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Maires & Préfets

  • Hénon

    Les Lyonnais commencèrent à entendre parler de Louis Hénon à partir de l’an 1848. Il était né le 31 mai 1802, à l'école vétérinaire de Lyon, dont son père occupait le poste de directeur adjoint. Malgré la mort de celui-ci, il avait fait de bonnes études, notamment de médecine à Paris. Cependant, ses passions le dirigeaient plutôt vers la botanique et la politique  au premier rang de : rien, par conséquent, de très étonnant à le retrouver durant les Trois Glorieuses de 1830. Dans la foulée de ces jours du juillet romantique, il mena une vie tumultueuse parmi les républicains de la capitale, inscrivant même sur son tableau de chasse quelques jours prison préventive.

    Il se dévoua durant les tristement célèbres épidémies de choléra de 1832, et revint ensuite s'installer quelque temps à Lyon, puis à Montpellier où on le retrouve en 1841 en train de passer sa thèse de médecine. A partir de ce moment, Hénon exerce à Lyon le métier de médecin des pauvres, et mène de façon romantique et décousue une carrière politique de plus en plus en vue. Conseiller municipal de la Guillotière (1843), membre du comité électoral du quai de Retz en 1847, son ardeur républicaine est toujours vive lorsque surviennent les Journées de Février. Républicain cette fois-ci engagé, Louis Hénon va devenir peu à peu un personnage public fort populaire.

    Le 18 décembre 1851, il vote le non à bulletin ouvert lors du plébiscite de Louis Napoléon. Aux élections législatives de l'année suivante, il emporte la députation avec 12 000 voix contre 9000 pour le candidat officiel. Il fut réélu en 1857 et en 1863, et fut l'un des cinq « protestataires ». En marge de cette carrière politique, il ne cessait par ailleurs  de s'intéresser à la botanique. C’est ainsi qu’on le retrouve s'enthousiasmant pour une espèce de narcisse peu connue.

    cp_croixrousse_plateau01.jpgDurant tout le Second Empire, Hénon s'insurgea contre le fait que Napoléon III avait nommé le préfet Vaisse également maire de Lyon, et il se mit ainsi à personnifier peu à peu aux yeux des Lyonnais la revendication de leurs libertés municipales perdues. Cette tyrannie impériale et parisienne ne fut sans doute pas étrangère au fait qu'à la nouvelle de la capitulation de Sedan, Lyon fut la première ville de France à proclamer la République, neuf heures avant la capitale. Le citoyen Hénon était au nombre des 78 membres du Comité de Salut Public, véritable commune insurrectionnelle où voisinaient des républicains bourgeois et des ouvriers de la section lyonnaise de l'Internationale. Maire provisoire du du VIème arrondissement depuis le 4 septembre, Hénon fut nommé maire de Lyon le 15 septembre 1870. C'est alors qu'il dut faire face, avec le préfet Challemel-Lacour aux tentatives de Bakounine pour prendre la tête de la mairie.

    Le franc-maçon Jacques-Louis Hénon devenait ainsi le premier maire de Lyon après la longue éclipse impériale. La laïcisation des écoles congréganistes appartenant à la commune fut sans aucun doute son action la plus spectaculaire. Il est évidemment profondément indigné par l'exécution sauvage des commandant Arnaud par les émeutiers du 20 décembre et participe avec Garibaldi à ses obsèques. Par la suite, Hénon soutint activement Thiers, en qui il voyait la seule façon de consolider les institutions républicaines : « Si vous le voulez, lui écrivit-il en août 1871, appuyé sur le parti républicain et sur la gauche, vous êtes le maître de la situation ». Cette position de compromis exaspéra une bonne partie de ceux qui l'avaient soutenu, qui le qualifiaient de « Réac ». Des deux côtés, on lui reprocha son indécision (Oui, Hénon…), son inconsistance face à Thiers, sa mollesse. Le vieux militant arrivait à sa soixante-dixième année et, le 28 mars 1872, s'effondra alors qu'il était parti se reposer à Montpellier. Un drapeau noir fut hissé sur l'Hôtel de Ville de Lyon pour annoncer sa mort à la population.
    En 1895, on attribue son nom à l'ancienne rue Saint-Denis, dans le quatrième arrondissement. Cette rue constitue l'un des axes stratégiques du plateau de la Croix-Rousse, qu'elle traverse d'est en ouest. Sur la photo, on peut voir l'église Saint-Denis et une perspecive intéressante sur la rue, en un temps où il était facile d'y trouver une place pour se garer.

     

  • Edouard Herriot

    La rue Edouard Herriot est l’une des principales artères de la presqu’ile, qui permet de relier les deux plus grandes places de Lyon, les Terreaux à Bellecour.  Comme la rue de la République qui lui est parallèle, elle s’étend sur le 1er et le 2ème arrondissement. Comme cette dernière également, son ouverture fut décidée sous le Second Empire et conduite par le préfet-maire Vaisse. Jusqu’en 1871, elle se nomma rue de l’Impératrice.

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    Pour sa percée qui fut saluée comme un triomphe de l’hygiénisme sur l’insalubrité, on emprunta le tracé d’anciennes rues comme la rue Clermont (des Terreaux à la rue Bât-d’Argent), qui avait été créée en 1582 par l’abbesse de Saint-Pierre, la rue Sirène qui la prolongeait et qui porta auparavant le nom de rue des Fripiers, et plus tôt encore  le joli nom de Malconseil. Rares sont les maisons antérieures hélas à sa récente construction, sinon entre les actuelles rue Mulet et rue Neuve.

    Au moment de son ouverture, l’imprimeur Storck, maître-lyonnais connu pour avoir édité entre autres les ouvrages de Nizier du Puitspelu, y habita, de même que le docteur Gailleton qui fut maire de Lyon. A la chute de l’Empire, on la baptisa rue l’Hôtel de Ville, puis elle prit son nom actuel après la mort d’Edouard Herriot, qui occupa un demi-siècle ledit Hôtel de Ville (1905-1957)

    Pour la petite histoire, celui que Béraud surnommait ironiquement « le Péricles du cours d’Herbouville » fut appelé à porter l’écharpe de maire à la suite de la démission d’Augagneur, nommé gouverneur de Madagascar, qui désigna un candidat qu’il jugeait non dangereux pour lui s’il désirait récupérer son siège. Par 28 voix contre 23, l’obscur conseiller municipal qui n’était pas même natif de Lyon entra donc dans l’histoire.

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    Edouard Herriot, par Blanc et Demilly

    Le bilan d’Herriot demeure rudement contrasté. Adepte de modernisme, comme son successeur Pradel, c’est lui qui détruisit l’ancien Hôpital de la Charité pour le remplacer par les actuels Hôtel des Postes,  Hôtel des Impôts et Sofitel, lui aussi qui ne s’opposa pas à la décision de l’Etat de remplacer un pont de pierres de dix arches datant du XVIème siècle par l’ouvrage moderne qui permet à présent de passer le Rhône pour se rendre en Guillotière, comme on disait autrefois, et qui ne brille pas par sa beauté.

    Avec son compère Tony Garnier, ce fumeur de pipe invétéré  « modernisa » donc si bien, dans le sillage de Napoléon III, la vieille cité des échevins, qu’il la fit pratiquement disparaître. On lui doit entre autre l’Hôpital situé à Montchat et qui porte son nom, le tunnel de la Croix-Rousse qui consacra malheureusement à l’automobile le quai Saint-Clair, la cité Gerland-La Mouche, le port Rambaud, le Palais de la Mutualité, la Bourse du Travail… Un projet de prolongement de la rue de la République à travers les pentes de la Croix-Rousse, un autre de rénovation de Saint-Jean, heureusement, avortèrent.

     

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    Vue sur l'Hôpital de la Charité, rasé par Herriot

    Edouard-Marie Herriot se piqua aussi d’être homme de lettres. Outre sa thèse sur madame de Récamier à présent carrément illisible (1905), on lui doit Lyon n’est plus, qui narre le soulèvement des extrémistes derrière Chalier et 1793 et la réponse sanglante de Robespierre, ainsi qu'un triptyque assez austère dans lequel il expose ses vues radicales, Agir, qu’il dédia à Colbert en 1917, et les deux volumes de Créer (1920). Henri Béraud écrivait dans le n° 6 de sa revue l’Ours, à propos de cette carrière littéraire : « La clientèle de M. Herrriot ne se montre point au cœur de la cité ; elle se tient dans les bureaux. On le lit officiellement, d’une manière administrative et presque municipale». Sa création la plus populaire en ce domaine est probablement d’avoir inventé une expression devenue courante, le français moyen.

    Son ami Pétrus Sambardier l’appelait « le Robuste » en soulignant malignement sa réputation de gros mangeur, notamment chez la mère Brasier de la rue Royale. Dans un article de décembre 21, il cite cette phrase de ses familiers, paraphrasant la séparation de l'Eglise et de l'Etat  : « chez lui, il y a séparation de l’estomac et du cerveau ».

    Sur le plan politique, ce personnage qui fut trois fois Président du Conseil (1924, 1926 et 32) est évidemment inséparable du radicalisme, le parti qui est alors, comme le dit Thibaudet, « le parti du français moyen ». En 1932, dans Les idées politiques de la France, Albert Thibaudet présentait Herriot comme un « girondin » qui eût été en 1793 « guillotiné à Paris, ou mangé par les loups à Saint-Emilion, ou mitraillé dans la plaine des Brotteaux, puis en 1847 canonisé magnifiquement par Lamartine ». On pourrait longtemps gloser sur ce personnage aujourd’hui oublié par la jeunesse, mais dont l’existence a croisé l’histoire de Lyon de manière significative. Suffit, pour s’en convaincre, de suivre les nombreux liens avec d’autres Lyonnais que ce billet m’a contraint d’effectuer. Herriot repose aujourd’hui à Loyasse, sous une stèle de marbre  horriblement stalinienne, à l’entrée droite du cimetière.

     

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    Ancien cimetière de Loyasse, tombe d'Herriot à droite de l'entrée principale


  • Gailleton (quai et place)

    Antoine Gailleton, qui fut le premier maire de Lyon élu sous le nouveau régime municipal, aimait à rappeler qu’il était né entre deux arrondissements de Lyon, sa mère l’ayant mis au monde sur l’ancien pont de Change, le 17 novembre 1829. Son père, Claude, était tisseur et sa mère marchande d'oranges, précisément sur ce pont du Change, à présent détruit. Le jeune Gailleton grandit montée Saint-Barthélémy et se révèle très vite un brillant élève : à tout juste vingt ans, il est classé troisième au concours de l’Internat des Hospices de Lyon. Il exerce en tant qu’interne à l’Antiquaille, la Charité, l’Hôtel-Dieu, et devient chirurgien-major à l’Antiquaille. La chose publique l’intéresse assez tôt : le 15 septembre 1870, il se retrouve élu conseiller du 2ème arrondissement dans la municipalité de Jacques Hénon. Aux élections municipales d’avril 1872, il conserve son siège auprès de son successeur, le maire Désiré Barodet. Alors que la mairie centrale est à nouveau supprimée en 1874 par un pouvoir central qui craint toujours Lyon la Rebelle, il demeure président du Conseil Municipal sous la houlette du préfet. C'est alors qu'il entreprend un bras de fer avec les dix préfets qui se succèdent jusqu’en 1881, date à laquelle la mairie centrale est rétablie, à condition que le maire de Lyon soit nommé par le gouvernement, qui avec prudence le confirme dans ses fonctions.

     

    Le soir de juin 1984 où le président Carnot fut assassiné, Gailleton était assis en face de lui. Le président de la République avait proposé de faire à pied le court trajet qui séparait la Chambre du Commerce du Grand Théâtre. Gailleton l’en avait dissuadé au nom du protocole ; mais ses adversaires ne se privèrent pas d’affirmer que c’était à cause de ses rhumatismes : Sadi Carnot aurait-il échappé à la mort ? D’après Caserio, c’est possible, puisque qu’il déclara avoir prémédité son geste d’après la position protocolaire de sa victime dans la calèche officielle. Après l’attentat, Gailleton se retrouva au première loge pour conduire son hôte officiel blessé à mort à la préfecture où, avec le docteur Poncet, il tente sans anesthésie une opération de la dernière chance. Il veille sur le mourant dans les salons de la préfecture en compagnie du cardinal de Lyon,  jusqu’à minuit quarante deux, heure à laquelle Sadi Carnot rend le dernier soupir.

    On doit à Antoine Gailleton le dégagement des quartiers Saint-Paul et Martinière, la construction des ponts d’Ainay, de la Boucle, Morand et de l’Université, celle des nouvelles facultés, l’installation spectaculaire de la fontaine Bartholdi aux Terreaux, initialement prévue pour Bordeaux, le développement des tramways.

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    Portrait d'Antoine Gailleton, par J. Chambe, 2e moitié XIXe siècle
     

    Mais la grande affaire de son mandat reste la démolition et la reconstruction du quartier Grolée, qui souleva de vives passions. Affaire engagée par lui avec un optimisme excessif, et d’ailleurs fort mal engagée, puis mal conduite, alors qu’on chantait dans la rue :

    « La ville est désolée

      Qu’on abatte la rue Grolée »

    Le « bonhomme Gailleton », surnommé « pipa Gailleton » en raison de sa pipe en terre qu’il allumait entre deux morceaux de réglisse, au bout de dix-neuf ans de règne sur la ville s’était sans doute trop vite assurée de n’être jamais démis de sa fonction. Sa popularité était, il faut le dire, vive. Mais à partir de 1892, l’un de ses adjoints, Victor Augagneur, commença à militer contre lui et finit par lui souffler le fauteuil en 1900. Impassible, Gailleton reprit du service à l’Antiquaille, ainsi que son enseignement fort discret.

    Le docteur Gailleton mourut le 9 octobre 1904. En 1907, un buste fut inauguré sur sa tombe à Loyasse, et la ville de Lyon donna son nom au quai de la Charité et à la place Grollier, dans le deuxième arrondissement. C’est là que son « monument », un imposant édifice de pierres, fut érigé par les architectes Lucas et Marion en 1913, avec un bas-relief d’André Vermare.

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  • Victor Augagneur (quai)

    « Sans distinction, il tient du boucher de barrière avec des allures de toucheur de bœuf ». Le compliment est adressé au maire de Lyon Victor Augagneur, par le journal satirique Guignol, en 1890. Il n’est alors que conseiller municipal.

    Jean-Victor Augagneur (1855-1931) fait partie de cette espèce de bourgeois catholiques, espèce assez répandue à la fin du dix-neuvième siècle, qui va chercher auprès du peuple et du socialisme de quoi faire une jolie carrière. Après un séjour  au séminaire de Sémur-en-Brionnais, il devient donc fort logiquement anticlérical et franc-maçon, ce qui ouvre à son ambition les premières portes, celles qui sont toujours les plus difficiles à forcer. Interne des hôpitaux de Lyon en 1875 puis chef de clinique en 1881 à l’Hôtel-Dieu (il a alors 26 ans), après sa thèse remarquée sur « La syphilis héréditaire tardive »,  il devient chirurgien-major à l’Antiquaille et réussit l’agrégation de médecine en 1886.

    La carrière politique d’Augagneur, à l’image du personnage, fut un modèle de louvoiement. D’abord adjoint puis colistier du maire radical Gailleton, il devient peu à peu son challenger et son rival en virant de plus en plus à gauche et finit au parti socialiste. Patient et déterminé pendant douze ans (trois élections)  il finit par emporter la mairie et s’installer dans le fauteuil tant convoité en 1900, en jouant, comme d’autres le feront par la suite,  la carte du socialisme. Sans doute ferait-il rigoler beaucoup de gens à l’heure actuelle, mais à l’époque, le beau verbe trompait encore son monde. Sous son mandat, Villeurbanne faillit être réunie à Lyon, ce qui n’aurait peut-être pas été plus mal à y regarder de près. Son autoritarisme lui valut des surnoms comme "Victor-le-Glorieux", "Victor Ier", "l'Empereur" ou "César". En 1905, une année après sa réélection, cet homme ambitieux et imprévisible quitta la tête de la mairie de Lyon pour un poste de gouverneur à Madagascar. C’est ainsi qu’un autre agrégé, de lettres cette fois-ci, Edouard Herriot devint maire par procuration. Ce dernier ne lui laissa jamais, à son retour, le loisir de reconquérir son siège, auquel on sait qu’il s’accrocha (l'expérience de son prédécesseur ?) durant un demi-siècle.

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    Le rêve de Victor (Victor imperator)

    Le socialisme mène à tout ! ... même à Madagascar

     

     Ce personnage dont ses contemporains dénoncèrent l'orgueil démesuré, et qui portait dans son nom la victoire et la gagne fut-il victime de l'onomastique ? Premier gouverneur général civil à Madagascar, succédant au général Gallieni, de 1905 à 1910, le gouverneur Augagneur essaya de rémedier à ce qu'il y avait de trop rigide dans la situation consécutive à la conquête: il supprima les derniers cercles militaires qui commettaient des abus regrettables, ainsi que les offices du travail fournissant de la main d'œuvre gratuite... Les faits marquants sous son administration furent le début de la production de vanille dans la région d'Antalaha, la découverte du gisement de charbon de la Sakoa, l'équipement en phares des côtes de Madagascar, la suppression de toute subvention à l'enseignement privé, le début de l'enseignement secondaire public, un décret organique créant la justice indigène à Madagascar, et surtout l'accession des Malgaches aux droits de citoyens français (décret du 3 mars 1909).

    A son retour en France, Augagneur devint député du Rhône (1910), ministre des Travaux Publics (1911), des Postes (1914) puis de la Marine. L’après-guerre l’éclipsa de la vie politique. Il redevint député en 1928 et il mourut le 23 avril 1931dans une maison de santé, la Clinique Saint-Rémy, du docteur Besançon, 46, boulevard Carnot au Vésinet. Le Progrès de Lyon ne lui consacra qu’une modeste colonne à la Une, annonçant sa disparition, et la municipalité donna son nom à un quai du Rhône sur la rive gauche, dans le quartier Lafayette-Préfecture.

     

  • Richard-Vitton

    On méconnait trop l’importance du tiret. Etudier le nom des rues est une science qui n’intéresse pas seulement l’histoire (locale ou autre), n’attire pas seulement notre attention sur les nombreuses matières qui, au hasard des appellations, se rappellent hasardeusement à notre infinie ignorance ( musique, peinture, sociologie, littérature, sciences politiques, religion, géographie, médecine…) mais également nous remet en mémoire les bienfaits de la ponctuation. J’en veux pour preuve celui-ci, Richard-Vitton, que porte une rue calme du quartier de Montchat dans le troisième arrondissement lyonnais.

    J’ai longtemps cru que Richard Vitton était un gars sans histoire, député ou maire, comme tant d’autres. Guère d’originalité là-dedans, je vous l’accorde. Et je ne m’étais jamais interrogé plus que ça sur l’existence simultanée à Lyon d’un cours Vitton et d’un cours Richard-Vitton. Quand j’ai découvert, stupéfait, l’existence de ce petit tiret, signe (arbitraire et pourtant nécessaire, comme aurait dit toute la clique des Saussure, Benveniste et autres) du nom composé.

    Jean Louis François RICHARD (1803-1874) est le fils de Charles François RICHARD (1772-1851), soldat sous la Révolution qui s’établit à Saint-Chamond où il fit fortune honnête en montant une entreprise de lacets. En épousant la fille d’Henri VITTON (1793-1834), l’ancien maire de la Guillotière, une dénommée Louis Françoise, le fils de l’entrepreneur en lacets  devint donc ce fameux Jean Louis François RICHARD-VITTON, a qui le cours de Montchat fut dédié ; En lotissant son domaine, la famille-dynastie des Vitton, laquelle possédait une bonne partie du quartier autour des dix-sept hectares de son château, dota en effet douze kilomètres de voies publiques à la ville. La contrepartie, c’était que chaque rue devait porter le prénom d’un de ses enfants (Julie, Julien, Louise, Antoinette…) au fur et à mesure quelle cédait ses terrains pour faire du logement social. Devenu maire du troisième arrondissement après l’annexion de la Guillotière à la ville, Jean Louis François RICHARD-VITTON céda ainsi – c’est ce que raconte la petite histoire – la voirie de Montchat au préfet Vaisse, à condition que la municipalité s’engageât à conserver la mémoire de ses chères têtes blondes (1) en ne changeant plus les noms des rues de ce quartier. En retour,  Richard-Vitton offrit le doux nom de l’impératrice ’Eugénie à l’une des voies du lotissement.

     

    (1)  Ou brunes : le story board ne le précise pas.

  • Vitton

    Autrefois, tout le quartier de la rive gauche appartenait à la commune de la Guillotière. Celle-ci avait été réunie une première fois à Lyon en 1793. Occupée par les armées de la Convention, elle recouvra son indépendance le 12 août 1793 et fut incorporée au département de l'Isère (district de Vienne-la-Patriote). La Guillotière a été annexée entièrement à Lyon en 1852, tandis qu'étaient rattachées au département du Rhône les communes de Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Bron et Saint-Fons. Cette même année 1852, Lyon fut divisée en arrondissement. La Guillotière formait le 3ème arrondissement. Par la suite, d'autres arrondissements furent créés, ce qui donna naissance au 6ème (1867), au 7ème (1912) et au 8ème (1959). La population de la rive gauche a considérablement augmentée durant le XIXème siècle, passant de 6000 habitants (1802) à 35 000 (1850) et 150 000 vers 1900. C'est à l'ingénieur Morand qu'on doit l'idée d'urbaniser cette rive gauche du Rhône. C'est pourquoi le pont qui permet le franchissement du fleuve face à la place Tolozan porte aujourd'hui encore son nom. Du temps de l'enfance de Puitspelu (cf Les Oisivetés du sieur Puistpelu, ch. "Les Montagnes"), les Lyonnais appelaient ce qui est aujourd'hui le cours Vitton "La Grande Allée". Cette grande Allée est devenue ensuite le cours Morand, puis le cours Vitton.


    Ecoutons Puitspelu lui-même, qui écrivit les lignes que voici en 1889 : "Nous allons prendre la Grande Allée, qu'on nomme aujourd'hui cours Morand. Cette grande Allée était creuse dans le milieu, où l'on avait laissé subsister le sol naturel. A droite et à gauche, des chaussées, auxquelles on accédait par des talus gazonnés. Les arbres étaient placés à l'inverse d'aujourd'hui, c'est-à-dire qu'ils étaient dans le milieu, dans la partie creuse. Beaucoup plus drus que les "ch'tis" platanes d'à présent, pour autant qu'il se trempaient les pieds dans l'humus frais, au lieu que ceux d'aujourd'hui les baignent dans les cailloux du Rhône qui ont servi de remblais. Cette grande Allée était tellement la promenade favorite des Lyonnais que, le dimanche, on disposait de chaque côté un triple rang de chaises qui, à certains jours de fêtes, étaient toutes occupées pour voir le défilé des promeneurs et des équipages. Dans la Grande Allée, bien entendu, aucune maison, mais de nombreux établissements de plaisir. D'abord, à droite, en allant à l'Orient, le petit Tivoli, où depuis un certain nombre d'années, Mourguet avait son théâtre Guignol (...). Après Mourguet, occupant l'espace entre l'avenue de Saxe et la rue Vendôme, se trouvait le café du Grand Orient, nom venu sans doute de la loge maçonnique de Cagliostro. A gauche, un cirque qui fut construit en 1818 par l'écuyer Désorme. Il fut incendié plus tard. Puis le Jardin Chinois , montagnes lilliputiennes basses (...) Après cela, il y avait dans la Grande Allée en se dirigeant vers les Charpennes nombre d'autres établissements, le jardin Montansier, des Vauxhalls, comme c'était alors la mode d'appeler les salles de danse, des tirs au pistolet. Ceux-ci dsparurent les derniers et il me souvient d'un être encore allé souvent tirer en 1850."

    Cette description de la Grande Allée, avant qu'elle ne devînt un cours urbanisé et prît les noms successifs de Morand et de Vitton, fort pittoresque (comme tout ce qu'a écrit le bon Nizier du Puitspelu) nous a occupés un bon moment. Elle évoque un espace bien différent de l'actuel cours, bordé d'immeubles bourgeois et de commerces luxueux. Je dirai simplement, pour le rapport avec le début de ce billet, que Henri Vitton, né en 1793, était maire de la Guillotière et que c'est lui qui, bien après la mort de Morand sous la guillotine (voir le billet sur la place Lyautey) et bien avant l'annexion transforma la "Grande Allée" en un cours qui prit son nom lorsqu'il mourut en duel en 1834. Les Vitton étaient une véritable dynastie, dont on a déjà parlé à propos de la rue Ferdinand Buisson, et que commémore également, dans le troisième arrondissement, le cours Richard-Vitton (Richard étant le nom du gendre et Vitton celui du beau-père)


    Sur le blog « certains jours »une photo des platanes, à l'entrée de la place Lyautey et du cours Vitton. Là se cache une forêt, connu des seuls poètes et de quelques génies. Mais chut ! Là, nous touchons à la légende.

     

  • Sathonay (place)

                                     

    Le 23 septembre 1805, assisté de six adjoints et de vingt-neuf conseillers municipaux, Nicolas Marie Jean Claude FAY de SATHONAY prend ses fonctions de maire de LYON. La mairie unique, supprimée par la Constitution de l’An III, vient d’être rétablie par Napoléon ; il était né le 7 novembre 1762, dans une vieille famille de l’aristocratie lyonnaise. Son grand-père avait été échevin ; son père prévôt de s marchands. Fay de Sathonay fut un bonapartiste enthousiaste qui proposa d’élever une statue de Napoléon place Bellecour et de construire un palais impérial à l’emplacement de l’actuel marché-gare de Perrache ; mais ses pouvoirs effectifs au sein de la mairie étaient réduits. Il proposa un projet d’annexion des communes suburbaines qui fut rejeté par le Conseil d’Etat. Fay de Sathonay mourut comte d’Empire, le 27 août 1812, dans son hôtel de la rue du Plat.

    Le relief et la physionomie de la place épousent, au cœur de l’antique Condate, celui d’une ancienne villa gallo romaine pour résident foruné ; durant très longtemps,  la place Sathonay a porté le nom de place de la Déserte, appellation qui  remontait à une très lointaine origine : probablement le nom d’une très ancienne famille Déserta, qui possédait le tènement.

    C’est là qu’en l’année 1296 Blanche de Chalon, fille de Jean de Chalon (duc de Bourgogne) acheta de Jean Mallen (citoyen de Lyon) une maison et un terrain de vignes sur lequel  elle établit un monastère destinée aux religieuses de Sainte-Claire, lequel prit le nom de Notre-Dame de la Déserte. A partir de 1503, ces religieuses quittèrent l’habit de Sainte-Claire pour passer sous la règle de Saint-Benoît.  En 1562, le monastère fut pillé par les protestants. L’abbaye vécut plus ou moins bien jusqu’à la Révolution ; on y dénombrait alors une quarantaine de religieuses. L’Arquebuse triple de la déserte, eau vulnéraire de grande réputation qu'elles fabriquaient, survécut longtemps au couvent, dont les bâtiments furent entièrement démolis en 1817. De l’intérieur du cloître, on fit l’actuelle place, tandis que l’ancien clos devenait le Jardin des Plantes.

    En 1840, on éleva sur cette place une statue de Jacquard. En 1900, cette dernière regagna la place de la Croix-Rousse et fut remplacée par celle du sergent Blandan (œuvre de Lamotte), qui s’y trouve actuellement.

     

     statue du sergent Blandan, place Sathonay

     

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