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  • Canuts (boulevard)

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     Dans le cadre du plan d’assèchement des étangs de la Dombes, transformés peu à peu en bois et en cultures, le gouvernement avait lancé en 1859 la construction d’une voie ferrée de cinquante et un kilomètres, reliant Bourg-en Bresse à Lyon. C’est l’industriel italien Lazare Mangini (1802-1869) qui obtint alors de l’Etat, le 18 avril 1863, la concession de cette ligne. Il créa avec ses fils, Louis-Lucien (1833-1900) et Félix-Daniel (1836-1902) « la Compagnie des Dombes ». L’ouverture a lieu le 30 juillet. En 1874 ils la prolongèrent par Caluire, Cuire, Montessuy, Fontaines, Rochetaillé, Fleurieu, Neuville, Genay, Massieux, Parcieux jusqu’à Trévoux, en bord de Saône. Le train, surnommé par les Lyonnais « la Galoche », en raison des nombreuses secousses dont elle gratifiait ses voyageurs durant le trajet, connut un vif succès en permettant aux citadins le repos dominical à la campagne. A l'origine, la gare se trouvait à côté du terminus du funiculaire de la rue Terme (l’actuel tunnel routier).  Les locomotives devaient traverser le boulevard à très faible vitesse, et précédées d'un agent. Un train de la Galoche pouvait ainsi demeurer un bon quart d'heure au travers du boulevard, et cela plusieurs fois par jour. « On avait le temps, explique Pétrus Sambardier, d'aller faire une partie de boules avant que la circulation soit libre. » (1)

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    Une telle contrainte d'exploitation fut jugée trop pesante et, le 19 mai 1914, le terminus de Lyon Croix-Rousse fut déplacé au nord du boulevard, à l'angle de la place des Tapis et de la rue de la Terrasse, où se trouvaient initialement la gare marchandises et le dépôt. C’est là que débute à présent l’actuel boulevard des Canuts. Ces deux dernières installations furent, quant à elle reportées, simultanément au-delà de la rue Hénon. Le 16 mai 1953, en effet, la Galoche devait transporter ses derniers voyageurs. Et quelques années plus tard, la gare fut entièrement démolie. Voici un extrait du Progrès, daté du 27 août 1957 :

    « Curieuse désolation apocalyptique à la gare de la Croix-Rousse. Les toitures ne conservent qu'une vague charpente, le verre pilé crisse sous les pas, les murs se dégradent, les pieds se prennent dans des planches fendues cachant des clous traîtres... Plus de rails, un seul camion chargé de gravas. La gare de la Croix-Rousse est livrée à la casse. Tandis que tout s'écroule le long de la rue de Villeneuve, la SNCF fait élever pour cinquante ménages de ses employés un premier H.L.M. D'autres s'érigeront, comme lui le long de cette rue également pour le personnel de la SNCF. Face à la place des Tapis et le long de la rue de Cuire, va se construire un immeuble de quatorze étages pour soixante-dix foyers, avec au rez-de-chaussée des bureaux pour les PTT. Partant de la place des Tapis, un grand boulevard (2) longeant puis coupant les vieilles voies, prendra les Croix-Roussiens en partance pour le week-end et les lancera en direction de Trévoux. Les espaces libres de toute construction seront voués "au vert". Parcs et squares fleuris viendront concurrencer les ombrages du boulevard de la Croix-Rousse. Adieu, tortillard croix-roussien. »

    Le boulevard des Canuts a donc finalement pris la place de l’ancienne voie de chemin de fer, en 1984. L’appellation Canuts se veut un hommage aux « ouvriers tisseurs » qui, en 1831 puis 1834, se révoltèrent contre les marchands fabricants pour l’obtention d’un tarif. Cette appellation fut le début d’une réappropriation de ce terme, au XIXème siècle injurieux. A présent, à Lyon du moins, le mot peut signifier tout aussi bien un pain en boulangerie qu’un appartement en agence immobilière. Le boulevard des canuts s’étend de la rue de la place des Tapis jusqu’à la place de Cuire, au terminus du métro C. Il est longé par une piste cyclable. Au croisement de la rue Denfert-Rochereau, une fresque en trompe-l’œil représente une montée imaginaire typiquement croix-roussienne, appelée

    « le mur des canuts ».

     

     

  • Vivier-Merle (boulevard)

    Le nouvel arrivant à Lyon, quand il sort de la gare de la Part-Dieu, débarque sur une esplanade traversée par une voie moderne, sillonnée de tramways et bordée d’immeubles d’affaires et de banques, sur laquelle il ne prend peut-être pas même le temps de jeter un regard, tant il lui parait n’être ici que sur un simple lieu de transit. Devant lui se dressent le centre commercial et la tour du Crédit Lyonnais. Métros, tramways, autobus, tout l’invite à filer le plus vite possible, le plus loin possible. Et sans doute n’entend-il plus gronder le rire moqueur de l’oiseau dans ce nom de Vivier Merle, qu’il voit sur la signalétique : il est loin, le joli temps des cerises ; des oiseaux, il n’y en a plus guère en ce coin de la ville, sinon les piafs espiègles, qui chapardent sur les terrasses des brasseries miettes de croissants et croutes de pain.

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    Marius Vivier Merle naquit au pays des pierres dorées, à Legny en, Beaujolais, le 18 juillet 1890. Il devint ouvrier métallurgiste après un apprentissage à Lyon et, grâce à ce statut, échappa à la mobilisation de 1914. Il s’impliqua assez vite dans le militantisme ouvrier, put grimper les échelons au sein de la CGT dont il devint, après le congrès de Tours en 1920, un actif dirigeant. En 1922, Vivier Merle est le secrétaire général de la CGTU (confédération générale du travail unitaire), installée rue Cuvier. La montée du front populaire lui permet d’asseoir son ascendant politique au sein de la CGT réunifiée. En 36, il est à la pointe des grèves au sein de l’usine Berliet, et fait face  au préfet Emile Bollaert lors des négociations. Il se rend plusieurs fois au Mexique et aux Etats-Unis en tant que syndicaliste français.  Le 19 juin 1940, en tant que secrétaire de l’union départementale de la CGT, il fait partie, avec le préfet Bollaert, le cardinal Gerlier, le premier adjoint Cohendy, le président de la Chambre de Commerce Charbin, le secrétaire du cartel des Anciens Combattants Vicaire, des six otages représentatifs de la population lyonnaise exigés par la Kommandantur (qui l'a surnommé le Führer des ouvriers) pour maintenir l’ordre. Il est à ce titre retenu plusieurs jours  dans la préfecture.  

    Hostile au programme de Vichy, il s’engage assez tôt dans le mouvement de résistance Libération-Sud et fait alors partie du bureau clandestin de la CGT. Alors qu’il doit rejoindre le résistant Alban Vistel le 26 mai 1944, dans un immeuble de la place Jean-Macé, pour parler de la grève générale qui doit suivre le débarquement proche, ils est tué dans l’effondrement de l’immeuble, à la suite de bombardements hasardeux effectués en toute hâte et sans précaution par les Américains de l’US Force, qui larguent en une seule journée l’avalanche de 1500 bombes incendiaires de 200 à 500 kilos sur Vaise et le quartier Berthelot, faisant en tout 717 morts et 1129 blessés parmi les civils. Le 19 février 1945, son nom est donné à l’ancien boulevard de la Part-Dieu, qui faisait partie de la ceinture de fortifications établie à l’est de Lyon depuis 1830.

  • Jardin des Pantes

    C’est le 8 juin 1795 que le représentant du Peuple Joseph Clément Poullain Granprey décide la création d’un Jardin des Plantes à Lyon, sur le terrain de l’ancienne abbaye de la déserte située sur les pentes de la Croix-Rousse, devenu bien national depuis peu.  Son premier directeur, Jean Emmanuel Gilibert (1795-1808) obtient gain de cause après une longue lutte. En hommage à Joséphine de Beauharnais, ce dernier devient en 1805 le « Jardin de l’Impératrice » qui offre des plantes exotiques qu’elle acclimate en son jardin de la Malmaison, parmi lesquelles une partie de sa collection de roses. Le lieu devient vite une promenade à la mode, en particulier pour les élèves de la « classe de fleur » de l’Ecole des Beaux-Arts.

    En 1819, sous la direction de Jean-Baptiste Balbis, une Orangerie qui sera remontée pierre par pierre lors du déménagement du jardin au parc de la tête d’or est aménagée. C’est surtout Nicolas Charles Seringe (1776-1858) qui modifie le plus profondément l’organisation du jardin des Plantes en aménageant un herbier de plus de 17 000 plantes, une collection de bois utile à l’ébénisterie, une importante collection de céréales utiles aux agriculteurs. C’est aussi lui qui met en place le premier étiquetage systématique des végétaux, afin que le plus grande partie de la population puisse les identifier. Ravagé par un ouragan en 1853, le Jardin est réaménagé, lors de la création du parc de la Tête d’Or en 1857, dans le nouveau jardin botanique où il peut s’étendre plus à son aise. Ce n’est qu’au milieu du vingtième siècle que, grâce aux travaux d’Aimable Audin (1899-1990) nommé en 1957 directeur des fouilles antiques de la ville de Lyon, débute le dégagement de l’amphithéâtre des Trois Gaules dans ce haut lieu de la chrétienté jusqu’alors souverainement ignoré, sur la colline de Condate.  Jean Paul II, lors de son voyage en 1986, se rendra sur le lieu où probablement  furent suppliciés les martyrs de 177, parmi lesquels la jeune Blandine. Au bas du Jardin des Plantes, qui n’est plus à présent qu’un square paisible en journée, et le long de la rue qui porte encore son nom et rejont en pente douce la rue Terme, se trouvent le monument Burdeau et celui de Moïse Tibulle Lang (1841-1911), directeur de la Martinière de 1879 à 1909. On peut voir la rue sur la photo ci-dessous, ainsi qu el emonument Burdeau et, au loin la colline de Fourvière.

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  • Salomon Reinach

    Directeur du Musée des Antiquités nationales, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, codirecteur de la Revue archéologique, Salomon Reinach est l'auteur d'une œuvre considérable dont la Bibliographie de 262 pages, reinach.jpgparue en 1936, donne la mesure et dont Cultes, mythes et religions (1905-1923) est la figure de proue. Reinach y aborde l'étude des religions par le biais des grandes notions opératoires en honneur à l'époque : l'animisme, la magie (qui est « la science non encore laïcisée »), le tabou (« interdit non motivé », transmis par héritage de nos ancêtres animaux à nos ancêtres humains), le sacrifice, le totem, dont l'auteur prétend trouver des exemples dans tous les dieux sacrifiés du monde gréco-romain : Orphée, Hippolyte, Actéon, Phaéton... Dans Totem et Tabou (1913), Freud fait souvent référence à cette somme de la mythologie comparée.

    Salomon Reinach est le frère de Joseph Reinach (1856-1921), homme politique et publiciste qui mena campagne contre le boulangisme et en faveur de Dreyfus, et de Théodore (1860-1931), lui-même archéologue et historien. Il est né à Saint-Germain-en-Laye, dans une riche famille de banquiers juifs allemands et a suivi les cours de l'Ecole Normale Supérieure, avant de rejoindre l’Ecole Française d’Athènes en 1879.  Son arrivée en Grèce est marquée en mars 1881 par sa rencontre avec Charles Joseph Tissot, un Dijonnais célèbre, futur ambassadeur de France à Londres, qui est ministre de France à Athènes depuis trois ans et président de l'Institut de correspondance hellénique : « Je me présentai à Tissot, il me revit à notre bibliothèque, et nous étions liés avant de nous connaître. Il m'a dit plus tard qu'il m'avait pris en affection parce qu'il me voyait une curiosité générale et que je paraissais désireux, à la différence des spécialistes, d'apprendre ce que je ne savais pas ». Trente ans séparent Salomon de cet homme qui pourrait être son père. Mais ils sont nés le même jour, un 29 août, ce qui contribue à les rapprocher. Tout comme leur passion pour le dessin, leur goût des langues, leur amour de Lucain et leur propension à la mélancolie.

    Archéologue de terrain, Salomon Reinach a conduit sur tout le pourtour méditerranéen bon nombre de fouilles qui eurent un grand retentissement auprès de la communauté scientifique, notamment à Myrina près de Smyrne, entre 1880 et 1882, à Kymé en 1881, dans les îles de Thasos, Imbros et Lesbos en 1882, à Carthage en 1883 et à Odessa en 1893.

    Il est connu pour avoir fait acheter par le musée du Louvre, en 1896, la tiare de Saïtapharnès découverte en Crimée pour la somme de deux cent mille francs or, tiare qui se révéla en 1903 être un faux réalisé par un certain Rachoumowsky. Jarry, dans le docteur Faustroll, évoque l'aventure.

    Ardent défenseur de la culture et des droits des juifs, il fut par ailleurs vice-président de l’Alliance israélite universelle et membre de la Société des études juives. Il s’engagea dans l’affaire Dreyfus en y jouant un rôle occulte, mais décisif. Soucieux de combattre l’intolérance, il fut également aux côtés de Colette, lors du procès de Robert Desnos, condamné pour La Liberté ou l’amour. Jusqu’à sa mort, il rendit visite ou écrivit à Nathalie Barney et à Liane de Pougy, qui l’avaient introduit dans le milieu des prêtresses de Sapho. Il trouvait auprès d’elles l’occasion de satisfaire la dernière grande passion de sa vie : la vie et l’œuvre de Pauline Tarn, la poétesse Renée Vivien.

    Salomon Reinach est mort à Boulogne, dans les Hauts-de-Seine en 1932, il est inhumé au cimetière de Montmartre.

    Si la capitale des Gaules honora une rue du septième arrondissement de son nom depuis 1934, c’est parce qu’il légua sa très riche bibliothèque à l’Université de Lyon.

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