pas donner à ces dieux d'un jour plus de place ici-bas qu'ils n'en ont aux yeux de Dieu.

     

    REVUE DU LYONNAIS vol 13  (1841)