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  • Henri IV

    Comme le remarque l'écrivain catholique Emile Baumann dans un de ces livres de promenades qui ont beaucoup été à la mode dans la première partie du vingtième siècle[1], beaucoup de rues dont les noms rappelaient par trop l'Ancien Régime en raison de connotations religieuses ou aristocratiques furent rebaptisées au fil du XIXème siècle : La rue de la Reine est ainsi devenue la rue Franklin, la rue Saint-Joseph rue Auguste Comte, la quai de la Charité le quai Gailleton ... C’est donc assez légitimement qu’il s'étonne de trouver toujours bien présente, peu après son arrivée à Perrache, une rue Henri IV , rue, dit-il « bien nommée ». Aujourd'hui encore, la rue Henri IV prend à l’angle de la place Ampère et de la rue Bourgelat, en prolongement de la rue d’Auvergne, dans le quartier d'Ainay. Elle se poursuit vers le sud jusqu’à la place Carnot à l’angle de la rue de Condé.

    L'ingénieur Perrache, qui ouvrit le quartier, avait songé à la nommer, on ne sait trop au nom de quelle lubie, rue de Sophocle.

    Ce royal nom date de la Restauration. La bienveillance de Henri IV, bien que la ville ait pris le parti de la Ligue, est sans doute à l'origine de ce choix : Le Béarnais ne vint-il pas en la primatiale de Lyon pour épouser Marie de Médicis un jour de décembre 1600 ? Une plaque de marbre avec une inscription en l'honneur de Henri IV a siégé jusqu'à la Révolution dans le vestibule de l'Hôtel de Ville, face aux Tables Claudiennes. Et c'est bien un bas-relief le représentant à cheval qui encore aujourd'hui trône sur sa façade. Le roi Henri IV avait donc aussi sa place dans ce quartier d’Ainay, entre Rhône et Saône, qui fut par ailleurs longtemps le refuge de l’aristocratie lyonnaise.

     

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    Statue d'Henri IV - Façade de l'Hôtel de Ville, fête des Lumières à Lyon


    [1] Emile Baumann - Lyon et le Lyonnais, Ed. de Gigord

  • Baraban

    En patois lyonnais, les barabans sont des pissenlits. "De barbanum, lui-même issu de barba, probablement à cause de ses têtes à aigrettes poilues," nous apprend Nizier Puitspelu et son Littré de la Grande Cote. Le chemin de Baraban appartenait jadis à un domaine dit de la « Corne aux Cerfs »., avant de devenir une rue populeuse avec l’industrialisation du quartier, comme on le voit sur la carte postale ancienne. En novembre 1970 s’ouvrit une patinoire où le champion olympique Gwendael Peizerat fit ses premiers pas (cela se dit ?) sur la glace.

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  • Marietton

    La rue de la Pyramide porte, depuis 1917 le nom du lyonnais Joannes-Jules Marietton (27 août 1860- 27 mai 1914), avocat, conseiller municipal, adjoint au maire (1900-1908), vice-président (1901-1907) du Conseil Général du Rhône, élu député (socialiste) du neuvième arrondissement en 1906, 1910 et 1914. "S'il ne laissa pas d'importants travaux législatifs, il fut, du moins, toute sa vie bienveillant aux déshérités." C'est ce que dit de lui, lapidaire, Louis Maynard en son dictionnaire, et que je reproduis. La formule telle quelle vaut largement, me dis-je, son contraire : « S'il ne fut pas bienveillant aux déshérités, il laissa, du moins, d'importants travaux législatifs ». Combien de députés, ministres ou autres politiques contemporains ne seraient dignes, en réalité, que de la seconde !


    En 1783, M. de Flesselles, alors intendant du Lyonnais, avait fait élever au centre de la place de la Pyramide (que traversait la rue du même nom) un obélisque de cinquante pieds de haut, surmonté d'un globe parsemé de fleur de lys d'or, sur lequel reposait une colombe tenant en son bec un rameau d'olivier. Il s'agissait de célébrer le traité de 1783 qui mettait fin à la guerre d'Amérique, l'Angleterre reconnaissant du coup l'indépendance des 13 colonies américaines. Sur le piédestal, du côté de la ville, était gravée l'inscription suivante : Ludovico XVI utriusque orbis pacificatori. (A Louis XVI, le pacificateur de l'un et l'autre deux mondes).

    Sur la face opposée était marqué le millésime du traité et, sur les deux autres faces, l'indication des deux routes de Paris (par le Bourbonnais et par la Bourgogne) qui aboutissaient à cette place. L'obélisque était entouré de bornes réunies entre elles par des chaînes. Ce monument avait été élevé par l'ingénieur Lallié. La place était alors ornée de tilleuls ombrageant des bancs de pierre. Ce monument ne demeura pas longtemps en place puisque les révolutionnaires décidèrent qu'il était un symbole trop monarchique pour survivre au dernier Capet. On le rasa donc et une fontaine, qui se trouvait auparavant place des Jacobins, dans le deuxième arrondissement, vint combler à partir de 1881 le vide laissé.

    La place de la Pyramide (devenue place Valmy) a de nouveau bien changé : la fontaine qu'on voit encore sur la carte a disparu, et l'actuelle rue Marietton (celle d'où vient le tramway) est devenue, depuis l'ouverture du tunnel de la Croix-Rousse, un axe routier célèbre pour ses encombrements aux heures de pointe. Depuis que j'ai ouvert ce blogue et que je m'intéresse de près à l'histoire de nos rues, je me rends compte à quel point la suprématie de l'automobile à terrassé la beauté de nos villes imperceptiblement durant le vingtième siècle. Nous le savions tous, bien sûr. Mais nous refusions de le garder à l'esprit. Car enfin, le nombre de quais, places, avenues, rues, lieux de vie agréables qui sont devenus de simples lieux de passage pour automobilistes excédés, est tout simplement incroyable ! Sans compter tous ces encombrants en acier abandonnés en files indiennes partout devant leurs portes, par tous ces citadins qui, faute d'habiter nul lieu, ne font plus qu'y loger ! Regardez comme la carte postale est jolie :

     

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  • Ferdinand Buisson

    Ferdinand Buisson (1841-1932), professeur à la Sorbonne et prix Nobel de la Paix (1927) hérita de cette rue précédemment nommé Besson, du nom de la famille qui acheta la seigneurie de Montchat en 1689. En deux mots,  Ferdinand Buisson, « étant né à Paris et n'ayant jamais séjourné à Lyon », comme le disent fort joliment les dictionnaires de rues, « il ne concerne pas l'histoire locale ».

    Membre du parti radical, il fut l'un des fondateurs auprès de Jules Ferry de cette école républicaine qui éveilla tant de passions dans un sens comme dans un autre, et qui aujourd'hui bat de l'aile sur la mer, la mer toujours recommencée des réformes. Ferdinand Buisson fut en effet l'un des chantres de cette école publique, laïque, autoritaire, qui façonna l'esprit de plusieurs générations de petits français.

    En 1927, il fut le sixième français à recevoir un prix Nobel de la paix, pour avoir contribué à la fondation de la Ligue des Droits de l'Homme.

    Pourtant, malgré ce palmarès éloquent, Ferdinand Buisson (voir plus bas sa photo) n'intéresse pas l'histoire locale, ce qui peut aussi se comprendre. L'histoire locale fut tellement méprisée par l'histoire nationale qu'elle peut bien rendre de temps en temps la pareille à son tour : deux mots donc de ce quartier de Montchat, (jadis seigneurie,) quartier que la rue Ferdinan Buisson traverse de part en part.

    Dans le mont Montchat, ou mieux montchal, on retrouve le radical celtique cal, qui a pour signification rocher, forêt, ou marais. Ce vieil étymon se retrouverait aussi dans Caluire et dans Chalamont. Le fief de Montchat dépendit longtemps du mandement et du territoire de la commune de la Guillotière. Les premiers seigneurs connus sur ce terroir furent Pierre Prost et sa descendance, qu vendirent le domaine en 1534 à un concierge des prisons royales du nom de Jean Catherin. C'est ce sieur-là qui fit construire le château. Comme quoi, concierge, sous l'Ancien Régime, ça rapportait plus qu'à présent.

    En suivant les actes notariés, on trouve d'autres propriétaires, dont François Basset, échevin de Lyon, qui y reçut la reine Christine de Suède du 9 au 28 août 1657. Tout de même, la mairie du troisième pourrait honorer la mémoire d'un séjour aussi extraordiaire en baptisant l'une des ses rues : la rue Christine de Suède, c'est joli et ça intrigue. Mais la mairie du troisième arrondissement, comme toutes les mairies du monde, ignore superbement la fantaisie insoupçonnée de l'histoire des terres qu'elle administre. On se contentera de dire que c'est bien dommage en laissant à d'autres le soin de polémiquer.
    Pour reprendre notre affaire au point crucial où nous l'avions laissée, les Basset cédèrent Montchat aux Révérends Pères de la Congrégation des Feuillants le 14 mai 1682, qui le cédèrent ensuite à Jacques Besson, notaire royal, en 1689. Notaire, c'est mieux que concierge, et la boucle était bouclée. La petite fille du notaire, Louise Besson (1708-1781) épousa (1729) Mathieu Bonnand (1692-1711). Leur fils, Luc Bonand (1734-1802) fut le dernier véritable seigneur de Montchat. Ah, c'est vertigineux, l'histoire locale : tous ces gens qui existèrent vraiment, et donc la trace ne demeure que sous cette forme parcheminée sur le mode d'autrefois ! Au final et pour clore cette palpitante histoire, bien plus en tous cas que celle de Ferdinand, leur petite-fille Antoinette Bonand apporta le domaine en dot à son mari l'agent de change et maire de la Guillotière, Henri Vitton. La fille de ces derniers, Louise Françoise Vitton (1812-1831) épousa le maire qui succéda à son père (je n'invente rien), un certain Jean-Louis François Richard, originaire de Saint-Chamond, qui décéda en 1874. C'est de cette époque que date le lotissement du quartier, qui avait été rattaché à Lyon peu avant, en même temps que la commune de la Guillotière. De Besson en Buisson, l'histoire de cette rue est, on le voit, fort loquace.

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  • Sidoine Apollinaire

    La rue Sidoine Apollinaire traverse, derrière le quartier de Trion, la vaste plaine de Gorge de Loup et conduit le badaud de Saint-Just jusqu'à Vaise, dans le neuvième arrondissement. L'évocation de Sidoine nous ramène au cinquième siècle puisqu'il naquit, croit-on, vers 438, d'une famille gallo-romaine chrétienne et aristocrate. Fils et petit fils de préfets du prétoire des Gaules, gendre de l'éphémère empereur romain Avitus qui ne régna qu'un an (456), et pour lequel il accomplit son premier exploit poétique : c'est à lui que revint, le 1er janvier 456, l'honneur de prononcer à Rome le panégyrique du nouvel empereur. Sidoine Apollinaire fut le témoin de cette époque où entrèrent en contact deux civilisations : celle de l'Empire romain d'Occident et celle des Wisigoths, à Lyon, les Burgondes.

    Ressentant ces invasions massives comme une fin programmée de la culture, il se consacra à une carrière ecclésiastique qui fit de lui l'évêque d'Arverni (de Clermont) en 471, Averni que menaçaient les Wisigoths.

    Sa solide culture classique transparaît au travers de l’œuvre littéraire importante qu'il laisse : notamment ses Carmina (24 poèmes) ses Panégyriques (Anthemius, Majorien et Avitus) et ses Epistulae (146 lettres répertoriées), divisées en neuf livres par Sidoine lui-même, sur le modèle des collections analogues de Pline le jeune et de Symmaque. Le livre I semble avoir été publié seul en 469, avant l’épiscopat, les livres II­I à V en 477, le livre VIII en 479 et le livre IX vers 482. Ce sont des « lettres d’art » et il n’est pas sûr que toutes aient envoyées à leur destinataire. La collection ne suit pas un ordre chronologique mais elle cherche à présenter une certaine variété dans les sujets traités.

    L'un des extraits les plus célèbres, extrait d'une lettre de 469 relate la dédicace de la primatiale de Lyon, érigée entre la rivière et le bas de la colline :

    « Ici la colline résonne, là la Saône renvoie l’écho ; d’un côté se réfléchit le bruit du piéton, du cavalier et du conducteur de chars grinçants, de l’autre le chœur des rameurs courbés élève vers le Christ le chant rythmé de la rivière, tandis que les rives répondent en écho alléluia. Chante, chante ainsi, matelot ou voyageur, car c’est ici le lieu où tous doivent se rendre, le lieu où se trouve la route qui mène au salut ».

    A la mort de Sidoine, un ancien monde s'en est allé, pour jamais. Un siècle après l'évêque poète et épistolier, une autre évêque, Grégoire de Tours (538-594) introduit son Histoire des Francs en affirmant que le culte des Belles Lettres et celui de l’Eloquence, tel que les Gallo-romains l’avaient, à l’imitation des Latins, longtemps pratiqué est en décadence dans les villes de Gaule. Sidoine est mort : « la barbarie des peuples se déchaîne. La violence des rois redouble. »

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    Le vitrail ci-dessous se trouve à la cathédrale de Clermont.

     

  • Algérie

    La colonisation de l'Algérie fut saluée à Lyon par l'appellation de la rue d'Algérie, qui relie la place des Terreaux (où trône l'Hôtel de Ville) au pont La Feuillée (qui traverse la Saône face au quartier Saint-Paul). Cette voie publique a très longtemps été désignée sous le nom de place des Carmes, en raison de la proximité du monastère des Carmes. Les Carmes s'étaient installés à Lyon en 1291. Pillé par les protestants en 1562, rénové en 1754-1758, leur couvent disparut corps et biens peu après la Révolution. Ce fut dans une salle de leur couvent que, le 12 janvier 1789, s'était tenue la première assemblée du Tiers-Etat lyonnais. L'église avait été bâtie au quinzième siècle, sur le modèle de Saint-Bonaventure.
    Le rue des Carmes avait pris plus tard le nom de la place de la Boucherie des Terreaux. Cette boucherie datait de 1539. Elle avait été construite par un maçon du nom de Laurent Guillaume, dit du Chessy. C'était un établissement considérable. Il occupait tout l'espace compris entre le quai et la rue Lanterne actuelle. En deux corps de bâtiments séparés par un passage livré au public, s'alignaient quarante tueries (car l'abattage des bêtes avait lieu dans la boucherie-même), surmontées de galeries et de séchoirs. Les troupeaux arrivaient à toute heure du jour. On était, vous l'imaginez, assez loin des normes européennes en vigueur à présent : le sang ruisselait dans les travées et une odeur infecte s'en dégageait. Cette boucherie, en plein centre ville et aux abords de la Saône, attirait quantité de rats. Quant aux bouchers, ils avaient la réputation d'être grossiers, ivrognes et vantards.

    Les bâtiments de la boucherie des Terreaux, incendiés en 1612, le furent à nouveau en 1734. Le Consulat céda alors le terrain qu'elle occupait aux Hospices Civils qui la fit reconstruire. La boucherie des Terreaux, comme les trois autres de la ville (Saint-Paul, Saint-Georges, Minimes) resta en exercice jusqu'à la création de l'abattoir de Perrache en 1840. Lorsqu'elle ferma, l'architecte Dardel (1796-1846) édifia à son emplacement un ilot d'immeubles bourgeois, qui demeura en état. On peut y voir de magnifiques façades et de magnifiques portes, même si la rue est très sale et dégradée de nos jours et si la perspective s'est trouvée abîmée par l'entrée du parking des Terreaux, qui casse complètement et inutilement sa perspective sur la place des Terreaux.. Au n°11, l'immeuble est orné par l'effigie de nombreux artistes, noircies de pollution et comme sourds au trafic des bus et des piétons. On y reconnait Delorme, Boissieu, Lemot, Blanchet, Coustou, Coysevox... Au n° 21, une façade récemment ravalée est d'une blancheur incongrue : sous la garde d'un diable, elle traboule d’une belle cour à la décoration orientale vers la rue Sainte Catherine.

  • Rize

    Ce nom clairet de la rue de la Rize rappelle l'existence d'un charmant petit ruisseau, canalisé depuis en égout. La Rize prend sa source à l’intérieur de la zone de loisirs de Miribel Jonage, quelque part entre Décines et Vaulx-en-Velin, au lieu-dit la Petite Camargue. Elle chemine à travers Décines où elle est canalisée, longe ensuite le canal de Jonage avant de se jeter dedans peu après l’usine électrique de Cusset. L’un de ses bras alimente en eau les jardins ouvriers de ce secteur où fleurissaient jadis les guinguettes, dont elle remplissait de friture les assiettes. Sur ses bords se trouvaient encore des lavoirs il y a un siècle, alors qu’elle traversait Villeurbanne. On perd ensuite sa trace dans les sous-sols et les égouts, et seule demeure pour rappeler ses bords jadis verdoyants une plaque de rue, au sud de la rue Paul Bert. Elle a été recouverte vers 1880. Elle rejoignait jadis le Rhône à hauteur du viaduc de l'avenue Berthelot, précise Brun de la Vallette.

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