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rue cuvier

  • Cuvier

    "Le Napoléon de l'Intelligence" (rien de moins !): Ainsi le nomma Jean Viennot, en 1932.

    Avant lui, Balzac lui-même s'était interrogé : "Cuvier n'est-il pas le plus grand poète de notre siècle ?" Bon, par conséquent Viennot ne fait en disant cela qu'imiter Balzac, dont on sait bien qu’il voyait des Napoléon partout (le Napoléon de la pharmacie, de la finance, du journalisme...) et qu’il avait l'hyperbole facile. Tout de même, tout de même... Le compliment a dû toucher Cuvier au cœur, Cuvier qui trône en chair de bronze en plein centre de sa ville natale, Montbéliard, juste en face du célèbre temple protestant. C'est dans cette ville-là qu'il passa les quinze premières années de sa vie. Et on imagine ce que pouvait être Montbéliard, de 1769 à 1784 ! Pas très gai, ni très animé… Comme les heures y sont lentes, la lecture d'un ouvrage de Buffon, trouvé par hasard dans la bibliothèque d'un de ses parents, l'égaye un peu. Cela éveille en lui le goût de l'histoire naturelle : une véritable vocation. Dès lors le jeune Cuvier part faire ses études à Stuttgart. Il devint ensuite précepteur à Caen, puis Fécamp, auprès de la famille Héricy en 1788.

    12495-004-060206B7.jpgC'est durant cet épisode qu'il entra en contact avec les naturalistes du Musée d'Histoire naturelle de Paris, en tant que suppléant à la chaire d'Anatomie où il effectua ses premiers pas en 1795. On connait la suite.

    Ce savant fut un homme comblé d'honneur : Chevalier d'Empire, Baron sous Louis XVIII, Pair de France sous Louis-Philippe... Pour un politique, un tel parcours serait suspecté d’opportunisme... Mais à un savant, tout est pardonné. Surtout en ce temps où le scientisme commence à s’emparer des esprits.

    Car Cuvier fut surtout l'initiateur de la paléontologie scientifique et de l'anatomie comparée : En se fondant sur leur organisation interne, Cuvier a établi les rapports des êtres vivants entre eux, et publie en 1817 Le Règne animal distribué d'après son organisation. La loi de subordination des caractères des animaux et de leurs organes lui permet d'établir une classification naturelle entre les espèces. Le système nerveux, « qui est au fond tout l'animal », donne les embranchements ; les organes de la respiration et de la circulation donnent les classes ; des organes de plus en plus subordonnés donneront successivement les ordres, les familles, les tribus, les genres, les espèces. Voilà le poète dont parlait Balzac en pleine ébullition : comme quoi, cela sert à quelque chose de s'ennuyer quinze ans à Montbéliard.

    Cuvier développera surtout cette méthode dans son grand ouvrage sur l'Histoire naturelle des Poissons (1828-1831). Mais la gloire de Cuvier fut d'être le romancier des fossiles : Oserons-nous dire le Balzac des invertébrés ? En 1812, première édition des Recherches sur les ossements fossiles où l'on rétablit les caractères de plusieurs animaux dont les révolutions du globe ont détruit les espèces, auquel il rajoutera par la suite le fameux : Discours sur les révolutions de la surface du globe et sur les changements qu'elles ont produits dans le règne animal. Cuvier met au point sa théorie de l'utilité des catastrophes (catastrophisme) qui finira par l'opposer à Darwin.

     

    Nous sommes assez loin de l'histoire lyonnaise : Cuvier mourut en 1832 et en 1848, la municipalité de Lyon tint à rendre hommage à ce savant de Franche-Comté en lui offrant l'une des rues qui venait, depuis peu d'être, aménagée à la place des anciens brots de la rive gauche du Rhône. Pourquoi Cuvier ? Depuis sa création assez récente, cette nouvelle voie avait été, une rue d'Angoulême, puis une rue d'Orléans. L'histoire filait, le siècle passait : on souhaitait marquer par un hommage à un scientifique la naissance d'une nouvelle République, qui eut hélas la vie courte. La rue, elle, a gardé son nom jusqu'aux jours actuels. Elle permet de filer du boulevard des Brotteaux jusqu’au quai du Général Serrail, traversant donc tout le sixième arrondissement, d'une gare à un fleuve : voilà ce qu’on appelle une rue sans histoire.

     

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    photos : les deux âges de Cuvier