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  • Jean Moulin

    Un simple chemin de terre longea longtemps le Rhône à cet endroit, qu'on appelait fort banalement le chemin des Courtines. Le mot désignait d'abord l'ouvrage de fortifications servant à relier deux tours, puis la muraille, le terre-plein et le chemin. Le 1er septembre 1740, lors de la création du quai, le Consulat lui attribua le nom de celui qui en avait été l'initiateur, le duc de Retz (1695-1765), sans rapport avec le célèbre cardinal, fougueux ennemi de Mazarin. Louis François Anne de Neuville, duc de Retz appartenait à la famille de Villeroy (voir ce nom) et était alors le gouverneur de la ville. Durant la Révolution, il fut brièvement nommé quai des Victoires puis quai Le Pelletier. Une partie constitua durant quelques temps la rue Fusterie (entre la rue Neuve et les Cordeliers). Le prestigieux quai de Retz hébergea longtemps maison de soieries dont on peut retracer la dynastie : Guyot (1750), Guyot et Germain (1769-1774), Germain et Déchazelle (1774-1808), Chuard et Cie (1808-181), Bissardon et Bony (1810-1820), Cordelier et Le Mire (1820-1833), Le Mire père et fils (1842-1865), Lamy et Giraud (1865-1894), Lamy et Bernet (1894-190), Lamy et Gautier (1900-1919), et qui devint depuis la manufacture Prelle et Cie, qui existe encore rue Barodet. Les cafés du quai de Retz (café Gerbert, café de la Perle) étaient des lieux de réunion importants et influents qui connurent leurs heures de gloire, l'un durant la Révolution de 89, l'autre durant celle de Juillet 1830.

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    L'ancien quai de Retz, avant la création des axes autoroutiers qui ont littéralement coupé les Lyonnais de leurs fleuves, constitua après la crue de 1856, avec le quai Bon-Rencontre et le quai de l'Hôpital, une promenade ininterrompue le long du Rhône, du pont Morand jusqu'au pont de la Guillotière, dotée d'un trottoir de 10 mètres de larges côté fleuve, d'une chaussée bordée d'arbres de 12 mètres, et d'un autre trottoir coté maisons de 4 m 50. Le réaménagement du quai de Retz coûta alors 950 000 francs. Voies-express et parkings polluent et défigurent hélas impunément le charme de cette promenade depuis plus de soixante ans. Sur la vue du quai (fin XIXème) placée ci-dessus, on distingue encore le vieux pont Morand, la colline de la Croix-Rousse sans les immeubles modernes et l'opéra sans la disgrâcieuse coiffe que lui attribua Jean Nouvel.

     

     

    352064640.jpgEn 1947, le quai de Retz fut attribué à Jean Moulin (1899-1943), préfet de la République, président fondateur du Comité National de la Résistance, capturé à Caluire-et-Cuire chez le docteur Dugoujon. Plutôt que de rappeler ici une histoire que tout le monde connaît, je préfère entrouvrir les portes du musée des Beaux-Arts de Béziers, sa ville natale, où sont accrochés quelques uns des nombreux dessins et croquis de Jean Moulin, de son vivant artiste, qu'il signa dans les années 30 du nom de Romanin. Dessin : Le Marin aux trois filles, encre de chine et aquarelle sur papier.

  • Bayard

    On devrait écrire Bayart, car ce cours du deuxième arrondissement de Lyon (situé derrière les voutes) a été ainsi dénommé en mémoire du chevalier Bayart et de son oncle, Théodore du Terrail, qui était abbé d'Ainay lorsque le chevalier sans peur et sans reproche fit à Lyon ses premiers pas dans un tournoi, dans la plaine de la Guillotière.

    En 1494, en effet, alors qu'il n'était âgé que de dix-huit ans, Bayard prit part au tournoi qu'avait organisé, en l'honneur du jeune roi de vingt quatre ans, Charles VIII, le sire de Vaudrey, un gentilhomme de Bourgogne. On était au joli mois de mai. Selon la coutume, Claude de Vauldrey avait fait pendre ses écus. Pour s'inscrire au tournoi, il suffisait, à condition d'être gentilhomme, de toucher les écus. Un jour, Bayard, qui n'était plus page que depuis quelques semaines, toucha les écus. "Ce n'est pas possible, lui dit le maître d'armes. Vous n'aurez pas de barbe avant trois ans, et vous voulez combattre messire Claude, qui est un des plus rudes chevaliers qu'on sache ?". Bayard répliqua que ce n'était pas par orgueil, mais pour apprendre les armes auprès de gens de talent. Afin de paraître richement vêtu et armé au tournoi, il soutira une somme importante à son oncle, si bien qu'on dit ici que si Bayard fut sans peur, il ne fut pas sans reproche.

    Il remporta cependant un grand succès. Pas un homme n'ayant fait mieux contre messire de Vauldrey, tant à pied qu'à cheval, les belles dames s'exclamèrent, lorsque selon la coutume, il longea la lice, visière levée, après le tournoi : « Vey-vo cestu malotru, il est mieulx fay que tous aultres » (Regardez ce malotru : il est mieux fait que tous les autres !)

    Mais le soir, au souper royal, Charles VIII eut cette phrase : « Par la foi de mon corps, Bayard a un commencement dont, à mon avis, il fera saillie à bonne fin ».

    Bayard mourut en 1524, d'un coup d'épée, à la retraite de Rebec. Son chroniqueur raconte ainsi sa mor t:

    « Quand il sentit le coup, se prit à crier : Jésus !, et puis dit : Hélas, mon Dieu, je suis mort. Il prit alors son épée par la poignée et baisa la croisée en signe de croix, en disant tout haut : Miserere mei Deus ! Je me rends compte que je suis blessé à mort. Je prends la mort en gré et je n'y aurai aucune déplaisance ! »
    Le 10 avril 1900, si l'on en croit Louis Maynard, l'illustre auteur du Dictionnaire des Lyonnaiseries, mourut à Lyon un pauvre cocher de fiacre. On fut tout étonné d'apprendre par son état-civil, qu'il était un authentique descendant de Bayart, et se nommait Léon Couvat du Terrail. Il était originaire du département de l'Isère...

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  • Bechevelin

    Parallèle à la rue de Marseille, cette rue du septième arrondissement traverse de part en part le quartier des Universités. Placée au point d’arrivée du Dauphiné et de la Provence, la voie était au moyen âge emplie d’enseignes d’auberges et peuplée de voyageurs. Son nom nous rappelle l’antique donjon de Bechevelin à la double enceinte de murs, que l’archevêque Jean de Bellesmains avait fait construire au XIIème siècle, pour défendre la ville par le pont du Rhône contre les Dauphinois de Vienne.

    Son plus grand intérêt réside encore en ce nom qu’elle a miraculeusement gardé, échappant on ne sait trop pourquoi au patronyme d’un obscur député ou à celui d’un médecin philanthrope des siècles derniers, pour porter jusqu’à nous le charme de sa résonance médiévale : Bechevelin (Bêche-en-Velin): Faut-il y voir la même étymologie qu’au mot vélin, c’est à dire petite paire de veaux, comme on le trouve en Vaux en Velin?

    On peut admettre que ces territoires là ont, en effet, jadis servi de pâturages. Quant à bêche, cela proviendrait du nom de ces embarcations précaires et fort populaires et dont on a fait usage durant des siècles pour passer le Rhône que ne traversait encore qu’un seul pont. On lit dans l’Almanach de Lyon(1808) :

    « Les bêches peuvent contenir de six à huit personnes ; ces barques légères sont conduites par des femmes souvent exercées dans ce genre de navigation qui les occupe toute l’année. Les mères instruisent de bonne foi leurs filles qui, rarement, prennent un autre état. »

     
    Il y eut jadis une église de Notre Dame de Béchevelin, à peu près à l’emplacement de l’actuelle église Saint-André, ruinée en 1562 par les calvinistes et le baron des Adrets. En 1321, on conduisit dans un pré mitoyen tous les pauvres atteints de la lèpre et qui logeaient dans le cœur de la Cité et, sur l’ordre de l’évêque Pierre de Savoie, ils furent brûlés pour avoir « empoisonné les puits et les fontaines afin de contaminer les autres habitants. ». Rude temps.

    Ci-dessous, une vue de l'église Saint-André

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  • Vaise (grande rue)

    La majeure partie du neuvième arrondissement de Lyon est constitué par l'ancienne ville de Vaise, qui ne fut réunie à Lyon qu'en 1852, en même temps que deux autres communes, la Croix-Rousse (quatrième arrondissement) et la Guillotière (septième).

    On suppose que l'emplacement occupé par la commune fut longtemps un vaste étang qu'entouraient des terres incultes et couvertes de broussailles. De récentes découvertes archéologiques semblent attester une présence humaine sur ce territoire bien antérieure aux gallo-romains et aux gaulois. Lorsque les archevêques tenaient la ville, ils devaient s'y rendre de leur château proche (le château Pierre Scize) pour chasser le gibier et pêcher le menu poisson de Saône.

    Vaise : cet étrange nom viendrait de vacua (d'où l'ancien nom de Vaques). On l'a aussi fait dériver de vézia ou vezola, sorte de tuyau ou de canal d'irrigation.


    La grande rue de Vaise fut ouverte en 1776, lorsque se développèrent les rudiments d'une petite commune sur ce terrain à peine stabilisé. Elle demeura longtemps l'artère principale de ce faubourg peuple de mariniers et d’artisans. Plusieurs auberges, depuis plus longtemps installées, illustraient déjà la vocation de Vaise, à n'être qu'une commune de transit : quelques rois de France y déjeunèrent, (Charles VI, Henri IV, Louis XIV) notamment, avant de descendre la Saône en cortège jusqu'à Ainay). Napoléon, jeune officier, y logea.

    Difficile d’évoquer Vaise sans s’arrêter quelques lignes en compagnie de la haute et belle figure de Marius Mermillon (1890-1958), critique d’art lettré et gastronome et négociant en vins. Dans ses souvenirs (Carrefour des Hasards, 1956), Gabriel Chevallier rappelle à quel point il demeura, malgré la réussite,  « un pur Vaisois fidèle à Vaise ». « Flaubertiste raffiné », Marius Mermillon fut un défenseur de la peinture lyonnaise ; on lui doit d’avoir créé le groupe des Ziniars (1925), d’avoir collaboré à la revue Résonances, et publié plusieurs monographies d’artistes.

    Autre célébrité vaisoise, l'écrivain Georges Champeaux qui, dans son roman publié en 1919, (Le roman d'un vieux Groléen), décrit comme pas un le charme singulier de Vaise. Je recopie la description triviale qu'il a offert de cette grande rue de Vaise et de ses habitants, à la Belle Epoque. Une soirée, qui ressemble à une autre; une belle soirée quelconque après une journée de travail, qui ressemblerait à des milliers de soirées quelconques après une journée de travail comme il dut s'en vivre dans Vaise la quelconque, des milliers et des milliers, des centaines de milliers et des centaines de milliers de fois, jusqu'à ce que le quelconque de ces décors d’auberges, d’entrepôts et de gare d’eau l'emporte, et tragiquement, tout submerge :

     

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    « Vaise s'anime seulement au soir tombant, comme monte et se perd dans le ciel impassible la plainte déchirante des sirènes. Usines et entrepôts vomissent à pleins portails de sombres multitudes. Les tramways déversent incessamment le trop-plein d'employés dont s'engorge le jour le centre ville. Les ménagères s'activent aux dernières emplettes. Heure moelleuse où la rue se fleurit de lumière. La flamme des réverbères se teinte et s'amollit dans l'humidité vespérale. Des tâches d'or bavent aux glaces des vitrines. Et devant les cafés, une poussière de clarté qui s'éparpille semble un tapis de sable ensoleillé. Toutes ces boutiques qui s'allument, ce sont autant d'yeux qui s'ouvrent pour offrir au passant la douceur d'un regard. Mais le passant n'y prend pas garde. La ménagère ne songe qu'au souper à préparer. Le compagnon ne sait que sa lassitude. Et les mêmes midinettes qui partaient le matin alertes et pimpantes ont dépouillé leur allégresse. Le renfrognement de leur mine trahit avec le dégoût du logis misérable où il va falloir s'enfermer, la nostalgie des rues du centre ville où l'éblouissement des grands magasins, les toilettes hardies des femmes, les affiches violentes des cinémas clament insolemment la joie de jouir.

    La vie se charge de les attacher à ce quartier. Dans la désillusion brutale du mariage crouleront leurs rêves ingénus. Le souci du ménage les accaparera tout entières. A laver la vaisselle, éplucher les légumes, et tordre la serpillière, leurs mains auront tôt désappris les caresses des fanfreluches. Qui sait même si la négligence de la toilette n'ira pas jusqu'au goût pour le débraillé ? Alors le temps sera venu des tasses de café chez les voisines. Tout au long de l'après-midi, le chœur irrité des épouses retentira d'imprécations contre les mâles. Les langues poliront sans se lasser la masse informe où s'agglutineront les ragots des concierges, les confidences des coiffeuses et les révélations des femmes de ménage. Le charme de Vaise aura opéré. En vain la Saône nonchalante déploiera son grand geste de voluptueux abandon. Et toujours la douceur des crépuscules sera perdue. »

  • Joséphin Soulary

    La rue Joséphin Soulary est une rue poétique entre toutes. Une première fois en raison de son charme. Une seconde en raison de son nom.

    Des comme elles, en effet, il n'en existe tout au plus qu'une vingtaine dans la ville. Je les appelle des rescapées : à cause du relief, on n'a pu trop les endommagées. Ce ne sont pas des rues, à vrai dire. Mais plutôt, serpentant ou traçant droit à travers la pente ardue de l'une ou l'autre de nos collines, et dans le calme de jardins irrégulièrement entretenus ou de vergers souvent abandonnés, parfois transformées en escaliers, d’étroites et  surprenantes successions de panoramas dominant la ville. On a ainsi pu parler récemment de cette montée Chazeaux, qui dégringole sur les toits de Saint-Jean. On pourra à l’occasion évoquer les montées de la Sarra ou de la Chana dont le nom évoque les rigoles serpentant au milieu de ces rues, souvenirs d'anciennes ravines par d'anciens torrents creusées. 

     

    Celle-ci prend rue de Belfort, dans le quatrième arrondissement. Pendant quelques dizaines de mètres, elle ressemble à n'importe quelle autre rue calme et un peu étroite comme en trouve sur le plateau de la Croix-Rousse, pour rappeler que c'était autrefois un faubourg. Puis, tout soudain, et de façon abrupte sur le vide, elle se métamorphose en une étroite enfilade d'escaliers enserrés entre des murs campagnards, livrant un point de vue unique sur l'entrée du Rhône par Saint-Clair, le Parc de la Tête d'Or et la plaine qui s'étend jusqu'aux Alpes. A chaque pas, des oiseaux gazouillent dans les figuiers ou les cerisiers, furtifs, des lézards s'échappent parmi les orties, et le vent chuinte dans les vignes vierges ou les glycines. On dirait vraiment que la ville n'est plus qu'un lointain souvenir, une irréelle toile de fond.

    Lorsqu'il a un peu plu, il faut regarder de près où l'on pose la semelle, pour ne pas écrabouiller quelques individus escargots. Sans trop m'avancer (car au fond je n'en sais trop rien, mais tout de même), je crois pouvoir dire que Joséphin Soulary, là où il est, doit être content de sa rue (En cliquant ICI, on pourra lire un extrait du livre que Jean Jacques Nuel lui consacra). Car si quelqu'un aima, comprit, chanta la campagne, ce fut bien lui.

    Né en février 1815, immédiatement retiré de sa famille, il y fut placé. Modeste employé, puis chef de cabinet de la préfecture de 1840 à 1967, enfin bibliothécaire au Palais des Arts, il réalisa, en marge d'une belle carrière administrative, une œuvre qui fit qu'en son temps, certains le comparèrent à Théophile Gautier ou à Leconte de Lisle.

    Il mourut le 20 mars 1890, le jour-même où l'Académie Française lui décernait son prix pour l’ensemble de son œuvre. Un an plus tard, on donna son nom à cette charmante rue des Gloriettes, où il avait habité. En guise d'illustration, on ne peut faire moins que de laisser un poème de lui, ce qui expliquera aussi ma parenthèse des lignes précédentes :

    LES IRONIES DE LA MORT

    Enfant mal accueilli, comme un fardeau qui gène,
    « O madame la Mort, disais-je, à mon secours ! »
    Mais elle : - « Cher baby, j’aime à trancher des jours
    Pleins d’azur ; j’attendrai que le ciel t’en amène. »

    A vingt ans, rebuté par la beauté hautaine,
    « Cette fois, c’en est fait, criai-je à l’autre, accours ! »
    Mais elle : - « J’ai souci des cœurs pris à leur chaîne ;
    J’attendrai que tu sois aimé de tes amours. »

    Plus tard, nouveaux appels (je débutais poète) ;
    Mais elle : - « Je fais cas d’un laurier sur la tête ;
    J’attendrai qu’on t’imprime et que tes vers soient lus. »

    Aujourd’hui, las de tout, je l’implore ; mais elle :
    - « Non pas ! ton âme aspire à l’heure solennelle ;
    J’attendrai pour venir que tu n’y songes plus. »

    in Les diables bleus

     

     

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  • Chana (montée)

    A la limite du cinquième arrondissement, frontière jadis entre Lyon et la commune de Vaise, la montée de la Chana est l'une des plus pittoresques de la ville. Elle permet de découvrir peu à peu, au fil des escaliers qui grimpent de manière abrupte la colline de Fourvière entre deux murs de pierres ayant beaucoup vécu, un panorama exceptionnel sur la Saône qui, en serpentant, fait son entrée à Lyon, les toits qui se pressent autour d'elle, la plaine lointaine qui s'étale et se fond à l'horizon.

    C'est un peu le pendant de la rue Joseph Soulary, qui offre le même type de perspective en grimpant sur la colline de la Croix-Rousse (de l'autre coté, vis à vis du Rhône cette fois-ci.)

    En raison du caractère ardu de la promenade, peu de touristes s'y croisent, et c'est donc un plaisir de s'y promener seul ou entre amis pour humer un peu les parfums d’antiquité que recèle cette ville. En son centre, une rigole qui dévale. Il donc est tout à fait probable que cette gargouille fort quelconque et souvent emplie de saletés diverses, ait donné son nom à la montée; en effet, en patois lyonnais, chana signifie canal réservé à l'écoulement des eaux de pluie., et l'on appelle « chanées » les tuyaux de fonte ou de fer blanc destinés à l'écoulement des eaux de toitures.

    Ce mot « chana » là viendrait du latin canalis, signifiant canal, conduit d’eau. Alors que chanée dériverait plutôt de canabula (signifiant le canal de drainage, autrement dit la rigole)

    D'après une autre version, ce nom garderait la mémoire d' un monastère médiéval, Saint-Martin de la Chanaul ou de la Chanal. Ce monastère, qui datait du Xème ou du XIème siècle fut supprimé en 1483 par le cardinal de Bourbon, pour raison de quelque scandale, et donné au chapître et à l'église Saint-Paul. La chapelle et le domaine furent cédés ensuite, en 1566, à l'Aumône Générale (futur hôpital de La Charité).

    Il existait par ailleurs à Lyon, au quatorzième siècle, une famille de Chana, dont un lieutenant du capitaine pennon de Saint-Vincent.

    Enfin, et même si cela n’a pas de rapport avec l’appellation de la rue, il rappeler le sens en vieux lyonnais du mot chana, terme de canuserie rapporté par Puitspelu dans son Littré de la Grande Côte : La chana (de canalem) est une rainure creusée dans le battant du métier, afin d’y recevoir le peigne.

    Rainure, rigole, on le voit, l’idée reste la même… Le mot latin se retrouvant du tout au même dans tous les patois.

  • Tête d'or

    La rue Tête d'Or dans le sixième arrondissement de Lyon doit bien évidemment son nom à la proximité du parc du même nom, auquel, parmi d'autres, elle conduit depuis plus d'un siècle familles, amoureux, solitaires et touristes. Letellier, qui fut archiviste de l'administration des Hospices Civils vers 1960 a répandu une fausse et célèbre légende à propos de ce nom : Une très ancienne tradition aurait voulu qu'un trésor ait été caché sur quelque point de ce territoire assez vaste. Et, parmi les pièces de choix le composant, on citait une tête de Christ en or. La légende est certes séduisante, d'ailleurs quelques Guignols, excusez-moi l'expression, se sont régulièrement mis en quête de ce prétendu trésor, sans jamais bien sûr dénicher la moindre médaille ni la moindre piécette Il est certain que l'appelation provient en réalité, et de façon plus prosaïque, d'une enseigne d'auberge, Le logis de la Tête d'Or, que le propriétaire aurait ouverte parmi les brotsdu Rhône.

    Un peu de romanesque, malgré tout : l'aubergiste en question aurait été expulsé de la Guillotière. On trouve d'ailleurs dans les délibérations consulaires, en date du 26 avril 1590 la décision suivante :

    « Pour ôter toutes occasions de défiance qu'on a de la probité de l'hoste du logis de la Tete d'Or, à la Guillotière, lequel, contre les défenses qui lui ont été faicts, reçoit indifféremment toutes personnes suspectes en son logis ..., on ordonne qu'il sera mis hors du faubourg, avec toute sa famille. »

    Pour comprendre cet avis, il faut se rappeler que Lyon tenait alors pour la Ligue.
    L'ancien territoire de la Tête d'Or comprenait plusieurs îles, séparées par des anciens et multiples bras du Rhône. C'est le préfet Vaïsse qui conçut le projet de créer l'actuel Parc de la Tête d'Or. On commença les travaux en 1856. La municipalité acheta cent cinq hectares de terrain et, de ces brotteaux incultes en terres marécageuses et parsemées de joncs, fit le Parc dans lequel on creusa un lac de seize hectares, renfermant deux iles boisées, et où trouvèrent place dès 1857 une première grande serre (dite hollandaise) - aujourd'hui le parc en possède cinq, dont la Grande Serre construite en 1877 dont le toit est à 27 mètres - puis, un jardin alpin, un parc zoologique et, au vingtième siècle, une roseraie.

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    Ci-dessus, une photo de la Grande Serre, un palais de verre et de métal à l'architecture somptueuse et élancée, l'un des joyaux méconnus de Lyon, assurément