Sidoine Apollinaire
La rue Sidoine Apollinaire traverse, derrière le quartier de Trion, la vaste plaine de Gorge de Loup et conduit le badaud de Saint-Just jusqu'à Vaise, dans le neuvième arrondissement. L'évocation de Sidoine nous ramène au cinquième siècle puisqu'il naquit, croit-on, vers 438, d'une famille gallo-romaine chrétienne et aristocrate. Fils et petit fils de préfets du prétoire des Gaules, gendre de l'éphémère empereur romain Avitus qui ne régna qu'un an (456), et pour lequel il accomplit son premier exploit poétique : c'est à lui que revint, le 1er janvier 456, l'honneur de prononcer à Rome le panégyrique du nouvel empereur. Sidoine Apollinaire fut le témoin de cette époque où entrèrent en contact deux civilisations : celle de l'Empire romain d'Occident et celle des Wisigoths, à Lyon, les Burgondes.
Ressentant ces invasions massives comme une fin programmée de la culture, il se consacra à une carrière ecclésiastique qui fit de lui l'évêque d'Arverni (de Clermont) en 471, Averni que menaçaient les Wisigoths.
Sa solide culture classique transparaît au travers de l’œuvre littéraire importante qu'il laisse : notamment ses Carmina (24 poèmes) ses Panégyriques (Anthemius, Majorien et Avitus) et ses Epistulae (146 lettres répertoriées), divisées en neuf livres par Sidoine lui-même, sur le modèle des collections analogues de Pline le jeune et de Symmaque. Le livre I semble avoir été publié seul en 469, avant l’épiscopat, les livres III à V en 477, le livre VIII en 479 et le livre IX vers 482. Ce sont des « lettres d’art » et il n’est pas sûr que toutes aient envoyées à leur destinataire. La collection ne suit pas un ordre chronologique mais elle cherche à présenter une certaine variété dans les sujets traités.
L'un des extraits les plus célèbres, extrait d'une lettre de 469 relate la dédicace de la primatiale de Lyon, érigée entre la rivière et le bas de la colline :
« Ici la colline résonne, là la Saône renvoie l’écho ; d’un côté se réfléchit le bruit du piéton, du cavalier et du conducteur de chars grinçants, de l’autre le chœur des rameurs courbés élève vers le Christ le chant rythmé de la rivière, tandis que les rives répondent en écho alléluia. Chante, chante ainsi, matelot ou voyageur, car c’est ici le lieu où tous doivent se rendre, le lieu où se trouve la route qui mène au salut ».
A la mort de Sidoine, un ancien monde s'en est allé, pour jamais. Un siècle après l'évêque poète et épistolier, une autre évêque, Grégoire de Tours (538-594) introduit son Histoire des Francs en affirmant que le culte des Belles Lettres et celui de l’Eloquence, tel que les Gallo-romains l’avaient, à l’imitation des Latins, longtemps pratiqué est en décadence dans les villes de Gaule. Sidoine est mort : « la barbarie des peuples se déchaîne. La violence des rois redouble. »
Le vitrail ci-dessous se trouve à la cathédrale de Clermont.