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joséphin soulary

  • Joséphin Soulary

    La rue Joséphin Soulary est une rue poétique entre toutes. Une première fois en raison de son charme. Une seconde en raison de son nom.

    Des comme elles, en effet, il n'en existe tout au plus qu'une vingtaine dans la ville. Je les appelle des rescapées : à cause du relief, on n'a pu trop les endommagées. Ce ne sont pas des rues, à vrai dire. Mais plutôt, serpentant ou traçant droit à travers la pente ardue de l'une ou l'autre de nos collines, et dans le calme de jardins irrégulièrement entretenus ou de vergers souvent abandonnés, parfois transformées en escaliers, d’étroites et  surprenantes successions de panoramas dominant la ville. On a ainsi pu parler récemment de cette montée Chazeaux, qui dégringole sur les toits de Saint-Jean. On pourra à l’occasion évoquer les montées de la Sarra ou de la Chana dont le nom évoque les rigoles serpentant au milieu de ces rues, souvenirs d'anciennes ravines par d'anciens torrents creusées. 

     

    Celle-ci prend rue de Belfort, dans le quatrième arrondissement. Pendant quelques dizaines de mètres, elle ressemble à n'importe quelle autre rue calme et un peu étroite comme en trouve sur le plateau de la Croix-Rousse, pour rappeler que c'était autrefois un faubourg. Puis, tout soudain, et de façon abrupte sur le vide, elle se métamorphose en une étroite enfilade d'escaliers enserrés entre des murs campagnards, livrant un point de vue unique sur l'entrée du Rhône par Saint-Clair, le Parc de la Tête d'Or et la plaine qui s'étend jusqu'aux Alpes. A chaque pas, des oiseaux gazouillent dans les figuiers ou les cerisiers, furtifs, des lézards s'échappent parmi les orties, et le vent chuinte dans les vignes vierges ou les glycines. On dirait vraiment que la ville n'est plus qu'un lointain souvenir, une irréelle toile de fond.

    Lorsqu'il a un peu plu, il faut regarder de près où l'on pose la semelle, pour ne pas écrabouiller quelques individus escargots. Sans trop m'avancer (car au fond je n'en sais trop rien, mais tout de même), je crois pouvoir dire que Joséphin Soulary, là où il est, doit être content de sa rue (En cliquant ICI, on pourra lire un extrait du livre que Jean Jacques Nuel lui consacra). Car si quelqu'un aima, comprit, chanta la campagne, ce fut bien lui.

    Né en février 1815, immédiatement retiré de sa famille, il y fut placé. Modeste employé, puis chef de cabinet de la préfecture de 1840 à 1967, enfin bibliothécaire au Palais des Arts, il réalisa, en marge d'une belle carrière administrative, une œuvre qui fit qu'en son temps, certains le comparèrent à Théophile Gautier ou à Leconte de Lisle.

    Il mourut le 20 mars 1890, le jour-même où l'Académie Française lui décernait son prix pour l’ensemble de son œuvre. Un an plus tard, on donna son nom à cette charmante rue des Gloriettes, où il avait habité. En guise d'illustration, on ne peut faire moins que de laisser un poème de lui, ce qui expliquera aussi ma parenthèse des lignes précédentes :

    LES IRONIES DE LA MORT

    Enfant mal accueilli, comme un fardeau qui gène,
    « O madame la Mort, disais-je, à mon secours ! »
    Mais elle : - « Cher baby, j’aime à trancher des jours
    Pleins d’azur ; j’attendrai que le ciel t’en amène. »

    A vingt ans, rebuté par la beauté hautaine,
    « Cette fois, c’en est fait, criai-je à l’autre, accours ! »
    Mais elle : - « J’ai souci des cœurs pris à leur chaîne ;
    J’attendrai que tu sois aimé de tes amours. »

    Plus tard, nouveaux appels (je débutais poète) ;
    Mais elle : - « Je fais cas d’un laurier sur la tête ;
    J’attendrai qu’on t’imprime et que tes vers soient lus. »

    Aujourd’hui, las de tout, je l’implore ; mais elle :
    - « Non pas ! ton âme aspire à l’heure solennelle ;
    J’attendrai pour venir que tu n’y songes plus. »

    in Les diables bleus

     

     

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