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de thou

  • Pierre Scize

    « Parmi les vieux châteaux dont la France se dépouille à regret chaque années, il y en avait un, d’un aspect sombre et sauvage, sur la rive gauche de la Saône… » écrit Vigny dans Cinq-Mars.) « Du puissant château fort, pas même une ruine ! », récite de son côté un poète local méprisé : Comme l’ont chanté l’illustre Vigny ainsi que l’obscur Amédée Matagrin, lorsque le temps fut venu, l’immense forteresse du quai Pierre Scize, qui avait servi de prison durant des siècles et dont le nom venait de la pierre scize ( pierre fendue) sur l’ordre d’Agrippa, et qu’on pourrait nommer la Bastille lyonnaise, disparut corps et bien.

    Pierre Virès, qui dans son roman Les Gueux de Lyon raconte le siège du château par les gueux de Lyon, en 1588, le décrit brièvement : « Sur ce versant regardant Vaise, les obstacles naturels avaient toujours semblé assez infranchissable pour ne pas exiger de surveillance ; il n’en était pas de même du côté de la Saône. Là, un large fossé protégeait les abords, et une arche de pierre très étroite, fermée par une grille, donnait seule accès à un escalier de cent trente deux marches creusées dans le roc, véritable échelle de granit par laquelle on parvenait à ce nid d’aigle, appelée la forteresse de Pierre Scize. »

    Les quelques nuits que Cinq Mars et de Thou y passèrent, avant leur exécution en 1642 sur la place des Terreaux, sont rapportés en 1831 par Léon Boitel :

    « MM. De Cinq Mars et de Thou, conduits à la forteresse de Pierre-Scize, l’instruction de leur procès commença dès le lendemain. Le château de Pierre-Scize, autrefois siège du pouvoir sacerdotal, était devenu prison d’état sous Louis XI. De 5MarsPierre-Scize.jpgnoires murailles entourées de bosquets, des tours bizarrement dessinées formaient, avec la forteresse de l’autre côté de la rivière, une masse imposante de fortifications qui se reflétaient dans la Saône. C’est là que, durant huit jours, les prisonniers se préparèrent, par la prière, à une mort qu’ils attendaient avec résignation »

    Le 9 septembre 1791, le château fut pris par la foule. Dans les colonnes du Salut Public, Désiré Bigot publie en feuilleton en 1850 un roman, Le gone de Saint-Georges, qui retrace ces événements sanglants tout en romançant le déroulement :

    « De vagues rumeurs grondaient dans la ville depuis deux ou trois jours. On parlait de meurtres et d’assassinats, contre les prêtres surtout. Mais personne n’ajoutait foi à ces propos. Dans tous les coins, on était loin de penser que les égorgeurs oseraient se présenter contre le fort de Pierre Scize, dont l’entrée pouvait être facilement défendue. Les gardes nationaux n’avaient donc aucune inquiétude, lorsque dans l’après-dînée, à quatre heures environ, la sentinelle qui se promenait à la porte Basse signala l’approche d’une foule menaçante qui s’avançait par le quai Bourgneuf : presque en même temps, une autre bande paraissait dans le chemin de Montauban, venant prendre la forteresse en flanc, pendant que la troupe principale l’abordait de front. »

    Le texte est à peine romancé : la foule ne parvint à tuer ce jour-là à que huit des neuf prisonniers retenus alors dans la forteresse. Mais la violence que subirent ces malheureux fut extraordinaire : après les avoir sauvagement décapités, on porta leurs têtes au bout d’une pique par toute la ville, jusqu'à la scène du théâtre des Célestins.
    En 1793, l’ancienne résidence des archevêques, dernier vestige conséquent des burgondes à Lyon, fut entièrement démoli sur l’ordre de Couthon, en même temps que 161 maisons du quai Bourgneuf. Lyon perdit ce jour-là l’un de ses plus paysages les plus pittoresques, dont on ne peut plus admirer le romantique aspect que sur d'anciennes toiles ou gravure. Dans la réalité, seul demeure le roc qui donna son nom à ce quai, lequel abrite l'Homme de la Roche. Placée sous une grotte et encadrée de vigne-vierge, cette statue fut érigée  à  la mémoire de Jean Kléberger, « le bon Allemand »  (vers 1486- 1546). Ce fut d’abord une statue en bois coloriée, le représentant en héros romain.

     Né à Nuremberg, ce négociant  avait obtenu le droit de cité lyonnaise en 1536 après avoir sillonné le pays de foires en foires et spéculé pour son propre compte jusqu’à devenir l’un des banquiers officieux de François 1er qui menait alors ses guerres d’Italie. Il habita une maison à présent détruite au 93 rue des Farges ( des forges – ou ateliers) et fut l’un des premiers administrateurs de l’Aumône générale à laquelle il légua à sa mort pas moins de quatre mille livres. La tradition veut qu’il dotât les filles pauvres de ce quartier populaire de Bourgneuf.  Aucune fondation ne porte cependant son nom. Monsieur Josse, dans son livre « A travers Lyon » remet en doute cette belle légende, rappellant que « trop souvent, cette libéralité posthume n’a eu d’autre objet que d’expier des libéralités moins avouables et pratiquées en sens contraire, au cours d’une existence facile. »

    (1)  Monsieur Josse, A travers Lyon, 1887, p. 98

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  • De Thou

    On a donné à cette impasse très courte du premier arrondissement le nom de François-Auguste de Thou, dont le corps, après sa décapitation place des Terreaux fut transporté (avec celui de Cinq-Mars) dans l'église des Feuillants, juste à côté. Cinq-Mars fut enterré immédiatement. Mais De Thou fut conduit aux Carmélites de Lyon, par les soins de madame de Pontac, qui envoya son cœur à Paris pour le faire placer dans le tombeau de ses aïeux, à Saint-André des Arts.

    De Thou était né à Paris, en 1607. Il fut exécuté à Lyon en septembre 1642. A son juge, le fameux Jacques Martin, sieur de Laubardemont, on prête ce mot cynique : « Qu'on me donne deux lignes de l'écriture d'un homme ; je me charge de le faire pendre. »

     Pour l'occasion, le vieux Richelieu, bien que fort malade, et pour tout dire presque mourant, s'était fait descendre à Lyon en bateau. Son frère Alphonse, alors archevêque, l'y reçut avec tous les honneurs. Cinq-Mars et De Thou, qui avaient commis le crime inouï de conspirer contre les jours du ministre devaient recevoir un châtiment exemplaire. Les deux hommes furent conduits dans la Bastille lyonnaise de l’époque, le Château Pierre-Scize. « Ce fut là raconte Vigny dans Cinq-Mars, que le cardinal de Richelieu voulut incarcérer et conduire lui-même ses jeunes ennemis. Il les enleva de Narbonne, les traînant à sa suite pour orner son dernier triomphe. Etalant aux yeux de tous le luxe de sa haine, il remonta le Rhône, avec lenteur, sur des barques à rames dorées et pavoisées  de ses armoiries et de ses couleurs, couché dans la première et remorquant ses deux victimes dans la seconde au bout d’une longue chaîne » L'exécution eut lieu sur la place des Terreaux.

    Le bourreau étant malade, ce fut son remplaçant qui en fut chargé. Les chroniqueurs s'accordent pour dire que la place, ses accès, ses fenêtres étaient noirs de monde, et que certains avaient multiplié les bassesses pour s'assurer une place au spectacle. C'est avec une hache énorme, terminée par un couperet n'ayant pas moins de vingt-cinq centimètres de tranchant que les deux têtes furent successivement tranchées. Les deux jeunes gens subirent leur sort sans un mot, en fiers gentilshommes, d'abord Cinq mars, puis de Thou. Voici la dernière strophe de la Complainte lamentable de la mort de monsieur Cinq Mars et de monsieur de Thou (1642)


    Monsieur de Thou monta bien tôt après
    Et honora d'un baiser cet infâme
    Qui lui donna dessus son pauvre chef
    Quatre ou cinq coups d'une pesante lame.

     

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