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  • Saint-Polycarpe

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    La rue Saint-Polycarpe doit son nom à l’église face à laquelle elle fut ouverte. Au XVIème siècle, c’était un champ pentu de vignes. Puis une communauté religieuse, celle des Pères de l’Oratoire, investit le domaine vers 1616. La construction de l’église elle-même débuta vers 1665. Le sculpteur Perrache (père de l’ingénieur dont la gare porte le nom) en réalisa le maître-autel. L’architecte Loyer, élève de Soufflot, allongea la nef et dressa cette façade néo-classique qu'on découvre au fond de la rue, peu mise en valeur hélas, comme c'est souvent le cas à Lyon. Le fronton triangulaire est soutenu par quatre pilastres corinthiens et la magnifique porte est de style Louis XV. Très visibles sur cette façade, des éclats dans la pierre peuvent étonner le chaland : ils sont le triste souvenir des boulets de canons tirés des troupes de la Convention, lors du siège de Lyon en 1793.

    C’est Napoléon qui, en 1805, prit par décret l’initiative de bâtir l’autre bâtiment historique de cette rue, celui de la Condition des Soies, dressé dans l'ombre sur la droite de la photo . Le bâtiment est sorti de terre à partir de 1809, sur un terrain ayant appartenu à des capucins avant la Révolution. Son architecte, Joseph Gay, a particulièrement soigné sa façade en lui donnant l'allure d'un palais italien. Il devint opératoire à partir de 1804, alors que la fabrique de la soie commençait à sortir de la crise et que débutait ce qu'on appellera le siècle d'or de la fabrique avec une croissance annuelle, de 1815 à 1880, oscillant autour de 4%

    Conditionner la soie, c’est contrôler son degré d’humidité avant de la déclarer bonne pour la mise en vente. La soie est alors placée dans des caisses grillagées durant vingt quatre heures, dans des pièces à 18°. Durant tout le dix-neuvième siècle, la présence de ce bâtiment a fait de la rue Saint-Polycarpe le cœur du quartier de la soie. La crise des années trente et la seconde guerre mondiale a eu raison de cette activité et le bâtiment est ferma 1940. Depuis 1976, la Condition des Soies est devenue une bibliothèque de quartier.
    A l’angle de la rue Saint-Polycarpe, une impasse étroite du même nom s’enfonce entre de hautes façades. C’est là que se cache le cinéma Saint-Polycarpe, le seul cinéma survivant dans les pentes de la Croix-Rousse.
     

    Quant à Polycarpe, on peut le considérer comme le patron de l'église lyonnaise puisque ses deux fondateurs (tout d'abord Pothin, puis surtout Irénée), avaient été envoyés de Smyrne par lui. Polycarpe est un disciple immédiat de Saint-Jean. De nombreux textes anciens relatent cet épisode, ici mythique : Voici la traduction d'un extrait de la Passion d'Irénée (Anonyme, VIème siècle), contenant un éloge de Polycarpe :
    « Alors que le bienheureux Polycarpe vivait ainsi en ce monde, il apprit que le très cruel meurtrier Marc-Aurèle souhaitait effacer des provinces des Gaules le nom des chrétiens et que saint Pothin, évêque et martyr de l'Eglise de Lyon, avait été fait prisonnier avec les siens : tous ceux qui furent considérés comme chrétiens furent torturés dans divers supplices : par la palme d'un martyre triomphal, ils rendirent leurs précieuses âmes au ciel et le Christ reçut avec la blanche troupe des cieux ses saints dans le bonheur. Ils furent martyrisés le 2 juin. Saint Polycarpe fit partir de son entourage saint Irénée, rempli de foi, de grâce et d'Esprit Saint, élevé à l'honneur de la prêtrise : il l'envoya sous la conduite d'un ange vers la bienheureuse ville de Lyon pour réconforter de nouveau les chrétiens qui se cachaient en ce lieu depuis quelque temps, et pour rassembler, par sa prédication, dans le troupeau du Christ, la foule des gentils qui étaient dans les ténèbres. Saint Irénée part avec le diacre Zacharie et deux clercs pour compagnons et il entre dans la très noble ville de Lyon. Par ses vertus, par les prodiges, les miracles et les prédications que Dieu très grand faisait par son intermédiaire, la cité plaça sa foi très rapidement tout entière dans le Christ. »

  • Prunelle

     

    06-F19DAU008938.jpg  C’est une petite rue de quelques trente mètres, sur ce qu’on appelle ici « les pentes ». Elle débouche sur la place Rouville et l’une des plus belles vues de Lyon. Au cœur du quartier des tisseurs, par décision du conseil municipal en date du 9 mars 1843, elle honore un homme qui pourtant ne fut pas très tendre avec les canuts du XIXème. Gabriel Prunelle fut l’une des ces grandes figures médicales dont s’enorgueillit la bourgeoisie lyonnaise au XXème siècle. Né le 23 juin 1777, à la Tour du Pin, il partit étudier la médecin à Montpellier où il passa sa thèse en 1800 et se lia d’amitié avec le chimiste Jean-Antoine Chaptal. Il fut nommé bibliothécaire de l’école de médecine de cette ville et profita de ce poste pour effectuer maints détournements dans diverses bibliothèques publiques de France. Ces rapines indélicates eurent beau être dénoncées, il fut nommé professeur de Médecine Légale de la Faculté de Montpellier, lors de sa création en 1807.

    Il se maria à une riche lyonnaise, fille de soyeux, et s’établit en 1821 dans la capitale des Gaules, où il exerça la médecine quelques années avant de s’intéresser à la politique. Son engagement auprès des libéraux en fit un opposant à la Restauration et le cofondateur du journal le Précurseur. C’est lui qui présida le banquet de cinq cents couverts offert par des loges maçonniques au vieux général de la Fayette, le 6 septembre 1829. Il est connu pour avoir commis auprès de Mme de Chateaubriand qui l’avait consulté lors d’un de ses passages à Lyon une grossière erreur de diagnostic.

    Prunelle devint maire de la ville en 1830, tous les autres candidats s’étant récusés. Cette même année le vit élu député de l’Isère. Il mérita grâce à ce siège quelques mots de Stendhal qui le traita de « député vendu ». Durant son mandat de cinq ans, deux émeutes éclatèrent dans sa ville (1831 et 1834). Lors des événements de novembre 1831, le maire Prunelle brilla par son absence, dont il fit habilement un argument politique contre le préfet Bouvier Dumolard : lorsqu’il fallut rendre des comptes, il rédigea pour Casimir Perrier un rapport sévère sur la carence des autorités militaires et préfectorales. Nommé médecin inspecteur des eaux de Vichy en 1833, il brilla à nouveau par son absence durant les révoltes de 1834 et les mutuellistes lyonnais qui dénoncèrent sa « haine des travailleurs » et son « mépris du peuple », obtinrent sa démission le 8 mai 1835. Habilement, Prunelle finit sa carrière maire de Vichy.

    Il meurt le 20 août 1850, après une journée passée en compagnie d’Adolphe Thiers. A Vichy aussi, une rue lui fut consacrée, celle-là même où se trouve l’Hôtel du parc où résida Pétain.

    Lyon lui doit l’organisation de l’école La Martinière, fondée grâce à l’héritage du major Martin. Il fit aussi restaurer le Palais Saint-Pierre et ouvrir le quai de la Pêcherie. C’est enfin lui qui  ordonna les tous premiers essais d’éclairage au gaz dans quelques rues et obtint le partiel rétablissement des Facultés des sciences et des Lettres, lesquelles avaient été supprimées pendant la Restauration.

    Daumier, qui le caricatura sur la demande de Charles Philipon comme tous les notables du « juste milieu » l’avait surnommé monsieur Prune. Au musée d’Orsay, on peut admirer aujourd’hui son buste parmi les 36 réalisés entre 1832 et 1836 par le dessinateur du journal La Caricature.

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  • Pierre Scize

    « Parmi les vieux châteaux dont la France se dépouille à regret chaque années, il y en avait un, d’un aspect sombre et sauvage, sur la rive gauche de la Saône… » écrit Vigny dans Cinq-Mars.) « Du puissant château fort, pas même une ruine ! », récite de son côté un poète local méprisé : Comme l’ont chanté l’illustre Vigny ainsi que l’obscur Amédée Matagrin, lorsque le temps fut venu, l’immense forteresse du quai Pierre Scize, qui avait servi de prison durant des siècles et dont le nom venait de la pierre scize ( pierre fendue) sur l’ordre d’Agrippa, et qu’on pourrait nommer la Bastille lyonnaise, disparut corps et bien.

    Pierre Virès, qui dans son roman Les Gueux de Lyon raconte le siège du château par les gueux de Lyon, en 1588, le décrit brièvement : « Sur ce versant regardant Vaise, les obstacles naturels avaient toujours semblé assez infranchissable pour ne pas exiger de surveillance ; il n’en était pas de même du côté de la Saône. Là, un large fossé protégeait les abords, et une arche de pierre très étroite, fermée par une grille, donnait seule accès à un escalier de cent trente deux marches creusées dans le roc, véritable échelle de granit par laquelle on parvenait à ce nid d’aigle, appelée la forteresse de Pierre Scize. »

    Les quelques nuits que Cinq Mars et de Thou y passèrent, avant leur exécution en 1642 sur la place des Terreaux, sont rapportés en 1831 par Léon Boitel :

    « MM. De Cinq Mars et de Thou, conduits à la forteresse de Pierre-Scize, l’instruction de leur procès commença dès le lendemain. Le château de Pierre-Scize, autrefois siège du pouvoir sacerdotal, était devenu prison d’état sous Louis XI. De 5MarsPierre-Scize.jpgnoires murailles entourées de bosquets, des tours bizarrement dessinées formaient, avec la forteresse de l’autre côté de la rivière, une masse imposante de fortifications qui se reflétaient dans la Saône. C’est là que, durant huit jours, les prisonniers se préparèrent, par la prière, à une mort qu’ils attendaient avec résignation »

    Le 9 septembre 1791, le château fut pris par la foule. Dans les colonnes du Salut Public, Désiré Bigot publie en feuilleton en 1850 un roman, Le gone de Saint-Georges, qui retrace ces événements sanglants tout en romançant le déroulement :

    « De vagues rumeurs grondaient dans la ville depuis deux ou trois jours. On parlait de meurtres et d’assassinats, contre les prêtres surtout. Mais personne n’ajoutait foi à ces propos. Dans tous les coins, on était loin de penser que les égorgeurs oseraient se présenter contre le fort de Pierre Scize, dont l’entrée pouvait être facilement défendue. Les gardes nationaux n’avaient donc aucune inquiétude, lorsque dans l’après-dînée, à quatre heures environ, la sentinelle qui se promenait à la porte Basse signala l’approche d’une foule menaçante qui s’avançait par le quai Bourgneuf : presque en même temps, une autre bande paraissait dans le chemin de Montauban, venant prendre la forteresse en flanc, pendant que la troupe principale l’abordait de front. »

    Le texte est à peine romancé : la foule ne parvint à tuer ce jour-là à que huit des neuf prisonniers retenus alors dans la forteresse. Mais la violence que subirent ces malheureux fut extraordinaire : après les avoir sauvagement décapités, on porta leurs têtes au bout d’une pique par toute la ville, jusqu'à la scène du théâtre des Célestins.
    En 1793, l’ancienne résidence des archevêques, dernier vestige conséquent des burgondes à Lyon, fut entièrement démoli sur l’ordre de Couthon, en même temps que 161 maisons du quai Bourgneuf. Lyon perdit ce jour-là l’un de ses plus paysages les plus pittoresques, dont on ne peut plus admirer le romantique aspect que sur d'anciennes toiles ou gravure. Dans la réalité, seul demeure le roc qui donna son nom à ce quai, lequel abrite l'Homme de la Roche. Placée sous une grotte et encadrée de vigne-vierge, cette statue fut érigée  à  la mémoire de Jean Kléberger, « le bon Allemand »  (vers 1486- 1546). Ce fut d’abord une statue en bois coloriée, le représentant en héros romain.

     Né à Nuremberg, ce négociant  avait obtenu le droit de cité lyonnaise en 1536 après avoir sillonné le pays de foires en foires et spéculé pour son propre compte jusqu’à devenir l’un des banquiers officieux de François 1er qui menait alors ses guerres d’Italie. Il habita une maison à présent détruite au 93 rue des Farges ( des forges – ou ateliers) et fut l’un des premiers administrateurs de l’Aumône générale à laquelle il légua à sa mort pas moins de quatre mille livres. La tradition veut qu’il dotât les filles pauvres de ce quartier populaire de Bourgneuf.  Aucune fondation ne porte cependant son nom. Monsieur Josse, dans son livre « A travers Lyon » remet en doute cette belle légende, rappellant que « trop souvent, cette libéralité posthume n’a eu d’autre objet que d’expier des libéralités moins avouables et pratiquées en sens contraire, au cours d’une existence facile. »

    (1)  Monsieur Josse, A travers Lyon, 1887, p. 98

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